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08/06/2016 | FRANCE | N°392717

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 08 juin 2016, 392717


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 16 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association française des usagers des banques (AFUB) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-741 du 24 juin 2015 pris pour l'application de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier relatif à l'interdiction du paiement en espèces de certaines créances ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'articl

e L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

V...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 16 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association française des usagers des banques (AFUB) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-741 du 24 juin 2015 pris pour l'application de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier relatif à l'interdiction du paiement en espèces de certaines créances ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code pénal ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association française des usagers des banques (AFUB) ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier : " I. - Ne peut être effectué en espèces ou au moyen de monnaie électronique le paiement d'une dette supérieure à un montant fixé par décret, tenant compte du lieu du domicile fiscal du débiteur et de la finalité professionnelle ou non de l'opération. / Au-delà d'un montant mensuel fixé par décret, le paiement des traitements et salaires est soumis à l'interdiction mentionnée à l'alinéa précédent et doit être effectué par chèque barré ou par virement à un compte bancaire ou postal ou à un compte tenu par un établissement de paiement ou un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement. / Lorsqu'un professionnel achète des métaux à un particulier ou à un autre professionnel, le paiement est effectué par chèque barré ou par virement à un compte ouvert au nom du vendeur. Le non-respect de cette obligation est puni par une contravention de cinquième classe. / II. Nonobstant les dispositions du I, les dépenses des services concédés qui excèdent la somme de 450 euros doivent être payées par virement. / III. - Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables : / a) Aux paiements réalisés par des personnes qui sont incapables de s'obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement, ainsi que par celles qui n'ont pas de compte de dépôt ; / b) Aux paiements effectués entre personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels ; / c) Au paiement des dépenses de l'Etat et des autres personnes publiques " ; qu'en vertu de l'article L. 112-7 du même code, le débiteur ayant procédé à un paiement en violation de ces dispositions est passible d'une amende dont le montant est fixé, compte tenu de la gravité des manquements, et ne peut excéder 5 % des sommes payées en violation de ces dispositions, le débiteur et le créancier étant solidairement responsables du paiement de cette amende ; qu'aux termes de l'article D. 112-3 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 24 juin 2015 attaqué : " Le montant prévu à l'article L. 112-6 est fixé : / 1° A 3 000 euros lorsque le débiteur a son domicile fiscal sur le territoire de la République française ou agit pour les besoins d'une activité professionnelle ; / 2° A 15 000 euros lorsque le débiteur justifie qu'il n'a pas son domicile fiscal sur le territoire de la République française et n'agit pas pour les besoins d'une activité professionnelle " ; que l'article 1er du décret attaqué a abaissé le plafond prévu au 1° de l'article D. 112-3 de ce code de 3 000 euros à 1 000 euros ;

2. Considérant, en premier lieu, que la conformité des dispositions législatives à la Constitution ne saurait être contestée devant le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution ; que le principe d'une interdiction du paiement en espèces des dettes supérieures à un montant fixé par décret, tenant compte du lieu du domicile fiscal du débiteur et de la finalité professionnelle ou non de l'opération, résulte des termes mêmes de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier cité ci-dessus ; que le moyen de l'association requérante tiré de ce que l'interdiction des paiements en espèces au-delà d'un certain seuil méconnaîtrait le principe de la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, revient à contester la constitutionnalité de ces dispositions législatives ; que ce moyen ne peut, par suite, qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu que, compte tenu du fondement législatif du décret attaqué et de l'objet des dispositions contestées, l'association requérante ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 642-3 du code pénal en vertu desquelles le fait de refuser de recevoir des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France selon la valeur pour laquelle ils ont cours est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 2ème classe ;

4. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier poursuivent l'objectif d'intérêt général de prévenir les fraudes et le blanchiment d'argent facilités par les paiements en espèce, de lutter contre les circuits financiers illicites et d'assurer une traçabilité des paiements ; qu'elles prévoient des régimes dérogatoires en faveur, notamment, des personnes incapables de s'obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement et de celles qui n'ont pas de compte de dépôt ; que, si la requérante fait valoir que l'abaissement du plafond des paiements en espèces prévu par le 1° de l'article D. 112-3 du même code réduirait la faculté d'effectuer un grand nombre de paiements en espèces et accroîtrait la dépendance des particuliers à l'égard du système bancaire, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'objectif d'intérêt général qu'il poursuit et vise à mieux atteindre et malgré les contraintes qu'il impose, l'abaissement de 3 000 à 1 000 euros du plafond des paiements en espèces prévu par le décret attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association française des usagers des banques n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque ; que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association française des usagers des banques est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association française des usagers des banques et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 392717
Date de la décision : 08/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2016, n° 392717
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:392717.20160608
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