Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière (SCI) des Canadiens a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la société Forclum Haute-Normandie à lui verser une somme de 8 329,12 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices résultant de l'effondrement du mur situé sur sa propriété. Par un jugement n° 1201047 du 1er avril 2014, le tribunal administratif a condamné la société Forclum Haute-Normandie à verser à la SCI des Canadiens une somme de 4 164,56 euros toutes taxes comprises et rejeté le surplus de sa demande.
Par une ordonnance n° 14DA00914 du 13 juin 2014, enregistrée le 16 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 30 mai 2014 au greffe de cette cour, présenté par la SCI des Canadiens. Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 16 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI des Canadiens demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire entièrement droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la société Forclum Haute-Normandie la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Esther de Moustier, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la SCI des Canadiens et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Forclum Haute-Normandie ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre d'une opération de réhabilitation de ses réseaux publics d'éclairage, la commune de Gouy a confié à la société Forclum Haute-Normandie la mission de réaliser des tranchées sur la voie publique, une partie des travaux ayant été effectuée à proximité du mur d'enceinte de la propriété de la SCI des Canadiens ; que ce mur s'est effondré en janvier 2010 ; que, par le jugement contre lequel la SCI des Canadiens se pourvoit en cassation et la société Forclum Haute-Normandie forme un pourvoi incident, le tribunal administratif de Rouen, faisant partiellement droit à la demande de la SCI des Canadiens tendant à ce que la société Forclum Haute-Normandie lui verse une somme de 8 329,12 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi, a condamné cette société à verser à la SCI des Canadiens la somme de 4 164,56 euros au titre des travaux de réfection du mur ;
2. Considérant que le maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public ; que l'entrepreneur dont la responsabilité est recherchée par la victime d'un dommage ne peut dégager celle-ci que s'il établit que le dommage résulte de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ; que, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité de l'entrepreneur, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime ; qu'en dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable ;
3. Considérant que, pour atténuer la responsabilité de la société Forclum Haute-Normandie, le jugement relève que les travaux effectués à proximité du mur d'enceinte de la propriété de la SCI des Canadiens ont contribué à l'effondrement de ce mur, déjà fragile en raison de ses caractéristiques propres, et estime que ces travaux ont contribué à hauteur de 50 % à la survenance du dommage ; qu'en statuant ainsi, sans retenir aucune faute de la société requérante, alors qu'il avait constaté qu'il existait un lien de causalité entre les travaux effectués par l'entreprise Forclum Haute-Normandie et l'effondrement du mur et que la fragilité du mur ne pouvait être prise en compte que pour évaluer le préjudice subi par son propriétaire, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident de la société Forclum Haute-Normandie ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SCI des Canadiens qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Forclum Haute-Normandie le versement au même titre à la SCI des Canadiens de la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 1er avril 2014 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Rouen.
Article 3 : La société Forclum Haute-Normandie versera à la SCI des Canadiens la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident de la société Forclum Haute-Normandie.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société Forclum Haute-Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière des Canadiens et à la société Forclum Haute-Normandie.