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03/02/2016 | FRANCE | N°376518

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème ssr, 03 février 2016, 376518


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 19 mars et 28 juillet 2014 et le 16 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Vortex demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2013-646 du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) du 25 septembre 2013 la mettant en demeure de se conformer aux règles applicables aux services de radio de catégorie D au titre de laquelle elle est autorisée par la décision n° 2011-897 du 27 septembre 2011 à exploiter le programme

Skyrock, ainsi que la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 17 ja...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 19 mars et 28 juillet 2014 et le 16 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Vortex demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2013-646 du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) du 25 septembre 2013 la mettant en demeure de se conformer aux règles applicables aux services de radio de catégorie D au titre de laquelle elle est autorisée par la décision n° 2011-897 du 27 septembre 2011 à exploiter le programme Skyrock, ainsi que la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 17 janvier 2014 rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le décret n° 94-972 du 9 novembre 1994 ;

- la décision n° 2010-244 du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 13 avril 2010 ;

- la décision n° 2011-897 du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 27 septembre 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Perrière, auditeur,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée avant et après les conclusions à la SCP Rocheteau, Uzan, Sarano, avocat du Syndicat interprofessionnel des radios et des télévisions indépendantes ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 13 avril 2010, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé un appel aux candidatures pour l'exploitation de services de radio par voie hertzienne terrestre dans le ressort du comité technique radiophonique de Lyon ; que cette décision définissait cinq catégories de services de radio, notamment la catégorie D correspondant à des services " dont la vocation est la diffusion d'un programme thématique sur le territoire national sans décrochages locaux " ; que, le 27 septembre 2011, à l'issue de la procédure de sélection, le CSA a autorisé la société Vortex à exploiter le service Skyrock, relevant de la catégorie D, dans plusieurs zones d'émission et, en particulier, dans celle de Lyon ; qu'ayant constaté que des messages publicitaires diffusés par ce service le 11 avril 2013 dans la zone de Lyon ne figuraient pas dans son programme tel qu'il était diffusé le même jour dans la zone de Rennes, le CSA, par une décision du 25 septembre 2013, a mis la société Vortex en demeure de se conformer à l'avenir aux règles applicables aux services de catégorie D en s'abstenant de tout décrochage local, y compris en ce qui concerne les messages publicitaires ; que la société demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ainsi que celle du 17 janvier 2014 par laquelle le CSA a rejeté son recours gracieux ;

Sur l'intervention du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes :

2. Considérant que ce syndicat a intérêt au maintien des décisions attaquées ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication : " Pour la zone géographique et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées, le conseil publie un appel aux candidatures " ; que ces dispositions ne donnent compétence au CSA que pour énumérer les catégories de services faisant l'objet de l'appel aux candidatures et fixer les éléments permettant de définir chacune de ces catégories ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 27 de la même loi : " Compte tenu des missions d'intérêt général des organismes du secteur public et des différentes catégories de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre, des décrets en Conseil d'Etat fixent les principes généraux définissant les obligations concernant :/ 1° La publicité, le télé-achat et le parrainage ; (...) " ; que l'article 1er du décret du 9 novembre 1994 pris pour l'application de ces dispositions législatives réserve la diffusion des messages de publicité locale aux éditeurs de services de radio diffusés par voie hertzienne terrestre qui consacrent à des programmes d'intérêt local au moins trois heures de diffusion chaque jour entre 6 heures et 22 heures ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret : " Est considéré comme publicité locale, dès lors qu'elle est diffusée sur une zone dont la population est inférieure à six millions d'habitants, tout message publicitaire comportant l'indication, par l'annonceur, d'une adresse ou d'une identification locale explicite " ;

5. Considérant que, selon la définition des services de catégorie D telle qu'elle figure dans les décisions du CSA lançant des appels aux candidatures, ces services ne pratiquent pas de décrochages locaux ; que le CSA en déduit qu'un service relevant de cette catégorie doit diffuser un programme identique dans toutes les zones où il est autorisé, y compris en ce qui concerne les messages publicitaires ; que, toutefois, l'obligation de diffuser des messages publicitaires identiques dans toutes les zones aurait pour effet d'interdire aux services concernés tout accès au marché des annonceurs qui entendent mener des campagnes publicitaires limitées à une partie du territoire national ; qu'une telle règle irait au-delà de ce que prévoient les dispositions mentionnées ci-dessus du décret du 9 novembre 1994, dont il résulte seulement que les services de radio ne diffusant pas de programmes d'intérêt local doivent s'abstenir de diffuser, dans une zone dont la population est inférieure à six millions d'habitants, des messages publicitaires comportant l'indication d'une adresse ou d'une identification locale explicite ; que le CSA n'étant pas compétent pour réglementer l'accès des différentes catégories de services aux ressources publicitaires, la définition des services de catégorie D ne peut légalement avoir une telle portée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, que les décisions attaquées doivent être annulées ;

7. Considérant que l'Etat n'étant pas partie à l'instance, les conclusions de la société Vortex tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes est admise.

