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08/06/2016 | FRANCE | N°386137

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 08 juin 2016, 386137


Vu la procédure suivante :

La SNC Austin France a demandé au tribunal administratif de Paris la restitution des droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012. Par une ordonnance n° 1219777/1 du 15 novembre 2013, le président de la première section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14PA00213 du 30 septembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre cette ordonnance.

Par

un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregist...

Vu la procédure suivante :

La SNC Austin France a demandé au tribunal administratif de Paris la restitution des droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012. Par une ordonnance n° 1219777/1 du 15 novembre 2013, le président de la première section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14PA00213 du 30 septembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er décembre 2014, 2 mars 2015 et 4 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SNC Austin France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le premier protocole additionnel à cette convention ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SNC Austin France ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 mai 2016, présentée par la SNC Austin France ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une réclamation du 2 août 2012, la SNC Austin France a sollicité de l'administration fiscale la restitution des droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont elle s'était acquittée au titre des années 2011 et 2012 ; que cette réclamation a été rejetée par une décision du 20 septembre 2012 ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 septembre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre l'ordonnance du président de la première section du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la restitution de ces droits ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, devant la cour administrative d'appel de Paris, la société requérante se prévalait de ce que les dispositions du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative, en prévoyant que les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises définies au I de ce même article s'appliquaient " aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 ", l'avaient privée, de façon rétroactive et sans motif d'intérêt général suffisant, d'une espérance légitime d'obtenir la restitution des droits de taxe dont elle s'était acquittée au titre des années 2011 et 2012 et avait ainsi porté atteinte au droit au respect de ses biens garanti par les stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'espérance légitime dont la SNC Austin France se prévalait résultait, selon elle, de ce que les dispositions législatives relatives à cette taxe, faute d'avoir prévu ses modalités de recouvrement avant l'intervention de la loi du 16 août 2012, étaient contraires à la Constitution, ainsi d'ailleurs que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013 ;

4. Considérant, en premier lieu, que, pour juger que la société ne pouvait, faute d'une base suffisante en droit interne, être regardée, à la date à laquelle elle a introduit sa réclamation, comme ayant une espérance légitime d'obtenir la restitution qu'elle sollicitait, la cour a, d'une part, relevé que l'inconstitutionnalité des dispositions instituant la taxe additionnelle était à cette date purement hypothétique et ne correspondait pas à une jurisprudence ancienne et constante du Conseil constitutionnel et, d'autre part, estimé qu'il ressortait notamment des travaux parlementaires relatifs à cette taxe additionnelle que l'intention du législateur avait été de renvoyer aux modalités de recouvrement définies pour l'imposition principale ; que, par ailleurs, si les dispositions précitées de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 définissent explicitement, par leur I, les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle, elles n'ont pu de ce seul fait faire naître aucune espérance légitime d'obtenir la restitution litigieuse, dès lors qu'elles sont complétées par celles du II qui, en vue de prévenir les contestations à compter du 11 juillet 2012, prévoient une application rétroactive aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011 ; qu'ainsi, en jugeant que la société requérante ne pouvait se prévaloir d'une espérance légitime d'obtenir la restitution des droits en litige et, qu'ainsi, elle ne pouvait utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, commis d'erreur de droit ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le principe de non discrimination qu'il édicte ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par ladite convention et par les protocoles additionnels à celle-ci ; que, dès lors, c'est sans erreur de droit que, après avoir écarté à bon droit comme inopérante l'invocation des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention, et alors que la société requérante ne se prévalait d'aucun autre droit ou liberté, reconnu par la convention, dont la jouissance aurait été affectée par la discrimination alléguée, la cour a jugé que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de cette convention ne pouvait être utilement invoqué ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SNC Austin France est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société en nom collectif Austin France et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 386137
Date de la décision : 08/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2016, n° 386137
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Villette
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:386137.20160608
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