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13/01/2016 | FRANCE | N°381321

France | France, Conseil d'État, 4ème ssjs, 13 janvier 2016, 381321


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 février 2010 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville autorisant la société Nagra France à la licencier. Par un jugement n° 1007104 du 21 décembre 2011, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12PA00874 du 7 avril 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire

complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 j...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 février 2010 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville autorisant la société Nagra France à la licencier. Par un jugement n° 1007104 du 21 décembre 2011, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12PA00874 du 7 avril 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 juin, 16 septembre 2014 et les 9 avril et 16 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Nagra France la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Pannier, auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme A...et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la société Nagra France ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 25 août 2009, l'inspectrice du travail de la section 15B de Paris a autorisé la société Nagra France à licencier pour faute MmeA..., salariée protégée ; que, saisi d'un recours hiérarchique par MmeA..., le ministre chargé du travail a, par une décision du 17 février 2010, annulé la décision du 25 août 2009 pour insuffisance de motivation et accordé l'autorisation demandée ; que le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cette décision par un jugement du 21 décembre 2011 ; que Mme A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 avril 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre ce jugement ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Sur la procédure de consultation du comité d'entreprise :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2323-4 du code du travail, dans sa version alors en vigueur : " Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations " ; qu'après avoir estimé, par une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation, que les circonstances dans lesquelles le comité d'entreprise avait été informé des trois motifs invoqués par la société pour demander le licenciement de Mme A...lui avaient permis d'exprimer son avis en toute connaissance de cause, la cour administrative d'appel a pu, sans erreur de droit, en déduire que les dispositions de l'article L. 2323-4 du code du travail n'avaient pas été méconnues ;

Sur la procédure conduite par l'administration :

4. Considérant qu'en application de l'article R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ; que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément à ces dispositions impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ;

5. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêt attaqué que la note adressée par l'employeur à l'inspecteur du travail le 7 août 2009, après la demande d'autorisation de licenciement, comportait uniquement la copie d'un courriel envoyé à neuf reprises par Mme A... à son supérieur hiérarchique et lui réclamant le versement d'une prime exceptionnelle ; qu'en ayant relevé, de manière suffisamment motivée, que cette note recueillie par l'inspecteur du travail au cours de la procédure d'instruction était sans rapport avec les griefs fondant la demande de licenciement, la cour administrative d'appel a pu, sans erreur de droit, en déduire que la procédure préalable n'avait pas été viciée par l'absence de communication de cette note à l'intéressée ;

6. Considérant que si Mme A...soutenait plus généralement, devant la cour, qu'elle n'avait pas pu prendre connaissance de l'ensemble des éléments produits par son employeur devant l'inspecteur du travail, elle se bornait à invoquer, outre l'absence de communication de la note du 7 août 2009, qu'elle n'avait pas été précisément informée des griefs qui lui étaient faits par l'employeur ; que la cour, qui ne s'est pas méprise sur la portée des écritures devant elle, a donc suffisamment motivé son arrêt en ne se prononçant que sur ces deux points ;

Sur les manquements reprochés à Mme A...:

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juge du fond, notamment des termes mêmes de la décision du 17 février 2010 du ministre chargé du travail, que celui-ci s'est fondé, pour autoriser le licenciement de MmeA..., sur trois griefs tirés d'un manque de diligence dans le suivi d'un dossier, d'une absence irrégulière, et d'un délai excessif dans le remboursement d'un acompte qui lui avait été accordé par son employeur ;

8. Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel a pu, par une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation, estimer que le manquement tiré du manque de diligence de l'intéressée était établi ; que, dès lors qu'elle a jugé que l'ensemble des manquements reprochés à Mme A...était d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en ne se prononçant pas d'office sur le fait de savoir si ce manquement aurait relevé d'une insuffisance professionnelle et non d'une faute ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la cour a pu, sans erreur de droit, se fonder sur un usage existant dans l'entreprise pour juger que le grief tiré du retard de Mme A... à rembourser l'acompte était fautif, sans que le remboursement ultérieur de cette somme soit de nature à priver ce comportement de son caractère fautif ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des termes de l'arrêt attaqué et de ce qui a été dit ci-dessus que la cour ne s'est pas fondée sur la seule absence irrégulière de Mme A...pour juger que les faits qui lui étaient reprochés étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que le moyen tiré de ce qu'elle aurait, pour ce motif, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

11. Considérant, enfin, que la cour administrative d'appel n'a pas insuffisamment motivé son arrêt ni commis d'erreur de droit en jugeant que la demande d'autorisation de licenciement était dépourvue de lien avec le mandat ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demandé l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de la société Nagra France qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société Nagra France ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Nagra France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à la société Nagra France.

Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 4ème ssjs
Numéro d'arrêt : 381321
Date de la décision : 13/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jan. 2016, n° 381321
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Pannier
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:381321.20160113
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