Article 2 : La décision n° 2013-646 du 25 septembre 2013 du Conseil supérieur de l'audiovisuel ainsi que sa décision du 17 janvier 2014 rejetant le recours gracieux de la société Vortex sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Vortex, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et au Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes.

Copie en sera adressée à la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème ssr
Numéro d'arrêt : 376518
Date de la décision : 03/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

RADIO ET TÉLÉVISION - CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL - COMPÉTENCE DU CSA POUR DÉFINIR LES CATÉGORIES DE SERVICE DE RADIO - PORTÉE - EXCLUSION - FIXATION DE RÈGLES AYANT POUR EFFET DE MODIFIER CELLES SUR LA PUBLICITÉ ET LE PARRAINAGE (DÉCRET DU 9 NOVEMBRE 1994) [RJ1].

56-01 Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) n'est pas compétent pour réglementer l'accès des différentes catégories de services de radio aux ressources publicitaires. Par suite, la définition des services de catégorie D, qui prévoit que ceux-ci ne pratiquent pas de décrochages locaux, ne saurait impliquer que ces services doivent diffuser des messages publicitaires identiques dans toutes les zones, car une telle règle, qui aurait pour effet d'interdire aux services concernés tout accès au marché des annonceurs qui entendent mener des campagnes publicitaires limitées à une partie du territoire national, irait au-delà de ce que prévoit l'article 3 du décret n° 94-972 du 9 novembre 1994, dont il résulte seulement que les services de radio ne diffusant pas de programmes d'intérêt local doivent s'abstenir de diffuser, dans une zone dont la population est inférieure à six millions d'habitants, des messages publicitaires comportant l'indication d'une adresse ou d'une identification locale explicite.

RADIO ET TÉLÉVISION - RÈGLES GÉNÉRALES - PUBLICITÉ - COMPÉTENCE DU CSA POUR FIXER - DANS LA DÉFINITION DES CATÉGORIES DE SERVICE DE RADIO - DES RÈGLES AYANT POUR EFFET DE MODIFIER CELLES SUR LA PUBLICITÉ ET LE PARRAINAGE (DÉCRET DU 9 NOVEMBRE 1994) - ABSENCE [RJ1].

56-02-02 Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) n'est pas compétent pour réglementer l'accès des différentes catégories de services de radio aux ressources publicitaires. Par suite, la définition des services de catégorie D, qui prévoit que ceux-ci ne pratiquent pas de décrochages locaux, ne saurait impliquer que ces services doivent diffuser des messages publicitaires identiques dans toutes les zones, car une telle règle, qui aurait pour effet d'interdire aux services concernés tout accès au marché des annonceurs qui entendent mener des campagnes publicitaires limitées à une partie du territoire national, irait au-delà de ce que prévoit l'article 3 du décret n° 94-972 du 9 novembre 1994, dont il résulte seulement que les services de radio ne diffusant pas de programmes d'intérêt local doivent s'abstenir de diffuser, dans une zone dont la population est inférieure à six millions d'habitants, des messages publicitaires comportant l'indication d'une adresse ou d'une identification locale explicite.

RADIO ET TÉLÉVISION - SERVICES PRIVÉS DE RADIO ET DE TÉLÉVISION - SERVICES DE RADIO - CONDITIONS DE PROGRAMMATION ET DE DIFFUSION - DÉFINITION - PAR LE CSA - DES CATÉGORIES DE SERVICE DE RADIO - PORTÉE - EXCLUSION - FIXATION DE RÈGLES AYANT POUR EFFET DE MODIFIER CELLES SUR LA PUBLICITÉ ET LE PARRAINAGE (DÉCRET DU 9 NOVEMBRE 1994) [RJ1].

56-04-01-02 Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) n'est pas compétent pour réglementer l'accès des différentes catégories de services de radio aux ressources publicitaires. Par suite, la définition des services de catégorie D, qui prévoit que ceux-ci ne pratiquent pas de décrochages locaux, ne saurait impliquer que ces services doivent diffuser des messages publicitaires identiques dans toutes les zones, car une telle règle, qui aurait pour effet d'interdire aux services concernés tout accès au marché des annonceurs qui entendent mener des campagnes publicitaires limitées à une partie du territoire national, irait au-delà de ce que prévoit l'article 3 du décret n° 94-972 du 9 novembre 1994, dont il résulte seulement que les services de radio ne diffusant pas de programmes d'intérêt local doivent s'abstenir de diffuser, dans une zone dont la population est inférieure à six millions d'habitants, des messages publicitaires comportant l'indication d'une adresse ou d'une identification locale explicite.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 27 juin 1997, Société N.R.J., n° 168084, p. 268.


Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 2016, n° 376518
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Perrière
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:376518.20160203
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