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08/06/2016 | FRANCE | N°389366

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 08 juin 2016, 389366


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 avril et 10 juillet 2015 et le 8 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des cheminots CGT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-139 du 10 février 2015 relatif à la confidentialité des données détenues par le gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire et à la commission de déontologie du système de transport ferroviaire ;

2°) de mettre à

la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 avril et 10 juillet 2015 et le 8 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des cheminots CGT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-139 du 10 février 2015 relatif à la confidentialité des données détenues par le gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire et à la commission de déontologie du système de transport ferroviaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des transports ;

- le code du travail ;

- la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 ;

- la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la fédération nationale des cheminots CGT ;

1. Considérant que l'article L. 2122-4-1 du code des transports, issu de l'article 12 de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire et devenu l'article L. 2122-4-4 du même code, étend l'application de l'article 226-13 du code pénal " à la divulgation, à toute personne étrangère aux services du gestionnaire d'infrastructure responsables de la répartition des capacités et de la tarification de l'infrastructure, d'informations d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la divulgation est de nature à porter atteinte aux règles d'une concurrence libre et loyale et de non-discrimination imposées par la loi " et prévoit que " La liste des informations concernées est déterminée par voie réglementaire " ; qu'en vertu de l'article L. 2122-4-2, issu du même article 12 de la loi du 4 août 2014 et devenu l'article L. 2122-4-5 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué : " Tout gestionnaire d'infrastructure prend des mesures d'organisation interne pour assurer le respect par son personnel de l'interdiction de divulgation des informations mentionnées à l'article L. 2122-4-1. Un décret en Conseil d'Etat définit ces mesures " ; qu'en application de ces dispositions, a été pris le décret du 10 février 2015 relatif à la confidentialité des données détenues par le gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire et à la commission de déontologie du système de transport ferroviaire, dont la Fédération nationale des cheminots CGT demande l'annulation ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant que lorsque, comme en l'espèce, un décret doit être pris en Conseil d'Etat, le texte retenu par le Gouvernement ne peut être différent à la fois du projet qu'il avait soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par ce dernier ; que le respect de cette exigence doit être apprécié par ensemble de dispositions ayant un rapport entre elles ;

3. Considérant qu'il ressort de l'extrait du registre des délibérations du Conseil d'Etat du 13 janvier 2015, produit par le ministre chargé des transports dans le cadre de la présente instance, que le texte du décret attaqué ne diffère pas de celui adopté par le Conseil d'Etat ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le texte du décret attaqué ne serait pas conforme à la version transmise par le Gouvernement au Conseil d'Etat ou à celle adoptée par le Conseil d'Etat doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012 :

4. Considérant qu'aux termes du paragraphe 4 de l'article 29 et du paragraphe 2 de l'article 39 de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen : " Le gestionnaire de l'infrastructure respecte la confidentialité, sous l'angle commercial, des informations que lui communiquent les candidats " pour l'établissement des redevances et la répartition des capacités d'infrastructure ;

5. Considérant que si l'article 2 du décret attaqué permet aux services du gestionnaire d'infrastructure responsables de la répartition des capacités et de la tarification de l'infrastructure, par dérogation aux dispositions de l'article 1er qui définissent les informations qui ne peuvent être divulguées à des personnes étrangères à ces services, de communiquer les informations nécessaires pour l'information visuelle et sonore des voyageurs dans les gares ainsi que les informations nécessaires à des exploitants d'installations de service français dans le cadre de l'exercice de leurs missions, ces dérogations n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de permettre aux personnels concernés du gestionnaire d'infrastructure de communiquer des informations sensibles sur le plan commercial qui leur auraient été transmises par une entreprise ferroviaire ;

6. Considérant que si l'article 3 du même décret permet à ces services du gestionnaire d'infrastructure de communiquer, sous forme agrégée ou transformée, les informations issues de données individuelles émanant d'une entreprise ferroviaire, il leur impose qu'il soit impossible de reconstituer les données individuelles ; que l'article 5 du même décret, en prévoyant l'établissement d'un plan de gestion des informations confidentielles, ne saurait être regardé comme portant une atteinte à la garantie de la confidentialité des informations sensibles sur le plan commercial ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions du décret attaqué ne méconnaissent pas les objectifs de protection des informations sensibles sur le plan commercial détenues par le gestionnaire d'infrastructure de la directive du 21 novembre 2012 ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines :

8. Considérant que les dispositions des articles 1er à 4 du décret attaqué, qui définissent, conformément aux dispositions de l'article L. 2122-4-1 du code des transports précité, les informations confidentielles dont la divulgation à des personnes étrangères aux services du gestionnaire d'infrastructure responsables de la répartition des capacités et de la tarification de l'infrastructure est passible des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal et prévoient les cas dans lesquels ces informations peuvent être communiquées, ne sont ni obscures ni ambiguës ; que, par suite, le décret attaqué ne méconnaît pas le principe de légalité des délits et des peines qui impose que les incriminations pénales soient définies en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité :

9. Considérant que, si l'article 6 du décret attaqué prévoit que le gestionnaire d'infrastructure fait signer à chacun des membres de son personnel un document par lequel celui-ci atteste qu'ont été portés à sa connaissance, d'une part, les règles de confidentialité définies à l'article L. 2122-4-1 du code des transports et aux articles 1er à 4, d'autre part, le plan de gestion des informations confidentielles élaboré en application de l'article 5, il ne prévoit aucune règle particulière concernant les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées à ces agents en cas de méconnaissance de l'obligation de confidentialité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité en faisant peser un risque particulier de sanction disciplinaire sur ces agents et non sur ceux employés par d'autres personnes intervenant pour le compte du gestionnaire d'infrastructure ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Fédération nationale des cheminots CGT n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ; que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Fédération nationale des cheminots CGT est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des cheminots CGT, au Premier ministre et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 389366
Date de la décision : 08/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2016, n° 389366
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:389366.20160608
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