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09/03/2016 | FRANCE | N°385180

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème ssr, 09 mars 2016, 385180


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 octobre 2014, 8 juillet 2015 et 17 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société MSD France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du collège des directeurs de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) du 24 juin 2014 relative à la procédure d'accord préalable pour bénéficier de la prise en charge des médicaments hypocholestérolémiants suivants : l'ézétimibe, qu'il soit

pris seul ou en association fixe avec de la simvastastine ;

2°) de mettre à la cha...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 octobre 2014, 8 juillet 2015 et 17 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société MSD France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du collège des directeurs de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) du 24 juin 2014 relative à la procédure d'accord préalable pour bénéficier de la prise en charge des médicaments hypocholestérolémiants suivants : l'ézétimibe, qu'il soit pris seul ou en association fixe avec de la simvastastine ;

2°) de mettre à la charge de l'UNCAM la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ;

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société MSD France, et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 février 2016, présentée pour la société MSD France ;

1. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale : " Le contrôle médical porte sur tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que des prestations prises en charge en application des articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 315-2 du même code : " Les avis rendus par le service du contrôle médical portant sur les éléments définis au I de l'article L. 315-1 s'imposent à l'organisme de prise en charge. / Le bénéfice de certaines prestations mentionnées au I de l'article L. 315-1 peut être subordonné à l'accord préalable du service du contrôle médical. Cet accord préalable peut être exigé pour les prestations dont : / - la nécessité doit être appréciée au regard d'indications déterminées ou de conditions particulières d'ordre médical ; / - la justification, du fait de leur caractère innovant ou des risques encourus par le bénéficiaire, doit être préalablement vérifiée eu égard notamment à l'état du bénéficiaire et aux alternatives thérapeutiques possibles ; / - le caractère particulièrement coûteux doit faire l'objet d'un suivi particulier afin d'en évaluer l'impact sur les dépenses de l'assurance maladie ou de l'Etat en ce qui concerne les prestations servies en application des articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles. / Il est précisé lors de la prise en charge des prestations mentionnées au I de l'article L. 315-1 que leur bénéfice est, le cas échéant, subordonné à l'accord préalable mentionné ci-dessus. / Les conditions d'application des alinéas précédents sont fixées par décision du collège des directeurs de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (...) " ; que ces dispositions sont susceptibles d'être appliquées à toutes les prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité, parmi lesquelles figure le remboursement des médicaments ;

2. Considérant que, par une décision du 24 juin 2014, le collège des directeurs de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) a décidé de subordonner la prise en charge de tout nouveau traitement par ézétimibe, seul ou en association fixe avec de la simvastatine, commencé à partir du 1er novembre 2014, à l'accord préalable du service du contrôle médical ;

3. Considérant que des mesures réglementaires peuvent être prises pour l'application d'une disposition existante mais non encore publiée ou non encore opposable, à la condition qu'elles n'entrent pas en vigueur avant que la disposition sur laquelle elles se fondent ait été régulièrement rendue opposable aux tiers ; qu'en revanche, l'autorité administrative ne peut, sans méconnaître le principe selon lequel la légalité d'un acte administratif s'apprécie au regard des dispositions en vigueur à la date de sa signature, appliquer un texte qui n'est pas encore entré en vigueur et, à ce titre, adopter des mesures, même réglementaires, faisant application d'un régime juridique avant son entrée en vigueur ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du collège des directeurs de l'UNCAM du 24 juin 2014 relative à la procédure d'accord préalable des prestations de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale en application des dispositions de l'article L. 315-2 du code de la sécurité sociale, applicable à toutes les prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité et aux prestations prises en charge en application des articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles, a été publiée au Journal officiel de la République française du 9 septembre 2014 ; que cette décision, qui revêt un caractère réglementaire, n'est ainsi entrée en vigueur, en application de l'article 1er du code civil, que le lendemain de sa publication, soit le 10 septembre 2014 ; que, dès lors, la décision attaquée du 24 juin 2014, relative à la procédure d'accord préalable applicable aux spécialités contenant de l'ézétimibe, ne pouvait légalement être prise à cette date, bien qu'elle fût mentionnée dans ses visas, en application de la décision du même jour, relative à la procédure d'accord préalable applicable à toutes les prestations ; qu'à cette même date, l'application de l'article L. 315-2 du code de la sécurité sociale à une catégorie particulière de spécialités était manifestement impossible en l'absence de mesure réglementaire précisant, pour l'ensemble des prestations, ses conditions d'application, notamment l'autorité compétente pour décider de la mise en oeuvre de la procédure d'accord préalable et les modalités d'intervention de l'accord du service du contrôle médical ; qu'ainsi, la décision attaquée du 24 juin 2014 est dépourvue de base légale ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société MSD France est fondée à demander l'annulation de la décision relative à la procédure d'accord préalable pour bénéficier de la prise en charge d'un traitement par ézétimibe qu'elle attaque ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la disparition rétroactive des dispositions de la décision attaquée entraînerait des conséquences manifestement excessives, eu égard aux intérêts en présence et aux inconvénients que présenterait une limitation dans le temps des effets de leur annulation ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'assortir l'annulation de ces dispositions d'une telle limitation ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'UNCAM la somme de 3 000 euros à verser à la société MSD France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société MSD France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du collège des directeurs de l'UNCAM du 24 juin 2014 relative à la procédure d'accord préalable pour bénéficier de la prise en charge d'un traitement par ézétimibe est annulée.

Article 2 : L'UNCAM versera à la société MSD France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'UNCAM présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société MSD France et à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.

Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 385180
Date de la décision : 09/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 mar. 2016, n° 385180
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Puigserver
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:385180.20160309
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