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08/06/2016 | FRANCE | N°389115

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 08 juin 2016, 389115


Vu la procédure suivante :

M. B...A...et la société Ta Ming ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 septembre 2013 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à M. A...une autorisation de travail. Par un jugement n° 1310302 du 3 mars 2014, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 14VE01235 du 22 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur la requête de M. A...et de la société Ta Ming, annulé ce jugement et l'arrêté du pré

fet de la Seine-Saint-Denis du 26 septembre 2013, et enjoint à celui-ci de réexam...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...et la société Ta Ming ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 septembre 2013 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à M. A...une autorisation de travail. Par un jugement n° 1310302 du 3 mars 2014, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 14VE01235 du 22 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur la requête de M. A...et de la société Ta Ming, annulé ce jugement et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 26 septembre 2013, et enjoint à celui-ci de réexaminer la demande de M.A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars 2015 et 11 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A...et de la société Ta Ming.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de M. A...et autre;

1. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 5221-2, R. 5221-1, R. 5221-3, R. 5221-11 et R. 5221-17 du code du travail, la carte de séjour portant la mention "salarié" est délivrée sur présentation d'un contrat de travail d'une durée égale ou supérieure à douze mois conclu avec un employeur établi en France et visé par le préfet ; qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail, pour accorder ou refuser son autorisation, le préfet : " (...) prend en compte les éléments d'appréciation suivants :/ 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., ressortissant chinois né en 1989 et entré en France en 2010, a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " pour effectuer ses études en France de mars 2010 à septembre 2013 ; qu'il a demandé, le 9 septembre 2013, à bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin d'exercer l'emploi de commis de cuisine au sein de la société Ta Ming, dans laquelle il avait déjà été employé à temps partiel pendant ses études et qui lui avait souscrit une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée à temps plein ; que, par une décision du 26 septembre 2013, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer l'autorisation de travail requise par les textes en se fondant sur les dispositions du 2° de l'article R. 5221-20 du code du travail, au motif que l'expérience acquise par l'intéressé en qualité de commis de cuisine ne l'avait été que dans le cadre d'un emploi accessoire à ses études effectuées en France et sans lien avec ces dernières ; que le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 janvier 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 3 mars 2014 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 26 septembre 2013 ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions du 2° de l'article R. 5221-20 du code du travail que l'octroi de l'autorisation de travail suppose d'apprécier l'adéquation entre d'une part la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'intéressé, et d'autre part, les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; qu'est, à cet égard, sans incidence la circonstance que ces diplômes ou cette expérience ont été obtenus en France ou à l'étranger ; qu'en outre, il est loisible à un ressortissant étranger de faire valoir une expérience professionnelle alors même qu'elle a été acquise au titre d'un emploi accessoire exercé sous couvert d'un titre de séjour étudiant, que le préfet peut prendre en compte, comme toute autre expérience professionnelle, pour déterminer l'adéquation de l'expérience professionnelle de l'intéressé avec les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que le 2° de l'article R. 5221-20 du code du travail ne distinguait pas entre les diplômes et l'expérience obtenus en France et à l'étranger et qu'il convenait, en conséquence, de prendre en compte un diplôme acquis dans le pays d'origine pour apprécier l'adéquation avec l'emploi auquel l'étranger postulait, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en jugeant que le préfet ne pouvait refuser l'autorisation de travail sollicitée au seul motif que l'expérience de l'intéressé avait été acquise dans le cadre d'un emploi accessoire, sans lien avec les études poursuivies en France, la cour n'a ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les faits de l'espèce ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, le préfet s'est fondé, pour refuser l'autorisation sollicitée, sur ce que l'expérience acquise par M. A...en qualité de commis de cuisine l'avait été dans le cadre d'un emploi accessoire sans lien avec les études poursuivies ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a d'abord rappelé de façon complète ces motifs présents dans l'arrêté du préfet ; qu'en retenant que le préfet avait refusé l'autorisation de travail sollicitée au motif que l'emploi avait été exercé à titre accessoire et en se prononçant par ailleurs sur les études pouvant être prises en compte dans l'appréciation globale du préfet, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier sans les dénaturer ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur, à M. B...A...et à la société Ta Ming.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 389115
Date de la décision : 08/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2016, n° 389115
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mireille Le Corre
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:389115.20160608
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