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25/01/2016 | FRANCE | N°383836

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème ssr, 25 janvier 2016, 383836


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 14 mai 2012 par lequel le président et les questeurs de l'Assemblée nationale ont décidé son admission à la retraite à compter du 10 novembre 2012, en deuxième lieu, de condamner l'Assemblée nationale à l'indemniser des préjudices matériel et moral subis du fait de cette mesure et à compléter rétroactivement ses cotisations de retraite et autres cotisations obligatoires jusqu'à la date du 1er décembre 2015, et, en dernier lieu, d'enjoindre à l'A

ssemblée nationale de le réintégrer dans un délai d'un mois à compter de l...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 14 mai 2012 par lequel le président et les questeurs de l'Assemblée nationale ont décidé son admission à la retraite à compter du 10 novembre 2012, en deuxième lieu, de condamner l'Assemblée nationale à l'indemniser des préjudices matériel et moral subis du fait de cette mesure et à compléter rétroactivement ses cotisations de retraite et autres cotisations obligatoires jusqu'à la date du 1er décembre 2015, et, en dernier lieu, d'enjoindre à l'Assemblée nationale de le réintégrer dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1218531 du 21 décembre 2012, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

M. A...a relevé appel de ce jugement. Par un arrêt n° 13PA00614 du 19 juin 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 août et 20 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Assemblée nationale le versement d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

- l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le règlement intérieur sur l'organisation des services portant statut du personnel de l'Assemblée nationale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Dieu, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. A...et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du président de l'Assemblée nationale ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...a été recruté à compter du 1er février 1996 et titularisé à compter du 1er février 1997 dans le corps des ingénieurs en chef des bâtiments de l'Assemblée nationale, devenu en 2008 le corps des ingénieurs en chef et architectes en chef de l'Assemblée nationale ; que, par un arrêté du 14 mai 2012, le président et les questeurs de l'Assemblée nationale ont décidé son admission à la retraite à compter du 10 novembre 2012, à l'âge de soixante-trois ans compte tenu du report de la limite d'âge d'une année prévu par les dispositions de l'article 4 de la loi du 18 août 1936 pour les fonctionnaires ayant élevé trois enfants ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de M. A...contre le jugement du 21 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires : " (...) Les agents titulaires des services des assemblées parlementaires sont des fonctionnaires de l'Etat dont le statut et le régime de retraite sont déterminés par le bureau de l'assemblée intéressée, après avis des organisations syndicales représentatives du personnel (...) " ; qu'aux termes de l'article 53 du règlement intérieur sur l'organisation des services portant statut du personnel de l'Assemblée nationale, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " 1. La limite d'âge des secrétaires généraux, des directeurs généraux, des directeurs de service et des conseillers est fixée à soixante-cinq ans / 2. La limite d'âge des autres fonctionnaires est fixée à soixante-deux ans (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'il n'était pas mentionné au 1. de l'article 53 du règlement intérieur, le corps des ingénieurs en chef et architectes en chef de l'Assemblée nationale, relevait, à la date de la décision attaquée, de la limite d'âge de soixante-deux ans prévue par le 2. du même article ; que si ce règlement intérieur prévoyait, à son article 5, qui énumère les cadres de fonctionnaires de l'Assemblée nationale, que l'ingénieur en chef avait rang de conseiller et s'il comportait par ailleurs des règles communes au corps des ingénieurs en chef et architectes en chef et au corps des conseillers en matière de rémunération, d'avancement, de promotion ou de représentation, il ne soumettait pas ces corps à des règles identiques en matière d'âge de départ à la retraite ; que, par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel de Paris a jugé que les dispositions de l'article 53 du règlement intérieur excluaient le corps des ingénieurs en chef du bénéfice de la limite d'âge de soixante-cinq ans fixée au 1. de cet article ;

4. Considérant, en second lieu, que la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail a pour objet, en vertu de ses articles 1 et 2, de proscrire les discriminations professionnelles directes et indirectes, y compris les discriminations fondées sur l'âge ; que toutefois, aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la même directive : " (...) les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires (...) " ;

5. Considérant qu'une limite d'âge inférieure au droit commun constitue une différence de traitement selon l'âge affectant les conditions d'emploi et de travail au sens des dispositions précitées des articles 1 et 2 de la directive 2000/78 CE du Conseil du 27 novembre 2000 ; qu'une telle mesure peut cependant être conforme à l'objectif de non discrimination fixé par cette directive si elle est objectivement et raisonnablement justifiée par des objectifs légitimes de politique sociale ou de l'emploi et constitue un moyen approprié et nécessaire pour atteindre ces objectifs ; qu'au nombre de ces objectifs légitimes figure, compte tenu de la marge d'appréciation dont disposent les Etats membres en matière de politique sociale, la politique nationale visant à promouvoir l'accès à l'emploi par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour justifier la fixation de l'âge de départ à la retraite de l'ensemble des fonctionnaires de l'Assemblée, à l'exception des secrétaires généraux, directeurs généraux, directeurs de service et conseillers, à soixante-deux ans, l'Assemblée nationale a fait valoir que cette limite d'âge avait pour objectif de renouveler ses personnels par l'embauche de jeunes fonctionnaires ; qu'en jugeant, d'une part, qu'un tel objectif justifiait objectivement et raisonnablement une différence de traitement fondée sur l'âge et, d'autre part, que la mesure de limite d'âge en cause était nécessaire et proportionnée, dès lors notamment qu'elle était accompagnée d'un dispositif permettant d'en atténuer les effets en faveur des agents parents d'au moins trois enfants à l'âge de cinquante ans et des agents recrutés après l'âge de quarante cinq ans ne remplissant pas les conditions pour obtenir une pension, lesquels pouvaient bénéficier d'un report de l'âge de départ à la retraite d'une à trois années selon les cas, la cour n'a pas, compte tenu de la marge d'appréciation dont disposait l'Assemblée nationale dans la définition et la mise en oeuvre de sa politique sociale, commis d'erreur de droit ; que la circonstance que la limite d'âge ait été repoussée à soixante-cinq ans pour l'ensemble des fonctionnaires de l'Assemblée nationale à compter du 1er janvier 2013 n'est pas de nature à remettre en cause le caractère nécessaire et proportionné de cette mesure à la date de la décision attaquée ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la limite d'âge applicable aux fonctionnaires de l'Assemblée nationale était justifiée au regard des dispositions du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 27 novembre 2000 et qu'elle était, dès lors, compatible avec son objectif de non discrimination en fonction de l'âge ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faite droit aux conclusions présentées au même titre par l'Assemblée nationale ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 2. Les conclusions présentées par l'Assemblée nationale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au Président de l'Assemblée nationale.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème ssr
Numéro d'arrêt : 383836
Date de la décision : 25/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jan. 2016, n° 383836
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Dieu
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:383836.20160125
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