Vu la procédure suivante :
La société Crusta C a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant, sur le fondement de l'article 220 quinquies du code général des impôts, à la restitution d'une créance de 432 419 euros sur le Trésor public. Par un jugement n° 1101709 du 30 septembre 2013, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 13BX03219 du 12 mai 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 14 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Crusta C demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Angélique Delorme, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la société Crusta C ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Crusta C était la tête d'un groupe intégré de sociétés qu'elle a absorbées le 31 mai 2009 ; que le 6 juillet 2009, elle a opté pour un report en arrière d'une partie du déficit constaté pour les sociétés du groupe à la clôture du dernier exercice de ces sociétés avant leur absorption ; qu'elle a fait état à ce titre d'une créance sur le Trésor dont elle a demandé le remboursement ; que l'administration fiscale, qui en avait accepté le principe par lettre en date du 7 octobre 2009, a toutefois procédé ultérieurement à une vérification de comptabilité de la société, à l'issue de laquelle elle a remis en cause le remboursement de la créance ; que le 24 mars 2011, la société a présenté une nouvelle demande de report en arrière portant à nouveau sur une partie du déficit des sociétés du groupe ; que par un jugement du 30 septembre 2013, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande la société Crusta C de lui accorder le bénéfice du report en arrière ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 mai 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'elle a interjeté de ce jugement ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 220 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, d'une part, dispose : " I. Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent (...). / L'excédent d'impôt sur les sociétés résultant de l'application du premier alinéa fait naître au profit de l'entreprise une créance d'égal montant. La constatation de cette créance, qui n'est pas imposable, améliore les résultats de l'entreprise et contribue au renforcement des fonds propres. / La créance est remboursée au terme des cinq années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel l'option visée au premier alinéa a été exercée. Toutefois, l'entreprise peut utiliser la créance pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos au cours de ces cinq années. Dans ce cas, la créance n'est remboursée qu'à hauteur de la fraction qui n'a pas été utilisée dans ces conditions (...) II. L'option visée au I ne peut être exercée au titre d'un exercice au cours duquel intervient (...) une fusion ou une opération assimilée (...) " ; que, d'autre part, l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales étend la garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A selon laquelle il ne peut être procédé à un rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration : " (...) / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal " ;
3. Considérant, en premier lieu, que, lorsqu'un contribuable n'invoque devant les juges du fond, à l'appui de conclusions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition, que la garantie prévue à l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales dans l'hypothèse où l'administration a formellement pris position sur l'appréciation de fait au regard d'un texte fiscal, sans invoquer la méconnaissance de ce texte, la juridiction n'est pas tenue d'examiner également le bien-fondé de la demande par rapport audit texte ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Crusta C s'est exclusivement prévalue devant eux, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la position prise par l'administration fiscale pour l'application de l'article 220 quinquies du code général des impôts dans sa lettre en date du 7 octobre 2009 mentionnée au point 1; que, dans ces conditions, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a ni commis une erreur de droit, ni insuffisamment motivé sa décision en se bornant à examiner la requête de la société Crusta C au regard de la prise de position de l'administration sans s'être prononcée sur le bien-fondé de la demande par rapport à l'article 220 quinquies ;
4. Considérant, en second lieu, que si les dispositions de l'article 220 quinquies citées ci-dessus permettent, sur option, de traiter le déficit constaté par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent, l'exercice de l'option du report en arrière n'a pas pour effet de modifier la base imposable au titre des années d'étalement ; qu'il suit de là qu'en jugeant que la société Crusta C ne pouvait utilement se prévaloir de la position prise par l'administration fiscale dans sa lettre en date du 7 octobre 2009 dès lors que la remise en cause de la créance découlant de cette option ne constituait pas un rehaussement d'impositions antérieures au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscale, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Crusta C n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que, par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Crusta C est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Crusta C et au ministre des finances et des comptes publics.