La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2016 | FRANCE | N°393612

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 08 juin 2016, 393612


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 3 juillet 2015 par laquelle le maire de Paris a exercé le droit de préemption urbain sur les lots n° 8 et 43 de la copropriété située au 21 boulevard Lefebvre dans le quinzième arrondissement de Paris.

Par une ordonnance n° 1513626 du 9 septembre 2015, le juge des référés de ce tribunal a suspendu l'exécution de la décision du

3 juillet 2015.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nou...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 3 juillet 2015 par laquelle le maire de Paris a exercé le droit de préemption urbain sur les lots n° 8 et 43 de la copropriété située au 21 boulevard Lefebvre dans le quinzième arrondissement de Paris.

Par une ordonnance n° 1513626 du 9 septembre 2015, le juge des référés de ce tribunal a suspendu l'exécution de la décision du 3 juillet 2015.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 septembre, 6 octobre et 18 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ville de Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 9 septembre 2015 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M.A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la ville de Paris ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 3 juillet 2015, le maire de Paris a exercé le droit de préemption urbain sur les lots n° 8 et 43 d'une copropriété située au 21 boulevard Lefebvre dans le quinzième arrondissement de Paris. Par une ordonnance du 9 septembre 2015, contre laquelle la ville de Paris se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu l'exécution de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 522-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale ". Le second alinéa de l'article R. 522-1 du même code dispose : " A peine d'irrecevabilité, les conclusions tendant à la suspension d'une décision administrative ou de certains de ses effets doivent être présentées par requête distincte de la requête à fin d'annulation ou de réformation et accompagnées d'une copie de cette dernière ". Il résulte de ces dispositions qu'une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative ou de certains de ses effets est irrecevable si elle n'est pas accompagnée d'une copie de la demande à fin d'annulation ou de réformation de cette décision. Si cette irrecevabilité est susceptible d'être couverte en cours d'instance, y compris lors de l'audience pendant laquelle se poursuit l'instruction de la demande de suspension, il appartient au juge des référés de communiquer au défendeur la pièce ainsi produite, afin que soit respecté le caractère contradictoire de la procédure. En outre, si, en l'absence de production par le demandeur d'une copie de la requête à fin d'annulation, le juge des référés peut ne pas opposer d'irrecevabilité à la demande de suspension dès lors qu'il constate lui-même que la requête au fond a été enregistrée au greffe, il doit dans ce cas verser cette requête au dossier afin que soit respecté le caractère contradictoire de l'instruction.

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la copie de la requête à fin d'annulation n'était pas jointe à la demande de suspension introduite devant ce juge. Il ne ressort ni des énonciations de l'ordonnance attaquée ni des pièces de la procédure devant le juge des référés que cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 8 août 2015 et visée par le juge des référés dans son ordonnance, ait été versée au dossier par ce magistrat pour être communiquée à la ville de Paris. Par suite, cette dernière est fondée à soutenir que l'ordonnance qu'elle attaque a été rendue au terme d'une procédure irrégulière.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement le droit de préemption urbain, les collectivités titulaires de ce droit doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, dans ses écritures présentées devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris, M. A...soutenait que la décision attaquée était insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme et ne répondait pas à un intérêt général suffisant, mais ne soulevait pas de moyen tiré de l'absence de réel projet d'action ou d'opération d'aménagement. Or, pour suspendre la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a regardé comme propre à créer un doute sérieux sur sa légalité un moyen tiré de ce qu'elle ne pouvait être regardée en l'espèce comme s'inscrivant dans un projet suffisamment défini. Par suite, la ville de Paris est fondée à soutenir que le juge des référés s'est mépris sur la portée des écritures de M.A....

6. Il résulte de ce qui précède que la ville Paris est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée. Les moyens retenus suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative sur la demande de suspension présentée par M.A....

6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

7. Pour demander la suspension de l'exécution de la décision du 3 juillet 2015, M. A...soutient que le courrier portant cette décision à sa connaissance n'est pas motivé, que la ville de Paris n'a pas recueilli l'avis du service des domaines, que la décision est intervenue au-delà du délai de deux mois prévue par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, qu'elle prononce la préemption à des conditions différentes de celles convenues entre le vendeur et l'acquéreur, que le coût et les inconvénients de l'opération sont excessifs au regard de son intérêt et que la décision est entachée de détournement de pouvoir. En l'état de l'instruction, notamment en ce qui concerne le congé donné par le vendeur aux locataires de l'appartement objet de la préemption, ces moyens ne paraissent pas propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision par laquelle le maire de la ville de Paris a exercé le droit de préemption urbain sur les lots n° 8 et 43 de la copropriété située au 21 boulevard Lefebvre.

8. Il résulte de ce qui précède que l'une des conditions mises par l'article L. 521-1 du code de justice administrative à la suspension de l'exécution d'une décision n'est pas remplie. Dès lors, la demande de M. A...doit être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner si elle est recevable et si l'urgence justifierait une telle suspension.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la ville de Paris au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 9 septembre 2015 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la ville de Paris.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 393612
Date de la décision : 08/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2016, n° 393612
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:393612.20160608
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award