Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux autres mémoires, enregistrés les 24 novembre et 11 décembre 2014 et les 7 janvier et 17 novembre 2015, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 5 août 2014 accordant son extradition aux autorités macédoniennes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à son avocat, la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Chadelat, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. A...;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 novembre 2015, présentée par M. A... ;
1. Considérant que, par le décret attaqué, le Premier ministre a accordé aux autorités macédoniennes l'extradition de M. B...A..., de nationalité macédonienne, pour l'exécution d'un jugement du tribunal de première instance de Kochani le condamnant à la peine de neuf mois d'emprisonnement pour des faits de vols aggravés ;
Sur la légalité externe :
2. Considérant qu'il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué figurant au dossier et certifiée conforme par le secrétaire général du Gouvernement, que le décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par la garde des sceaux, ministre de la justice ; que l'ampliation notifiée à M. A...n'avait pas à être revêtue de ces signatures ;
3. Considérant que le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue par la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Sur la légalité interne :
4. Considérant qu'il résulte tant des principes de l'ordre public français que des conventions internationales signées par la France, qu'en matière pénale une personne condamnée par défaut doit pouvoir obtenir d'être rejugée en sa présence, sauf s'il est établi d'une manière non équivoque qu'elle a renoncé à son droit à comparaître et à se défendre ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'article 398 de la loi de procédure pénale macédonienne prévoit, dans le cas où un prévenu est jugé en son absence à une instance pénale, la possibilité pour celui-ci d'être rejugé contradictoirement si lui-même ou son avocat dépose une demande en ce sens dans l'année où le prévenu a pris connaissance du jugement le condamnant par défaut ; que ce délai, qui n'était pas expiré au jour où la demande d'extradition des autorités macédoniennes a été formée, est suspendu pendant le déroulement de la procédure d'extradition conformément aux stipulations du paragraphe 2 de l'article 3 du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d'extradition, auquel la République de Macédoine est partie ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. A...n'aurait pas la garantie de pouvoir être rejugé doit être écarté ;
5. Considérant qu'en vertu des réserves émises par la France au deuxième alinés de l'article 1er de la convention européenne d'extradition, l'extradition peut être refusée lorsque son exécution risque d'avoir pour la personne réclamée des conséquences d'une extrême gravité notamment eu égard à son état de santé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et, en particulier, pas des certificats médicaux produits tardivement au cours de la procédure d'extradition et imprécis sur le risque individuel couru par M.A..., que l'apnée du sommeil dont souffre l'intéressé, qui est modérée, présenterait un degré de gravité qui l'exposerait à un risque majeur durant la période de neuf mois d'emprisonnement à laquelle il a été condamné ; que, par suite, le Premier ministre n'a pas, en autorisant l'extradition de M.A..., entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de celle-ci sur la situation de l'intéressé ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'extradition exposerait l'intéressé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit aussi être écarté ;
6. Considérant qu'une mesure d'extradition trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition dont la finalité est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France poursuivies à l'étranger pour des crimes ou des délits commis hors du territoire national que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits, alors même qu'elle pourrait affecter de manière suffisamment directe et certaine la situation des enfants mineurs de la personne dont l'extradition est demandée et qui en a la charge effective et continue, et constituer ainsi une décision dans l'appréciation de laquelle son auteur doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant en vertu de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que la circonstance que le fils de M. A..., âgé de seize ans et lourdement handicapé, requière la présence permanente de ses parents, en particulier de son père, n'est pas de nature à faire obstacle à l'extradition de M. A...pour l'exécution de la peine d'emprisonnement à laquelle il a été condamné ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant que l'atteinte qu'une décision d'extradition est susceptible de porter au droit au respect de la vie familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, trouve, en principe, sa justification dans l'intérêt qui s'attache au bon fonctionnement de l'entraide judiciaire internationale auquel participe, par sa nature même, la procédure d'extradition ; qu'en l'espèce, la situation familiale de M.A..., dont la compagne, titulaire d'une carte de séjour temporaire, et les deux enfants vivent en France depuis le mois de mars 2011, n'est pas de nature, malgré les handicaps dont souffre son fils, à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'extradition de l'intéressé ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention susvisée ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret attaqué ; que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.