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12/02/2016 | FRANCE | N°395041

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème ssr, 12 février 2016, 395041


Vu la procédure suivante :

La commune des Arcs (Var), à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Var du 19 décembre 2014 fixant à 200 % le taux de majoration du prélèvement prévu à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation applicable à cette commune au titre de la période triennale 2011-2013, a produit un mémoire, enregistré le 10 septembre 2015 au greffe du tribunal administratif de Toulon, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritai

re de constitutionnalité.

Par un jugement du 3 décembre 2015, enregis...

Vu la procédure suivante :

La commune des Arcs (Var), à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Var du 19 décembre 2014 fixant à 200 % le taux de majoration du prélèvement prévu à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation applicable à cette commune au titre de la période triennale 2011-2013, a produit un mémoire, enregistré le 10 septembre 2015 au greffe du tribunal administratif de Toulon, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par un jugement du 3 décembre 2015, enregistré le 7 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Toulon, avant de statuer sur la demande de la commune des Arcs, a décidé, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du III de l'article 26 de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise et dans un mémoire enregistré le 21 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune des Arcs soutient que les dispositions du III de l'article 26 de la loi du 18 janvier 2013, applicables au litige, méconnaissent le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, le principe de légalité des délits et des peines et l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et sont entachées d'une incompétence négative du législateur.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 15 et 22 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, en particulier que la question posée ne présente pas de caractère nouveau ou sérieux.

Le mémoire de la commune a été communiqué au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Perrière, Auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la Commune des Arcs ;

1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 18 janvier 2013, relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social : " I. - L'arrêté motivé prononçant la carence des communes et la majoration du prélèvement dont elles sont redevables est pris, pour la quatrième période triennale, selon les modalités prévues à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction antérieure à la présente loi. / II. - Les communes soumises au prélèvement défini à l'article L. 302-7 du même code réalisent, au titre d'une période de référence courant entre le premier jour du premier trimestre suivant la date d'entrée en vigueur de la présente loi et le 31 décembre 2013, un nombre de logements locatifs sociaux égal à un douzième du nombre de logements locatifs sociaux à réaliser pour la quatrième période triennale, en application de l'article L. 302-8 dudit code dans sa rédaction antérieure à la présente loi, multiplié par le nombre de trimestres entiers restant à courir pendant la période de référence. / Le représentant de l'Etat dans le département peut, par arrêté motivé pris après avis du comité régional de l'habitat, constater qu'une commune n'a pas réalisé les objectifs mentionnés au premier alinéa du présent II, en tenant compte de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées pendant la période de référence, du respect de la typologie prévue au II de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, des difficultés rencontrées, le cas échéant, par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation. / III. - Pour les communes faisant l'objet de l'arrêté mentionné au I ainsi que de l'arrêté mentionné au II du présent article, le représentant de l'Etat dans le département peut, en fonction des critères mentionnés au second alinéa du même II, augmenter, après avis de la commission mentionnée au I de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation, le taux de majoration de telle sorte que le prélèvement majoré puisse atteindre jusqu'à cinq fois le montant du prélèvement mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 302-7 du même code. Le prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune. Ce plafond est porté à 7,5 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 150 % du potentiel fiscal médian par habitant sur l'ensemble des communes soumises au prélèvement défini au même article L. 302-7 " ;

3. Considérant que la commune des Arcs conteste la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du III de cet article ; qu'elle soutient que le législateur a méconnu le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère en prévoyant que la majoration du prélèvement sur les ressources fiscales de la commune, applicable pendant une période de trois ans à compter du 1er janvier 2015, pourrait être fixée à un montant plus élevé que celui prévu par les dispositions antérieurement en vigueur lorsqu'un manquement aux objectifs de construction de logements sociaux serait constaté pour l'ensemble de la période triennale 2011-2013 ainsi que pour la période comprise entre le 1er avril et le 31 décembre 2013 ; qu'elle soutient également, pour les mêmes raisons, que ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines et l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et sont entachées d'une incompétence négative du législateur ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires " ; qu'il résulte de ces dispositions qui s'appliquent à toute sanction ayant le caractère de punition, comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi répressive d'incrimination plus sévère ainsi que le principe du respect des droits de la défense ;

5. Considérant que si les dispositions du III de l'article 26 de la loi du 18 janvier 2013 prévoient une majoration du prélèvement sur les ressources fiscales de la commune dont le montant maximal excède celui qui résultait des dispositions législatives en vigueur avant l'intervention de cette loi, elles ne permettent d'appliquer cette majoration qu'aux communes qui ont manqué à leurs obligations de réalisation de logements sociaux à la fois sur l'ensemble de la période triennale 2011-2013 et sur la période comprise entre le premier jour du premier trimestre suivant la date d'entrée en vigueur de la loi, soit le 1er avril 2013, et le 31 décembre suivant ; qu'ainsi, cette sanction nouvelle plus sévère ne peut être appliquée qu'en cas de manquement postérieur à la publication de la loi qui l'a instituée, un tel manquement étant caractérisé au regard des réalisations effectives mais également des projets de réalisation de logements sociaux sur le territoire de la commune ; qu'il suit de là que le législateur n'a pas méconnu le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ;

6. Considérant, en second lieu, que la question de l'atteinte portée par les dispositions contestées au principe de légalité des délits et des peines et à l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ainsi que la question de la méconnaissance, par le législateur, de l'étendue de sa compétente n'ont pas été soumises au tribunal administratif et ne peuvent être présentées pour la première fois devant le Conseil d'Etat, saisi, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, d'un jugement de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité tirée de la méconnaissance d'autres dispositions ou principes constitutionnels ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune des Arcs.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune des Arcs, à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité et au Premier ministre.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème ssr
Numéro d'arrêt : 395041
Date de la décision : 12/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 12 fév. 2016, n° 395041
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Perrière
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:395041.20160212
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