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07/03/2016 | FRANCE | N°387029

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème ssr, 07 mars 2016, 387029


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1400686 du 22 décembre 2014, le président du tribunal administratif de la Polynésie française a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête enregistrée le 18 décembre 2014 au greffe de ce tribunal, par laquelle M. A... B...demande :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté n° 676/PR du 16 septembre 2014 portant nomination du vice-président et des ministres du gouvernement de la Polynésie française et déterminant leurs fonctions ;

2°) d

'enjoindre au président de l'assemblée de la Polynésie française de donner acte de l...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1400686 du 22 décembre 2014, le président du tribunal administratif de la Polynésie française a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête enregistrée le 18 décembre 2014 au greffe de ce tribunal, par laquelle M. A... B...demande :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté n° 676/PR du 16 septembre 2014 portant nomination du vice-président et des ministres du gouvernement de la Polynésie française et déterminant leurs fonctions ;

2°) d'enjoindre au président de l'assemblée de la Polynésie française de donner acte de la démission de plein droit du président et du gouvernement, et de convoquer l'assemblée aux fins de procéder à l'élection d'un nouveau président de la Polynésie française.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Polynésie française ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 février 2016, présentée par M. B... ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Dans le délai de cinq jours suivant son élection, le président de la Polynésie française notifie au haut-commissaire et au président de l'assemblée de la Polynésie française l'arrêté par lequel il nomme un vice-président, chargé d'assurer son intérim en cas d'absence ou d'empêchement, et les ministres, avec indication pour chacun d'eux des fonctions dont ils sont chargés (...) / Le gouvernement comprend sept à dix ministres. / A défaut de la notification prévue au premier alinéa dans le délai précité, le président de la Polynésie française est considéré comme démissionnaire. Il est donné acte de cette démission par le président de l'assemblée de la Polynésie française " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 74 de la même loi organique : " Le président de la Polynésie française et les autres membres du gouvernement doivent satisfaire aux conditions requises pour l'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française " ; qu'aux termes de l'article 81 : " La démission d'un ministre est présentée au président de la Polynésie française, lequel en donne acte et en informe le président de l'assemblée de la Polynésie française et le haut-commissaire./ Toute modification dans la composition du gouvernement et dans la répartition des fonctions au sein du gouvernement est décidée par arrêté du président de la Polynésie française. Cet arrêté est notifié au haut-commissaire et au président de l'assemblée de la Polynésie française. La nomination de nouveaux ministres et l'affectation des ministres à de nouvelles fonctions ne prennent effet qu'à compter de cette notification. Si la composition du gouvernement n'est pas conforme aux dispositions de l'article 73, le président de la Polynésie française dispose d'un délai de quinze jours à compter de la notification pour se conformer à ces dispositions et notifier son arrêté au haut-commissaire et au président de l'assemblée de la Polynésie française. A défaut, le gouvernement est considéré comme démissionnaire et il est fait application des dispositions de l'article 74 " ; qu'aux termes de l'article 82 : " Les recours contre les arrêtés mentionnés aux articles 73, 74, 77 et 81 sont portés devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux (...) " ; qu'aux termes de l'article 109 : " I.- Sont inéligibles à l'assemblée de la Polynésie française : (...)/II.- En outre, ne peuvent être élus membres de l'assemblée de la Polynésie française s'ils exercent leurs fonctions en Polynésie française ou s'ils les ont exercées depuis moins de six mois : (...)/4° Le secrétaire général du gouvernement de la Polynésie française et les secrétaires généraux des institutions, les directeurs généraux, inspecteurs généraux, inspecteurs, directeurs, directeurs adjoints de la Polynésie française ou de l'un de ses établissements publics et le directeur du cabinet du président de la Polynésie française (...) ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le président de la Polynésie française :

2. Considérant qu'il ne résulte pas des dispositions des articles 74 et 82 de la loi organique du 27 février 2004 que le législateur organique ait entendu instituer un recours administratif préalable obligatoire imposant au requérant qui demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté du président de la Polynésie française nommant les membres de son gouvernement d'en saisir préalablement le haut-commissaire de la République en Polynésie française ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le président de la Polynésie française tirée de ce que la requête de M. B...ne serait pas recevable, faute d'avoir été adressée au préalable au haut-commissaire de la République en Polynésie française, ne peut qu'être écartée ;

Sur les moyens de la requête :

En ce qui concerne la nomination de Mme C...en qualité de ministre :

