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23/12/2015 | FRANCE | N°389021

France | France, Conseil d'État, 6ème ssjs, 23 décembre 2015, 389021


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 juillet 2013 du préfet de police refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par un jugement n° 1315224/3-3 du 18 février 2014, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 14PA01311 du 23 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le préfet de police contre ce jugement.

Par un pourvoi, enre

gistré le 27 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 juillet 2013 du préfet de police refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par un jugement n° 1315224/3-3 du 18 février 2014, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 14PA01311 du 23 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le préfet de police contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 27 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Déderen, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeA..., ressortissante ukrainienne entrée sur le territoire en 2005 selon ses déclarations, a sollicité en 2013 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 3 juillet 2013, le préfet de police a opposé un refus à sa demande et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que, saisi par l'intéressée, le tribunal administratif de Paris, par un jugement du 18 février 2014, a annulé cet arrêté ; que le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 janvier 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le préfet de police contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du même code : " (...) la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...). " ;

3. Considérant que, dans le cas où un texte prévoit l'attribution d'un avantage sans avoir défini l'ensemble des conditions permettant de déterminer à qui l'attribuer parmi ceux qui sont en droit d'y prétendre, l'autorité compétente peut, alors qu'elle ne dispose pas en la matière du pouvoir réglementaire, encadrer l'action de l'administration, dans le but d'en assurer la cohérence, en déterminant, par la voie de lignes directrices, sans édicter aucune condition nouvelle, des critères permettant de mettre en oeuvre le texte en cause, sous réserve de motifs d'intérêt général conduisant à y déroger et de l'appréciation particulière de chaque situation ; que, dans ce cas, la personne en droit de prétendre à l'avantage en cause peut se prévaloir, devant le juge administratif, de telles lignes directrices si elles ont été publiées ; qu'en revanche, il en va autrement dans le cas où l'administration peut légalement accorder une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit ; que s'il est loisible, dans ce dernier cas, à l'autorité compétente de définir des orientations générales pour l'octroi de ce type de mesures, l'intéressé ne saurait se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif ;

4. Considérant, s'agissant de la délivrance des titres de séjour, qu'il appartient au législateur, sous réserve des conventions internationales, de déterminer les conditions dans lesquelles les étrangers sont autorisés à séjourner sur le territoire national ; que, si les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissant la délivrance des titres de séjour n'imposent pas au préfet, sauf disposition spéciale contraire, de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui ne remplit pas les conditions auxquelles est subordonné le droit d'obtenir ce titre, la faculté pour le préfet de prendre, à titre gracieux et exceptionnel, une mesure favorable à l'intéressé pour régulariser sa situation relève de son pouvoir d'appréciation de l'ensemble des circonstances de l'espèce ; qu'il est loisible au ministre de l'intérieur, chargé de mettre en oeuvre la politique du Gouvernement en matière d'immigration et d'asile, alors même qu'il ne dispose en la matière d'aucune compétence réglementaire, d'énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation ; que c'est toutefois au préfet qu'il revient, dans l'exercice du pouvoir dont il dispose, d'apprécier dans chaque cas particulier, compte tenu de l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'étranger, l'opportunité de prendre une mesure de régularisation favorable à l'intéressé ;

5. Considérant qu'en dehors des cas où il satisfait aux conditions fixées par la loi, ou par un engagement international, pour la délivrance d'un titre de séjour, un étranger ne saurait se prévaloir d'un droit à l'obtention d'un tel titre ; que s'il peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que la décision du préfet, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ;

6. Considérant, par suite, qu'en jugeant, par l'arrêt attaqué, que les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituaient des lignes directrices dont les intéressés pouvaient utilement se prévaloir devant le juge, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

8. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de MmeA... ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 23 janvier 2015 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions de la SCP Waquet, Farge, Hazan présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme B...A....


Synthèse
Formation : 6ème ssjs
Numéro d'arrêt : 389021
Date de la décision : 23/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2015, n° 389021
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Déderen
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:389021.20151223
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