La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2016 | FRANCE | N°384280

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème ssr, 14 mars 2016, 384280


Vu la procédure suivante :

Par une décision n° 384280 du 23 mars 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission du pourvoi de la société d'aménagement d'Isola 2000 (SAI 2000) contre l'arrêt n° 12MA01668 de la cour administrative d'appel de Marseille du 7 juillet 2014 en tant seulement qu'il la condamne à verser à la commune d'Isola une somme de 2 250 000 euros en réparation du préjudice né de l'impossibilité d'obtenir la restitution de la parcelle cadastrée section AC n° 86 lieudit Le Hameau.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le

code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le r...

Vu la procédure suivante :

Par une décision n° 384280 du 23 mars 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission du pourvoi de la société d'aménagement d'Isola 2000 (SAI 2000) contre l'arrêt n° 12MA01668 de la cour administrative d'appel de Marseille du 7 juillet 2014 en tant seulement qu'il la condamne à verser à la commune d'Isola une somme de 2 250 000 euros en réparation du préjudice né de l'impossibilité d'obtenir la restitution de la parcelle cadastrée section AC n° 86 lieudit Le Hameau.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de la société d'aménagement d'Isola 2000 et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation de la station d'Isola 2000 et de la commune d'Isola ;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la commune d'Isola et la société d'aménagement et de promotion de la station d'Isola (SAPSI) ont conclu, le 25 mai 1970, une convention confiant à la SAPSI la mission d'aménager une station de sports d'hiver sur une partie du territoire communal et de l'exploiter ; qu'afin de réaliser l'opération, soumise au régime des zones d'aménagement concerté (ZAC), la commune a vendu à la SAPSI, le 15 septembre 1970, 160 hectares de son domaine privé ; que le syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation de la station d'Isola 2000 a été créé le 22 août 1990 entre le département des Alpes-Maritimes et la commune d'Isola afin de poursuivre l'exploitation et l'aménagement de la station ; que, par une convention du 2 juillet 1992, le syndicat mixte a confié à la SAPSI l'aménagement et l'équipement de la ZAC modifiée ; que le 31 juillet 1997, les terrains non bâtis que la commune d'Isola avait vendus en 1970 à la SAPSI et qui étaient restés dans son patrimoine ont été cédés à la société d'aménagement d'Isola 2000 (SAI 2000), qui a succédé à la SAPSI comme aménageur ; qu'après que la convention du 2 juillet 1992 a été résiliée pour motif d'intérêt général le 6 mars 2001, la commune et le syndicat mixte ont demandé à la SAI 2000, en application de l'article 20 de cette convention, la restitution des terrains qui lui avaient été cédés ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'alors que la commune et le syndicat mixte avaient saisi le tribunal de grande instance de Nice aux fins d'obtenir la restitution des terrains, la SAI 2000 a vendu le 28 novembre 2006 à la SARL Les terrasses d'Isola l'une des parcelles, cadastrée section AC n° 86 lieudit le Hameau, pour un montant de 2 250 000 euros ; que, par un acte notarié du même jour, le syndicat mixte et la commune ont déclaré ne pas s'opposer à cette vente et se désister partiellement de l'instance, en indiquant toutefois ne pas renoncer à " une action en paiement sur le prix de la parcelle " ; que, parallèlement, par un acte de cautionnement du 24 novembre 2006, la SAI 2000 s'est engagée à fournir un cautionnement bancaire à la société Terrasses d'Isola, au syndicat mixte et à la commune pour un montant correspondant au prix de cession de la parcelle ; qu'il ressort ainsi de ces pièces, soumises aux juges du fond, que les parties devaient être regardées comme ayant, d'un commun accord, modifié les modalités d'exécution de l'obligation de retour prévue par l'article 20 de la convention pour la parcelle cadastrée section AC n° 86 ;

3. Considérant que les juridictions de l'ordre judiciaire s'étant déclarées incompétentes pour connaître de leur action, la commune et le syndicat mixte ont saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant notamment, en lieu et place de la restitution de la parcelle cadastrée section AC n° 86, à la condamnation de la SAI 2000 à leur reverser le montant de la vente, soit 2 250 000 euros, en exécution de l'article 20 de la convention, tel que les parties l'avaient modifié ; que, par un jugement du 9 mars 2012, le tribunal administratif a rejeté leurs conclusions ; que, par un arrêt du 7 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a condamné la SAI 2000 à leur verser la somme de 2 250 000 euros correspondant au prix auquel la parcelle litigieuse a été vendue ; que, par une décision du 23 mars 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a admis le pourvoi en cassation de la SAI 2000 contre cet arrêt sur ce point ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

