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13/06/2016 | FRANCE | N°390641

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13 juin 2016, 390641


Vu la procédure suivante :

La SCI Saint-Michel a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 124 283,75 euros ayant fait l'objet d'une mise en demeure valant commandement de payer, émise à son encontre le 29 mars 2011 par le pôle de recouvrement spécialisé de la Vendée. Par un jugement n° 1108068 du 20 juin 2013, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 13NT02350 du 2 avril 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel que la société a formé contre ce jugement

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Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique...

Vu la procédure suivante :

La SCI Saint-Michel a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 124 283,75 euros ayant fait l'objet d'une mise en demeure valant commandement de payer, émise à son encontre le 29 mars 2011 par le pôle de recouvrement spécialisé de la Vendée. Par un jugement n° 1108068 du 20 juin 2013, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 13NT02350 du 2 avril 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel que la société a formé contre ce jugement.

Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 juin et 3 septembre 2015 et le 14 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Saint-Michel demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des procédures civiles et d'exécution ;

- la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la Société Civile Immobilière Saint Michel ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière (SCI) Saint-Michel a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période comprise entre le 1er janvier 2001 et le 31 août 2003, au terme de laquelle l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assortis d'intérêts de retard et de pénalités ; que ces droits et pénalités ont été mis en recouvrement le 25 février 2006 ; que la SCI Saint-Michel a alors recherché devant le juge judiciaire la responsabilité civile de son comptable, la SAS Expertise Comptable Sofirec, au motif qu'il avait manqué à son devoir de conseil ; que, par un jugement du 3 octobre 2006 ayant reçu force exécutoire, le tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon a jugé que la responsabilité civile de la SAS Expertise Comptable Sofirec était pour partie engagée et l'a condamnée à verser à la SCI Saint-Michel, solidairement avec son assureur, la société Assurances Générales France Vie (AGF Vie), une indemnité d'un montant de 182 920 euros ; qu'à la suite de ce jugement, le Trésor public a notifié le 2 novembre 2006 à la société AGF Vie un avis à tiers détenteur, en vue d'obtenir qu'elle verse entre ses mains une somme égale à cette indemnité, à titre de règlement partiel des droits et pénalités dus à l'Etat par la SCI Saint-Michel ; qu'en exécution de cet avis à tiers détenteur, la société AGF Vie a versé au Trésor public le 21 décembre 2006 la somme de 182 920 euros ; que, saisie d'un appel dirigé contre le jugement du tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon mentionné ci-dessus, la cour d'appel de Poitiers, statuant par un arrêt du 5 mars 2008, a diminué de 124 283,75 euros le montant de la condamnation civile mise solidairement à la charge de la SAS Expertise Comptable Sofirec et de la société AGF Vie ; que, tirant les conséquences de cet arrêt, le Trésor public a, d'une part, restitué la somme 124 283,75 euros à la société AGF Vie et, d'autre part, demandé à la SCI Saint-Michel, par une mise en demeure valant commandement de payer en date du 29 mars 2011, de lui payer cette même somme en règlement des droits et pénalités dont elle demeurait redevable envers l'Etat ; que la SCI Saint-Michel a demandé la décharge de l'obligation de payer cette somme devant le tribunal administratif de Nantes, qui a rejeté sa demande par un jugement du 20 juin 2013 ; que la SCI Saint-Michel se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 avril 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262 du livre des procédures fiscales : " Les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d'impôts, de pénalités et de frais accessoires dont le recouvrement est garanti par le privilège du Trésor sont tenus, sur la demande qui leur en est faite sous forme d'avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, de verser, aux lieu et place des redevables, les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent, à concurrence des impositions dues par ces redevables (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 263 du même livre : " L'avis à tiers détenteur a pour effet d'affecter, dès réception, les sommes dont le versement est ainsi demandé au paiement des impositions privilégiées, quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l'encontre du tiers détenteur deviennent effectivement exigibles. Il comporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991 (...) " ; qu'aux termes de l'article 43 la loi du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution : " L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le Trésor public peut, en émettant un avis à tiers détenteur, demander au débiteur d'un contribuable de lui verser, en lieu et place de ce dernier, une somme que ce tiers doit au contribuable en cause, y compris lorsque la dette du tiers envers le contribuable procède d'une décision de justice qui n'est pas encore définitive ; que dans le cas où, après paiement au Trésor par le tiers, une décision de justice constate l'inexistence de tout ou partie de la dette de ce tiers envers le contribuable, il appartient au Trésor public, après avoir procédé, ainsi qu'il y est tenu, au remboursement au tiers, à due concurrence, de la somme payée au vu de l'avis à tiers détenteur, de faire valoir ses droits auprès du contribuable défaillant afin d'obtenir le paiement de la somme restant due par celui-ci ;

4. Considérant, dès lors, que la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'avis à tiers détenteur notifié le 2 novembre 2006 à la société AGF Vie avait eu seulement pour effet de transférer à l'Etat la propriété de la créance détenue sur elle par la SCI Saint-Michel et non d'éteindre définitivement la dette fiscale de celle-ci ; que la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en en déduisant qu'à la suite de la réduction par l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 5 mars 2008 du montant de la condamnation mise solidairement à la charge de la SAS Expertise Comptable Sofirec et de la société AGF Vie, diminuée de 124 283,75 euros, et au reversement de cette même somme par le Trésor public à la société AGF Vie, l'administration pouvait légalement mettre en demeure la SCI Saint-Michel, le 29 mars 2011, de payer cette somme, qui correspondait à des droits et pénalités dont celle-ci demeurait redevable envers l'Etat ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI Saint-Michel n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé ; que, par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la SCI Saint-Michel est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCI Saint-Michel et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 390641
Date de la décision : 13/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RECOUVREMENT. ACTION EN RECOUVREMENT. ACTES DE RECOUVREMENT. - AVIS À TIERS DÉTENTEUR (ATD) - 1) POSSIBILITÉ D'ÉMETTRE UN ATD LORSQUE LA DETTE DU TIERS L'ÉGARD DU CONTRIBUABLE RÉSULTE D'UNE DÉCISION DE JUSTICE NON DÉFINITIVE - EXISTENCE - 2) CAS OÙ, APRÈS PAIEMENT PAR LE TIERS, UNE NOUVELLE DÉCISION DE JUSTICE RÉDUIT LE MONTANT DE LA DETTE - OBLIGATIONS DE L'ADMINISTRATION.

19-01-05-01-02 1) Il résulte des articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales (LPF) ainsi que de l'article 43 la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution, que le Trésor public peut, en émettant un avis à tiers détenteur (ATD), demander au débiteur d'un contribuable de lui verser, en lieu et place de ce dernier, une somme que ce tiers doit au contribuable en cause, y compris lorsque la dette du tiers envers le contribuable procède d'une décision de justice qui n'est pas encore définitive.... ,,2) Dans le cas où, après paiement au Trésor par le tiers, une décision de justice constate l'inexistence de tout ou partie de la dette de ce tiers envers le contribuable, il appartient au Trésor public, après avoir procédé, ainsi qu'il y est tenu, au remboursement au tiers, à due concurrence, de la somme payée au vu de l'avis à tiers détenteur, de faire valoir ses droits auprès du contribuable défaillant afin d'obtenir le paiement de la somme restant due par celui-ci.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2016, n° 390641
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:390641.20160613
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