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30/12/2015 | FRANCE | N°374506

France | France, Conseil d'État, 9ème ssjs, 30 décembre 2015, 374506


Vu la procédure suivante :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant du commandement émis le 26 mai 2009 par le comptable du Trésor d'Avignon pour avoir paiement de la cotisation d'impôt sur le revenu due au titre de l'année 1994. Par un jugement n° 0902791 du 15 novembre 2010, le tribunal a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 11MA00131 du 8 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours formé contre ce jugement par le ministre délégué, chargé du b

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Par un pourvoi, deux nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enr...

Vu la procédure suivante :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant du commandement émis le 26 mai 2009 par le comptable du Trésor d'Avignon pour avoir paiement de la cotisation d'impôt sur le revenu due au titre de l'année 1994. Par un jugement n° 0902791 du 15 novembre 2010, le tribunal a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 11MA00131 du 8 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours formé contre ce jugement par le ministre délégué, chargé du budget.

Par un pourvoi, deux nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 janvier, 30 juin et 12 décembre 2014 ainsi que le 8 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre délégué, chargé du budget, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son recours devant la cour administrative d'appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat des consorts B...;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite du jugement du 27 mars 1997 par lequel le tribunal de commerce d'Arles a prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise individuelle de M.B..., le comptable du trésor a, le 7 mai 1997, déclaré auprès du mandataire liquidateur les créances constituées des cotisations d'impôt sur le revenu dues au titre des années 1991 à 1994 par M. B..., conjoint de Mme C...jusqu'au prononcé de leur divorce le 11 mai 1998. Le trésorier principal d'Avignon, dont le droit de poursuite individuelle à l'encontre de M. B...était suspendu jusqu'au 22 décembre 2005, date de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire, a délivré à l'encontre de MmeC..., prise en sa qualité de débitrice solidaire de son époux, un premier commandement de payer le 17 février 2004, puis un second le 26 mai 2009, pour avoir paiement de la cotisation d'impôt sur le revenu due au titre de l'année 1994, d'un montant de 89 447,48 euros. Mme C...a été déchargée de l'obligation de payer cette somme par un jugement du tribunal administratif de Nîmes du 15 novembre 2010. Le ministre délégué, chargé du budget, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 novembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son recours dirigé contre ce jugement.

2. L'administrateur des finances publiques ayant signé le pourvoi et le mémoire complémentaire est affecté au bureau chargé du contentieux du recouvrement de la direction générale des finances publiques et a reçu délégation, par un arrêté publié le 28 juin 2013 au Journal officiel de la République française, pour signer tous actes au nom du ministre chargé du budget dans la limite de ses attributions. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu en défense, le pourvoi, qui a été signé par une autorité compétente, est recevable.

3. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part du contribuable et par tous actes interruptifs de la prescription. ". Aux termes de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, dans sa version en vigueur à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. B...: "Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant :/ - à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; (...) Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus. ". Enfin, aux termes de l'article 2244 du code civil, alors applicable et dont la substance est désormais reprise, en ce qui concerne l'effet d'une citation en justice, à l'article 2241 de ce code : " Une citation en justice (...), un commandement ou une saisie (...) interrompent la prescription (...) " et aux termes de l'article 2249 du même code dans sa rédaction alors applicable : " L'interpellation faite (...) à l'un des débiteurs solidaires (...) interrompt la prescription contre tous les autres. ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'alors que le jugement d'ouverture de la procédure collective ne suspend la prescription qu'à l'égard de la personne visée par cette procédure, l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créance au passif d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'un des débiteurs solidaires, qui produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ainsi que le précise désormais l'article 2242 du code civil, s'étend aux autres débiteurs solidaires, pour les impositions au paiement desquelles ils sont solidairement tenus.

5. Selon le paragraphe 152 de l'instruction 12-C-1-98 du 23 mars 1998 publiée le 31 mars 1998 au bulletin officiel des impôts, repris au paragraphe 153 de la documentation administrative de base référencée 12 C-6222, applicable à la date de la réclamation présentée par MmeC... : " Le bénéfice de la suspension ne peut être invoqué que contre les personnes vis-à-vis desquelles la suspension est édictée. Ainsi, le créancier qui bénéficie d'une suspension de prescription parce qu'il est privé du droit d'agir contre son débiteur principal ou l'un de ses codébiteurs, même solidaire, ne peut invoquer la suspension de la prescription à l'égard de la caution ou des autres codébiteurs dès lors qu'il dispose de son droit de poursuite individuelle à leur égard ". Cette interprétation administrative ne vise que les cas de suspension de prescription, et ne peut, par suite, être utilement invoquée que par les personnes vis-à-vis desquelles la suspension a été édictée. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le jugement d'ouverture de la procédure collective à l'encontre de M. B...n'a eu d'effet suspensif de prescription qu'à l'égard de celui-ci, et non de ses codébiteurs solidaires, à l'égard desquels le comptable public disposait d'un droit de poursuite individuelle pendant toute la durée de cette procédure, bien que l'effet interruptif de prescription de la déclaration de créance, qui s'étend aux débiteurs solidaires, ait produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. Il suit de là que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que MmeC..., codébiteur solidaire de M. B..., pouvait utilement se prévaloir de l'instruction précitée, alors que celle-ci ne vise pas les cas d'interruption de prescription à l'égard des codébiteurs solidaires. Le ministre est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que Mme C...ne peut utilement se prévaloir de l'instruction 12-C-1-98 du 23 mars 1998. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur celle-ci pour décharger Mme C...de l'obligation de payer résultant du commandement de payer émis le 26 mai 2009 par le comptable du Trésor d'Avignon.

8. Il appartient toutefois au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme C...devant le tribunal administratif de Nîmes.

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la déclaration de créance effectuée par le comptable du Trésor le 7 mai 1997 a eu pour effet d'interrompre la prescription jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de l'entreprise de M.B..., le 22 décembre 2005, à l'égard de l'ensemble des débiteurs solidaires de celui-ci, la circonstance qu'un commandement de payer ait été émis le 21 février 2004 étant à cet égard indifférente. Il suit de là que la prescription n'était pas acquise à Mme C...lorsque lui a été notifié le commandement de payer émis le 26 mai 2009 par le comptable du Trésor d'Avignon.

10. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé Mme C...de l'obligation de payer résultant du commandement de payer mentionné au point 9.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 8 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement du 15 novembre 2010 du tribunal administratif de Nîmes sont annulés.

Article 2 : L'obligation de payer résultant du commandement de payer émis le 26 mai 2009 par le comptable du Trésor d'Avignon pour avoir paiement de la cotisation d'impôt sur le revenu due par Mme C...au titre de l'année 1994 est remise à la charge des consortsB....

Article 3 : La demande de Mme C...présentée devant le tribunal administratif de Nîmes et les conclusions présentées par les consorts B...devant le Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et aux consortsB....


Synthèse
Formation : 9ème ssjs
Numéro d'arrêt : 374506
Date de la décision : 30/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2015, n° 374506
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:374506.20151230
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