4. Considérant que la convention signée le 2 juillet 1992, qui a pour objet l'aménagement et l'équipement de la ZAC de la station d'Isola 2000, a le caractère d'un contrat administratif ; que l'action engagée par la commune d'Isola et le syndicat mixte en ce qui concerne la parcelle cadastrée section AC n° 86 est relative, ainsi qu'il a été dit, à l'exécution de l'obligation prévue par l'article 20 de la convention, tel que modifié par les parties, de verser la somme de 2 250 000 euros correspondant au prix de cession de cette parcelle ; que, contrairement à ce que soutient la SAI 2000, la juridiction administrative est compétente pour connaître d'un tel litige, qui concerne l'exécution d'un contrat administratif ;

Sur le bien fondé du pourvoi :

5. Considérant que, pour condamner la SAI 2000 à verser à la commune d'Isola et au syndicat mixte la somme de 2 250 000 euros, la cour administrative d'appel de Marseille a estimé que la SAI 2000 avait, en cédant la parcelle cadastrée section AC n° 86 alors que la commune et le syndicat en demandaient la restitution, méconnu une obligation contractuelle et causé un préjudice aux personnes publiques contractantes ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'elle a ainsi commis une erreur de droit, en ne prenant pas en compte la modification de l'article 20 de la convention dont les parties étaient convenues ; que la SAI 2000 est dès lors fondée à demander l'annulation, dans la limite des conclusions admises, de l'arrêt attaqué ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions présentées par la commune et le syndicat mixte devant la cour en ce qui concerne la parcelle cadastrée section AC n° 86 :

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'article 20 de la convention prévoyait, du fait de l'accord intervenu entre les parties, que la société devait, en cas de résiliation de la convention et de demande de la commune et du syndicat mixte en ce sens, reverser le montant de la cession de la parcelle litigieuse ; que, par suite, la commune et le syndicat mixte sont fondés à demander que la société soit condamnée à leur verser ce montant, dont sera déduite l'indemnité prévue par les stipulations du même article en cas de retour des parcelles ; que cette indemnité sera calculée, conformément à ces stipulations, sur la base du prix de la cession des terrains intervenue le 15 septembre 1970, la somme étant actualisée pour tenir compte de l'évolution de l'indice du coût de la construction de l'INSEE entre cette date et le 28 novembre 2006, date du transfert de propriété ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune d'Isola et le syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation de la station d'Isola 2000 sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 9 mars 2012, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à ce que la SAI 2000 soit condamnée à leur verser la somme de 2 250 0000 euros représentant le prix de la parcelle cadastrée section AC n° 86, cédée par la SAI 2000 à la SARL Les terrasses d'Isola, diminuée de l'indemnité mentionnée ci-dessus ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAI 2000 une somme de 1 500 euros à verser, d'une part, à la commune d'Isola, d'autre part, au syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation de la station d'Isola 2000, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la SAI 2000 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 7 juillet 2014 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il condamne la SAI 2000 à verser à la commune d'Isola la somme de 2 250 000 euros en réparation d'un préjudice né de l'impossibilité d'obtenir le retour de la parcelle cadastrée section AC n° 86 lieudit Le Hameau.

Article 2 : Le jugement du 9 mars 2012 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il rejette les conclusions présentées par la commune d'Isola et le syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation de la station d'Isola 2000 tendant à ce que la SAI 2000 soit condamnée à leur verser la somme de 2 250 000 euros, diminuée l'indemnité due en application de l'article 20 de la convention d'aménagement du 2 juillet 1992 dont le montant est égal au prix de la cession de la parcelle AC n° 86 intervenue le 15 septembre 1970, augmenté pour tenir compte de l'évolution de l'indice du coût à la construction calculé par l'INSEE entre cette date et le 28 novembre 2006.

Article 3 : La SAI 2000 versera à la commune d'Isola et au syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation de la station d'Isola 2000 la somme de 2 250 000 euros, dont sera déduite l'indemnité mentionnée ci-dessus.

Article 4 : La SAI 2000 versera une somme de 1 500 euros, d'une part, à la commune d'Isola, d'autre part, au syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation de la station d'Isola 2000, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la SAI 2000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société d'aménagement d'Isola 2000, à la commune d'Isola et au syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation de la station d'Isola 2000.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 14 mar. 2016, n° 384280
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: M. Olivier Henrard
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; RICARD

Origine de la décision
Formation : 7ème - 2ème ssr
Date de la décision : 14/03/2016
Date de l'import : 27/12/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 384280
Numéro NOR : CETATEXT000032227646 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2016-03-14;384280 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award