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10/02/2016 | FRANCE | N°369797

France | France, Conseil d'État, 4ème - 5ème ssr, 10 février 2016, 369797


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juillet et 30 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA05613 du 30 avril 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0819515 du 30 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) soit

condamné à lui verser la somme de 732 208, 37 euros au titre des pri...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juillet et 30 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA05613 du 30 avril 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0819515 du 30 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) soit condamné à lui verser la somme de 732 208, 37 euros au titre des primes d'intéressement aux produits tirés d'inventions auxquelles il estime avoir droit pour les années 1996, 1997 et 2000 et, d'autre part, à la condamnation du CNRS à lui verser cette somme avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du CNRS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A...et à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat du Centre national de la recherche scientifique ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...a, en tant que directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), été co-auteur de brevets qui ont été déposés par cet établissement ; que, par un jugement du 30 septembre 2010, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que le CNRS soit condamné à lui verser la somme de 732 208, 37 euros au titre des primes d'intéressement aux produits tirés de ces inventions, auxquelles il estime avoir droit, d'une part, pour les années 1996 et 1997 et, d'autre part, pour l'année 2000 ; que, par l'arrêt du 30 avril 2013 qu'il attaque, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction alors en vigueur : " Si l'inventeur est un salarié, le droit au titre de propriété industrielle, à défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, est défini selon les dispositions ci-après : / 1. Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une telle invention, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail (...) / 5. Les dispositions du présent article sont également applicables aux agents de l'Etat, des collectivités publiques et de toutes autres personnes morales de droit public, selon des modalités qui sont fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article R. 611-12 du même code : " 1. Les inventions faites par le fonctionnaire ou l'agent public dans l'exécution soit des tâches comportant une mission inventive correspondant à ses attributions, soit d'études ou de recherches qui lui sont explicitement confiées appartiennent à la personne publique pour le compte de laquelle il effectue lesdites tâches, études ou recherches (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 611-14-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Pour les fonctionnaires ou agents publics de l'Etat et de ses établissements publics (...) qui sont les auteurs d'une invention visée au 1 de l'article R. 611-12, la rémunération supplémentaire prévue par l'article L. 611-7 est constituée par une prime d'intéressement aux produits tirés de l'invention par la personne publique qui en est bénéficiaire. / II. - Le complément de rémunération dû au titre de l'intéressement est versé annuellement. Les sommes qui lui sont affectées sont égales à 25 p. 100 du produit hors taxes des redevances perçues au titre de l'invention, après déduction de la totalité des frais directs supportés par la personne publique bénéficiaire. / III. - Lorsque plusieurs agents sont auteurs d'une même invention, les sommes mentionnées au II du présent article sont réparties selon l'importance de la contribution de chaque agent à l'invention. Les modalités de la répartition sont définitivement arrêtées, avant le premier versement annuel, par le ministre ayant autorité sur le service ou par l'ordonnateur principal de l'établissement (...) " ;

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur les demandes présentées au titre des années 1996 et 1997 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai (...), les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public " ; qu'aux termes de son article 2 : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...devait être regardé comme demandant réparation du préjudice découlant de l'erreur qu'avait, selon lui, commise le CNRS dans la répartition entre les différents co-auteurs des inventions, en fonction de l'importance de leurs contributions respectives, des sommes correspondant aux primes d'intéressement qui étaient dues au titre des années 1996 et 1997, pour un montant global qu'il ne contestait pas ; que pour rejeter ses conclusions, la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'exception de prescription quadriennale opposée par le CNRS, a jugé que les créances dont l'intéressé se prévalait se rattachaient aux traitements versés au titre des années 1996 et 1997 et étaient, par suite, prescrites à la date de sa première réclamation au CNRS, adressée par un courrier du 8 août 2005 ;

5. Mais considérant que, lorsqu'un litige indemnitaire oppose un agent public à son administration et que le préjudice dont l'indemnisation est demandée résulte de l'illégalité d'une décision administrative, le fait générateur de la créance doit être rattaché à l'exercice au cours duquel cette décision a été régulièrement notifiée ; que M. A...demandait l'indemnisation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de la décision, dont il contestait la légalité, par laquelle l'ordonnateur principal de l'établissement a arrêté, sur le fondement du III de l'article R. 611-14-1 du code de la propriété intellectuelle cité ci-dessus, les modalités de répartition, entre les différents co-auteurs des inventions, des compléments de rémunération dus au titre de l'intéressement ; que, dès lors, en retenant l'exception de prescription opposée par le CNRS sans rechercher ni si cette décision avait été régulièrement notifiée au demandeur ni à quelle date une telle notification avait eu lieu, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;

