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30/09/2014 | FRANCE | N°14PA00213

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 30 septembre 2014, 14PA00213


Vu la requête, enregistrée le 10 janvier 2014, présentée pour la SNC Austin France, dont le siège est 3 rue d'Antin à Paris (75002), par MeA... ; la SNC Austin France demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1219777/1 du 15 novembre 2013 par laquelle le président de la première section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 ;

2°) de prononcer la restitution de ce

s droits ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 ...

Vu la requête, enregistrée le 10 janvier 2014, présentée pour la SNC Austin France, dont le siège est 3 rue d'Antin à Paris (75002), par MeA... ; la SNC Austin France demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1219777/1 du 15 novembre 2013 par laquelle le président de la première section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 ;

2°) de prononcer la restitution de ces droits ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2014 :

- le rapport de M. Paris, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;

1. Considérant que, par une réclamation du 2 août 2012, la SNC Austin France a sollicité auprès de l'administration fiscale la restitution des droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont elle s'était acquittée au titre des années 2011 et 2012 ; qu'à la suite de la décision du 20 septembre 2012 rejetant cette réclamation, elle a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la restitution de ces mêmes droits ; qu'elle relève appel de l'ordonnance du 15 novembre 2013 par laquelle le président de la première section de ce tribunal a rejeté cette demande en application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant que la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle a été assujettie la SNC Austin France au titre des années 2011 et 2012 a été liquidée sur le fondement des dispositions de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; que le I de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a introduit, après les huit premiers alinéas du III de cet article 1600 du code général des impôts, un paragraphe 1 bis précisant les modalités de recouvrement de cette taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que le paragraphe II de ce même article 39 précise que : " Le I s'applique aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 " ;

3. Considérant que, par une décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit les dispositions des huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011, au motif que celles-ci ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises ; qu'après avoir visé les dispositions de l'article 39 de la loi du

16 août 2012, il a décidé, en application de l'article 62 de la Constitution, que cette déclaration d'inconstitutionnalité prenait effet à compter de la date de la publication de sa décision et que le moyen d'inconstitutionnalité ne pouvait être invoqué qu'à l'encontre des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 ; que, par une décision n° 2013-327 QPC du 21 juin 2013, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le paragraphe II de l'article 39 de la loi du

16 août 2011 de finances rectificative pour 2012 ;

S'agissant de la violation alléguée du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Considérant que la SNC Austin France soutient que les dispositions du paragraphe II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 qui, du fait de leur caractère rétroactif, ont pour effet d'empêcher que ne soit invoqué, à l'appui d'une demande en restitution des cotisations de taxe sur la valeur ajoutée des entreprises qui n'aurait pas été formée avant le 11 juillet 2012, le moyen tiré de l'absence de dispositions législatives prévoyant les modalités de recouvrement de cette taxe, seraient contraires aux stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ;

5. Considérant, toutefois, que cet article de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué pour contester les droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en litige devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil, quand bien même il fait application d'une législation ayant pour effet de priver rétroactivement le contribuable de la possibilité d'obtenir la décharge d'une imposition ; qu'ainsi, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté ;

S'agissant de la violation alléguée de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Considérant que la société requérante soutient que les dispositions du paragraphe II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012, qui l'ont privée, sans motif d'intérêt général suffisant, d'une espérance légitime d'obtenir la restitution des droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont elle s'était acquittée au titre des années 2011 et 2012, portent atteinte au droit au respect de ses biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ;

7. Considérant, il est vrai, qu'ainsi qu'il a été dit, le Conseil constitutionnel a, par une décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013, déclaré contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit les dispositions des huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011, au motif que celles-ci ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises ;

8. Mais considérant qu'à la date à laquelle la société requérante a introduit devant l'administration fiscale la réclamation préalable par laquelle elle sollicitait la restitution des droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui était postérieure à la présentation, devant l'assemblée nationale, de l'amendement qui a abouti à l'adoption des dispositions contestées du paragraphe II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012, mais antérieure à cette décision du Conseil constitutionnel, ce dernier n'avait jugé fondé qu'à deux reprises, depuis l'entrée en vigueur de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, un moyen tiré de l'incompétence négative du législateur, une première fois par une décision n° 2010-45 QPC du 6 octobre 2010 et une seconde fois par une décision n° 2012-225 QPC du 30 mars 2012 ;

9. Considérant, en outre, que l'obligation faite au législateur de prévoir, parmi les modalités de recouvrement de l'imposition, " les règles régissant le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions applicables ", sur laquelle s'est fondé le Conseil constitutionnel pour déclarer contraires à la Constitution les dispositions législatives en litige, avait été précisée, pour la première fois, par la décision n° 2012-225 QPC du 30 mars 2012 précitée, dans laquelle le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs déclaré conformes à la Constitution les dispositions législatives contestées, qui concernaient non les modalités de recouvrement d'une imposition, mais des pénalités ; qu'antérieurement à sa décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013, le Conseil constitutionnel n'avait qu'une seule fois, depuis sa création par la Constitution du 4 octobre 1958, déclaré contraires à cette dernière des dispositions législatives au motif que celles-ci ne déterminaient pas avec une précision suffisante les modalités de recouvrement d'une imposition ;

10. Considérant qu'il est constant que si, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel, les dispositions des huit premiers alinéas du III de l'article 1600 du code général des impôts ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, la doctrine de l'administration fiscale, de même que les travaux préparatoires de ces dispositions, pouvaient alors laisser penser, comme cela ressortait d'ailleurs des conclusions prononcées par le rapporteur public devant la formation de jugement du Conseil d'État qui s'est prononcée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, que le législateur avait implicitement entendu renvoyer aux modalités de recouvrement de l'imposition principale ;

11. Considérant, enfin, que l'article 39 de la loi du 16 août 2012 est issu d'un amendement qui ne comportait aucune motivation explicite touchant à l'inconstitutionnalité éventuelle des dispositions alors en vigueur du III de l'article 1600 du code général des impôts ;

12. Considérant, ainsi, qu'en l'absence de jurisprudence bien établie et de toute autre base suffisante en droit interne, la société requérante ne pouvait être regardée, à la date à laquelle elle a introduit sa réclamation tendant à la restitution des impositions en litige, comme ayant eu un droit, ni même une espérance légitime, à obtenir cette restitution ; qu'ainsi, elle ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans le champ desquelles elle n'entre pas ;

S'agissant de la violation alléguée de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné avec l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention :

13. Considérant que l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne fait que compléter les autres clauses matérielles de cette convention et de ses protocoles additionnels ; qu'il n'a pas d'existence indépendante, puisqu'il vaut uniquement pour " la jouissance des droits et libertés " qu'elles garantissent ; que, si son application ne présuppose pas nécessairement la violation de l'un des droits matériels garantis par la convention, il faut néanmoins que les faits de la cause tombent " sous l'empire " de l'un au moins des articles de la convention ;

14. Considérant, ainsi qu'il a été dit, que les faits invoqués par la société requérante n'entrent pas dans le champ de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle ne peut dès lors utilement invoquer la violation des stipulations de l'article 14 de cette convention combinées avec celles de ce dernier article ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Austin France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la première section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SNC Austin France est rejetée.

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N° 14PA00213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00213
Date de la décision : 30/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Compétence à l'intérieur de la juridiction administrative - Compétence d'appel des cours administratives d'appel.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Taxes assimilées.

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par les protocoles - Droit au respect de ses biens (art - 1er du premier protocole additionnel).


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Timothée PARIS
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : MOAYED

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-09-30;14pa00213 ?
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