3. Considérant qu'il résulte des articles 74 et 109 de la loi organique du 27 février 2004 que nul ne peut être nommé membre du gouvernement de la Polynésie française si, à la date de sa nomination au gouvernement, il exerce en Polynésie française ou a exercé depuis moins de six mois les fonctions de directeur de la Polynésie française ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le service " délégation à la recherche " de la Polynésie française a été créé par une délibération n° 89-5 AT du 9 février 1989 avec pour mission principale de " préparer, de coordonner, d'animer et de suivre la mise en oeuvre de la politique territoriale de la recherche " ; qu'à cette fin, il collecte des éléments et données nécessaires à l'élaboration de la politique de la recherche et à la programmation des actions qui en découlent, instruit des demandes de crédits et suit l'utilisation de ces derniers, étudie les structures et le potentiel de la recherche, de l'emploi scientifique et des statuts des personnels, instruit des demandes d'allocations et de bourses et assure leur suivi, prépare et coordonne les conventions de coopération et organise des études prospectives et d'évaluation ; que ce service est placé sous l'autorité d'un délégué à la recherche, nommé par arrêté en conseil des ministres sur proposition du ministre chargé de la recherche, après avis du haut comité territorial à la recherche ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date de sa nomination en qualité de ministre du travail et du dialogue social, de l'emploi, de la formation professionnelle, de la recherche et de la condition féminine par un arrêté n° 676 PR du 16 septembre 2014, Mme D... C...exerçait les fonctions de " déléguée à la recherche " ; qu'eu égard à la nature de ses fonctions, au titre desquelles elle avait reçu délégation de signature du ministre chargé de la recherche, par un arrêté n° 3972 MRM du 27 mai 2013, dans la limite de ses attributions, en matière de correspondance interne et externe, de gestion de personnel, de gestion de crédits budgétaire et de recherche scientifique et pour certifier le caractère exécutoire de certains actes, elle devait être regardée comme exerçant des fonctions au moins équivalentes à la fonction de directeur mentionnée à l'article 109 de la loi organique du 27 février 2004 ; qu'ainsi, elle ne remplissait pas les conditions posées par les articles 74 et 109 de la loi organique du 27 février 2004 pour être nommée membre du gouvernement de la Polynésie française ; qu'il s'ensuit que les dispositions de l'arrêté n° 676 PR du 16 septembre 2014 nommant ministre Mme C..., qui sont divisibles, doivent être annulées pour ce motif ;

En ce qui concerne le nombre de ministres :

5. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 73 de la loi organique du 27 février 2004, ainsi que des travaux parlementaires qui ont précédé son adoption, que le législateur organique a fixé à sept le nombre minimal de membres du gouvernement de la Polynésie française, compte non tenu du président de la Polynésie française et du vice-président chargé d'assurer l'intérim de ce dernier en cas d'absence ou d'empêchement ;

6. Considérant que l'arrêté n° 676 PR du 16 septembre 2014 portant nomination du vice-président et des ministres du gouvernement de la Polynésie française et déterminant leurs fonctions a nommé un vice-président, également ministre du budget, des finances, de la fonction publique, des énergies, de la santé et des solidarités, ainsi que sept autres ministres, dont Mme C... ; que toutefois l'annulation de la nomination de MmeC..., qui ramène à 6 le nombre des ministres composant le gouvernement de la Polynésie française, outre le vice-président également chargé de fonctions ministérielles, n'emporte pas, par voie de conséquence, celle de l'ensemble de l'arrêté du 16 septembre 2014 ; qu'en effet, en application de l'article 81 de la loi organique du 27 février 2004 cité au point 1, il appartient au président de la Polynésie française, à la suite de l'annulation par le juge de la nomination d'un membre du gouvernement rendant la composition de ce dernier irrégulière, de notifier au haut-commissaire et au président de l'assemblée de la Polynésie française un nouvel arrêté mettant en conformité la composition du gouvernement avec les dispositions précitées de l'article 73 dans un délai de quinze jours à compter de la survenance de l'irrégularité, c'est-à-dire à compter de la notification de la décision juridictionnelle ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'annulation de la nomination de Mme C...entraînerait l'illégalité de la nomination de l'ensemble des membres du gouvernement doit être écarté ; qu'il en est de même du moyen tiré de ce qu'un nouvel arrêté comportant le nombre légalement requis de ministres n'aurait pas été notifié au haut-commissaire et au président de l'assemblée de la Polynésie française à la date de la présente décision ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est fondé à demander l'annulation de l'arrêté qu'il attaque qu'en tant qu'il nomme ministre MmeC... ;

Sur les conséquences de l'annulation prononcée :

8. Considérant que dès lors qu'une personne investie de fonctions administratives, irrégulièrement nommée aux fonctions qu'elle occupe, doit être regardée comme légalement investie de ces fonctions tant que sa nomination n'a pas été annulée, il n'apparaît pas que la disparition rétroactive des dispositions illégales de l'arrêté du 16 septembre 2014 entraînerait des conséquences manifestement excessives de nature à justifier une limitation dans le temps des effets de cette annulation ;

9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B...la somme demandée par le président de la Polynésie française au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêté n° 676 PR du 16 septembre 2014 portant nomination du vice-président et des ministres du gouvernement de la Polynésie française et déterminant leurs fonctions est annulé en tant qu'il nomme ministre Mme D... C....

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.

Article 3 : Les conclusions du président de la Polynésie française tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4: La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au président de la Polynésie française et au président de l'assemblée de la Polynésie française.

Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 387029
Date de la décision : 07/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mar. 2016, n° 387029
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387029.20160307
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