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07/03/2016 | FRANCE | N°375632

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème ssr, 07 mars 2016, 375632


Vu la procédure suivante :

Les sociétés Expansion du Spectacle (SES), Euro Vidéo International (EVI) et Compagnie méditerranéenne cinématographique (COMECI) ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 janvier 2004 par laquelle le Centre national de la cinématographie (CNC) a rejeté leur demande indemnitaire du 28 octobre 2003 et de condamner le CNC à leur verser la somme de 7 094 630,75 euros en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur demande indemnitaire préalable. Par

un jugement n° 0508231 du 30 janvier 2009, le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Les sociétés Expansion du Spectacle (SES), Euro Vidéo International (EVI) et Compagnie méditerranéenne cinématographique (COMECI) ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 janvier 2004 par laquelle le Centre national de la cinématographie (CNC) a rejeté leur demande indemnitaire du 28 octobre 2003 et de condamner le CNC à leur verser la somme de 7 094 630,75 euros en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur demande indemnitaire préalable. Par un jugement n° 0508231 du 30 janvier 2009, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du CNC du 28 janvier 2004 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par un arrêt n° 09PA01825 du 19 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande des requérantes et sur requête incidente du CNC, réformé le jugement du tribunal en condamnant le Centre national de la cinématographie à verser à la société SES une somme de 359 017,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2003 et à rétablir dans ses comptes de soutien un montant de droits acquis de 317 636,67 euros pour la période 1995-1998.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février 2014, 20 mai 2014 et 22 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de rejeter la requête de la société SES ;

3°) de mettre à la charge de la société SES une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959, notamment son article 76 ;

- la loi n° 66-935 du 17 décembre 1966, notamment son article 64 ;

- la loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995, notamment son article 57 ;

- le décret n° 59-733 du 16 juin 1959 ;

- le décret n° 59-1512 du 30 décembre 1959 ;

- le décret n° 67-356 du 21 avril 1967 ;

- le décret n° 68-282 du 27 mars 1968 ;

- le décret n° 96-233 du 15 mars 1996 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Centre national du cinéma et de l'image animée et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat des sociétés d'Expansion du Spectacle, Euro Vidéo International et Compagnie méditerranéenne cinématographique ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par décision du 28 janvier 2004, le directeur général de l'établissement public Centre national de la cinématographie, devenu Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), a rejeté la demande du groupe Combret, dont font partie la Société d'Expansion du Spectacle (SES) et les sociétés Euro Vidéo International (EVI) et Compagnie méditerranéenne cinématographique (COMECI), tendant à l'indemnisation du préjudice allégué résultant de l'attribution irrégulière à un tiers de sommes lui revenant pour ses salles de cinématographie situées dans le sud de la France ; que, par un jugement du 30 janvier 2009, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du directeur général du CNC du 28 janvier 2004 mais rejeté les demandes des sociétés SES, EVI et COMECI tendant à la condamnation du CNC au versement d'une indemnité de 7 094 630,75 euros assortie des intérêts de droit à compter du 28 octobre 2003 ; que, par un arrêt du 31 décembre 2010, la cour administrative d'appel de Paris, saisie par les mêmes sociétés, a sursis à statuer sur leur requête jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit définitivement prononcée sur la question de la propriété des salles de cinématographie dites " du sud " ; que, par l'arrêt attaqué par le CNC, la cour a condamné l'établissement public à raison du préjudice résultant de la faute commise par le CNC en accordant, par la décision du 11 août 1995, le regroupement au profit d'un tiers des comptes de soutien financier de plusieurs salles cinématographiques, d'une part, à verser à la société SES une somme de 359 017,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2003 et, d'autre part, à rétablir dans ses comptes de soutien un montant de droits acquis de 317 636,67 euros pour la période 1995-1998 ;

2. Considérant que les personnes morales de droit public ne peuvent jamais être condamnées à payer des sommes dont elles ne sont pas redevables ; que cette interdiction est d'ordre public et doit être soulevée d'office par la juridiction à laquelle une telle condamnation est demandée ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 30 décembre 1959 portant application des dispositions du décret du 16 juin 1959 relatif au soutien financier de l'Etat à l'industrie cinématographique : " Les décisions relatives aux différentes formes de soutien financier de l'industrie cinématographique (...) sont prises par le ministre chargé du cinéma ; leur exécution incombe au directeur général du centre national de la cinématographie " ; qu'aux termes de l'article premier du décret du 27 mars 1968 : " Le ministre d'Etat chargé des affaires culturelles peut, par arrêté, donner délégation au directeur général du centre national de la cinématographie, à l'effet de signer toutes décisions relatives aux différentes formes de soutien financier de l'industrie cinématographique(...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, abrogées par l'article 2 du décret du 15 mars 1996 pris pour l'application de l'article 57 de la loi de finances pour 1996 et relatif au soutien financier de l'Etat à l'industrie cinématographique et donc en vigueur à la date de la décision du 11 août 1995 autorisant le regroupement litigieux de soutiens financiers, que cette décision a été prise pour le compte de l'Etat et non pour celui du CNC ;

4. Considérant qu'en jugeant que par la décision du 11 août 1995 autorisant, ainsi qu'il a été dit, le regroupement au profit d'un tiers des soutiens financiers du CNC accordés aux salles de spectacle du groupe Combret, le CNC avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, alors que cette décision avait été prise pour le compte de l'Etat, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ; que, par voie de conséquence, il n'y a plus lieu de statuer sur le pourvoi incident des sociétés SES, EVI et COMECI ;

5. Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

6. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 3, que la décision du 11 août 1995 autorisant le regroupement litigieux de comptes de soutien financier n'a pas été prise au nom du CNC ; que les conclusions indemnitaires des requérantes sont ainsi mal dirigées ; que, par suite, les sociétés SES, EVI et COMECI ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs conclusions à fin d'indemnisation dirigées contre le CNC, seules en litige en appel ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CNC ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SES la somme de 3 000 euros que demande le CNC au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 19 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions incidentes présentées devant le Conseil d'Etat par la Société d'Expansion du Spectacle et les sociétés Euro Vidéo International et Compagnie méditerranéenne cinématographique.

Article 3 : Les conclusions du Centre national du cinéma et de l'image animée tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions indemnitaires devant la cour administrative d'appel de Paris de la Société d'Expansion du Spectacle et des sociétés Euro Vidéo International et Compagnie méditerranéenne cinématographique ainsi que leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au Centre national du cinéma et de l'image animée, à la Société d'Expansion du Spectacle, à la société Euro Vidéo International et à la société Compagnie méditerranéenne cinématographique.

Copie en sera adressée pour information à la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 375632
Date de la décision : 07/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mar. 2016, n° 375632
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques Reiller
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:375632.20160307
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