6. Considérant, par suite, que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, le requérant est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur ses conclusions portant sur les préjudices relatifs aux années 1996 et 1997 ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 611-14-1 du code de la propriété intellectuelle citées ci-dessus que, lorsque plusieurs agents sont simultanément auteurs d'une même invention, les compléments de rémunération qui leur sont dus au titre de l'intéressement sont égaux à la fraction, égale à la part de leur contribution personnelle à l'invention, d'une somme globale égale à 25 % du produit des redevances perçues par la personne publique propriétaire de l'invention ; que, par suite, M.A..., qui ne conteste pas avoir contribué à hauteur de 23,3 % aux inventions en cause, n'est pas fondé à soutenir que le CNRS aurait commis une illégalité fautive en lui attribuant, au titre des années 1996 et 1997, des montants de prime d'intéressement correspondant à ce même pourcentage des sommes globales à répartir au titre de chacune de ces années, alors même qu'une partie de ces sommes n'aurait pu être répartie entre certains des autres co-auteurs des inventions, qui ne remplissaient pas les conditions pour bénéficier de ces compléments de rémunération ;

9. Considérant, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription opposée par le CNRS, que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté ses conclusions indemnitaires présentées au titre des années 1996 et 1997 ;

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur la demande présentée au titre de l'année 2000 :

10. Considérant, en premier lieu, que pour écarter les moyens d'appel de M. A... relatifs à son préjudice pour l'année 2000, la cour administrative d'appel a adopté les motifs du jugement du tribunal administratif de Paris ; qu'en estimant que le requérant n'apportait aucun élément de fait ou de droit qui n'avait pas déjà été débattu en première instance, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; qu'elle a suffisamment motivé son arrêt, dès lors qu'il ressort de ces mêmes pièces que les motifs du jugement du tribunal administratif de Paris répondaient de manière suffisante à l'argumentation de M. A...;

11. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le CNRS a cédé, sans profit, à la société Fist SA, dont il est actionnaire majoritaire et qui a pour objet de valoriser ses activités, deux brevets sur des inventions dont M. A... est co-auteur ; que la société Fist SA a, à son tour, cédé ces brevets à une autre société, dénommée Nemoptic, en échange d'actions de cette société ; qu'en vertu des stipulations du contrat de cession de brevets conclu entre le CNRS et la société Fist SA, cette dernière s'est engagée à lui verser, en cas de cession de ses actions de la société Nemoptic, 92,5 % de la plus-value nette de cession, déduction faite d'une franchise ;

12. Considérant qu'il ressort également des pièces soumises au juge d'appel, et n'était d'ailleurs pas contesté devant lui, qu'à la date à laquelle le CNRS a rejeté la demande présentée par M. A...au titre de l'année 2000, la société Fist SA n'avait pas procédé à la cession des actions de la société Nemoptic détenues au titre de l'apport de brevets précédemment mentionné ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, par adoption des motifs du jugement du tribunal administratif de Paris, que ni la cession des brevets par le CNRS à la société Fist SA ni leur cession par celle-ci à la société Nemoptic n'avaient, à cette date, donné lieu à des produits tirés de l'invention, au sens des dispositions de l'article R. 611-14-1 du code de la propriété intellectuelle cité plus haut, justifiant le versement d'une prime d'intéressement, tout en relevant, au demeurant, que cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que M. A...bénéficie ultérieurement d'un tel versement, en cas de réalisation d'une plus-value de cession des actions de la société Nemoptic par la filiale du CNRS ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur ses conclusions relatives à l'année 2000 ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CNRS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le CNRS au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 30 avril 2013 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M. A...dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 septembre 2010 en tant qu'il a statué sur sa demande relative aux années 1996 et 1997.

Article 2 : Les conclusions de M. A...présentées devant la cour administrative d'appel de Paris dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 septembre 2010 en tant qu'il a statué sur sa demande relative aux années 1996 et 1997 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du CNRS présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au Centre national de la recherche scientifique et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème - 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 369797
Date de la décision : 10/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 fév. 2016, n° 369797
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:369797.20160210
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