La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2016 | FRANCE | N°383342

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 07 avril 2016, 383342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Moselle d'annuler la décision du 22 septembre 2011 par laquelle le président du conseil général de la Moselle a fixé respectivement à 1 785,25 euros et à 27 777 euros la récupération de la créance d'aide sociale perçue par Mme C...B..., bénéficiaire de l'aide sociale à l'hébergement du 1er juin 2007 au 19 mai 2011, d'une part, sur sa succession, d'autre part sur la donation qu'elle avait consentie sous forme d'un contrat d'ass

urance vie. Par une décision du 8 décembre 2011, la commission départementale de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Moselle d'annuler la décision du 22 septembre 2011 par laquelle le président du conseil général de la Moselle a fixé respectivement à 1 785,25 euros et à 27 777 euros la récupération de la créance d'aide sociale perçue par Mme C...B..., bénéficiaire de l'aide sociale à l'hébergement du 1er juin 2007 au 19 mai 2011, d'une part, sur sa succession, d'autre part sur la donation qu'elle avait consentie sous forme d'un contrat d'assurance vie. Par une décision du 8 décembre 2011, la commission départementale de l'aide sociale de la Moselle a confirmé la décision du président du conseil général.

Par une décision n° 120805 du 4 avril 2014, la Commission centrale d'aide sociale a rejeté l'appel formé contre cette décision par Mme D...B..., Mme F...B...et M. E...B....

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er août et 3 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D...B..., Mme F...B..., et M. E...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision de la Commission centrale d'aide sociale du 4 avril 2014 ;

2°) de mettre à la charge du département de la Moselle la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de MmesB..., et de M.B..., et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département de la Moselle ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable à la date de l'ouverture des droits à l'aide sociale de Mme C...B..., " des recours sont exercés, selon le cas, par l'Etat ou le département : (...) 2° contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d'aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ". D'autre part, aux termes de l'article 894 du code civil : " La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte ".

2. Un contrat d'assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu'un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l'échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n'a pas en lui-même le caractère d'une donation, au sens de l'article 894 du code civil. Toutefois, la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au droit pour l'administration de l'aide sociale de rétablir, s'il y a lieu, sa nature exacte, sous le contrôle des juridictions de l'aide sociale et sous réserve pour ces dernières, en cas de difficulté sérieuse, d'une question préjudicielle. A ce titre, un contrat d'assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l'essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation. Si, dans un tel cas, l'administration de l'aide sociale peut, à bon droit, regarder le bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie comme un donataire, pour l'application des dispositions relatives à la récupération des créances d'aide sociale, le montant de la récupération exercée à son encontre ne peut excéder celui des seules primes versées par le souscripteur du contrat, bénéficiaire de la prestation d'aide sociale.

3. Dès lors, en ne recherchant pas si le montant de la récupération sur la donation que Mme C...B...avait consentie sous forme d'assurance vie avait bien été limité au montant des seules primes qu'elle avaient versées, alors que le moyen était soulevé devant elle, la Commission centrale d'aide sociale a insuffisamment motivé sa décision et commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que les requérants sont fondés à demander l'annulation de la décision qu'ils attaquent.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Moselle une somme de 1 000 euros à verser à Mme D...B..., une somme de 1 000 euros à verser à Mme F...B...et une somme de 1 000 euros à verser à M. E...B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la Commission centrale d'aide sociale du 4 avril 2014 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Commission centrale d'aide sociale.

Article 3 : Le département de la Moselle versera une somme de 1 000 euros à Mme D...B..., une somme de 1 000 euros à Mme F...B...et une somme de 1 000 euros à M. E... B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme D...B..., à Mme F... B..., à M. E...B...et au département de la Moselle.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 07 avr. 2016, n° 383342
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : HAAS ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 1ère ssjs
Date de la décision : 07/04/2016
Date de l'import : 22/11/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 383342
Numéro NOR : CETATEXT000032378004 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2016-04-07;383342 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award