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02/11/2015 | FRANCE | N°368720

France | France, Conseil d'État, 8ème ssjs, 02 novembre 2015, 368720


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 227 638,25 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'administration de sa demande indemnitaire préalable, en réparation des préjudices que lui a causés le retard mis par le Gouvernement pour prendre le décret nécessaire à l'intégration de certains agents non titulaires du ministère de l'équipement, des transports et du logement dans des corps de fonctionnai

res de catégorie A. Par un jugement n° 0212519 du 22 juin 2006, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 227 638,25 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'administration de sa demande indemnitaire préalable, en réparation des préjudices que lui a causés le retard mis par le Gouvernement pour prendre le décret nécessaire à l'intégration de certains agents non titulaires du ministère de l'équipement, des transports et du logement dans des corps de fonctionnaires de catégorie A. Par un jugement n° 0212519 du 22 juin 2006, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 06PA03105 du 21 juin 2010, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de MmeA..., annulé ce jugement et condamné l'Etat à lui verser la somme de 98 524 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2002, les intérêts échus le 5 novembre 2004 étant capitalisés à cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle pour produire eux-mêmes intérêts.

Par une décision n° 343176 du 26 septembre 2011, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 11PA04379 du 19 mars 2013, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement n° 0212519 du 22 juin 2006 du tribunal administratif de Paris et condamné l'Etat à verser à Mme A...la somme de 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2001, les intérêts échus au 5 novembre 2004 étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 mai, 22 août et 31 octobre 2013 et le 9 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme A...demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

- le décret n° 72-556 du 30 juin 1972 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., qui a été recrutée en 1971 en qualité d'agent contractuel par le ministre de l'équipement, a demandé en 2001 à être indemnisée du préjudice subi du fait de l'abstention prolongée du Gouvernement de prendre les décrets relatifs à la titularisation des agents contractuels prévus par l'article 79 de la loi du 11 janvier 1984 pour l'application de son article 73, et a évalué la somme demandée à la perte de rémunérations, à un excédent de versement de cotisations sociales et à la minoration de sa pension de retraite ; qu'elle a fait appel du jugement du 22 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit versée une somme de 227 638,25 euros ; que, par une décision n° 343176 du 26 septembre 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 21 juin 2010 de la cour administrative d'appel de Paris annulant ce jugement et renvoyé l'affaire devant cette cour ; que Mme A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 22 juin 2006 du tribunal administratif de Paris, condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2001 au titre du préjudice moral subi et rejeté le surplus de sa demande d'indemnisation ;

Sur les motifs de l'arrêt en tant qu'ils portent sur les préjudices résultant de la perte de rémunérations d'activité et du trop-versé de cotisations sociales au titre de la période d'activité :

2. Considérant, en premier lieu, que si la cour administrative d'appel de Paris a relevé que Mme A...avait occupé des responsabilités au sein des différents services déconcentrés du ministère de l'équipement, des transports et du logement et avait été classée dès le 11 décembre 1992, dans le 4ème échelon de la catégorie exceptionnelle du règlement intérieur national institué par une décision du 18 mars 1992, alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'elle avait exercé ses fonctions au sein de différentes administrations centrales du ministère et été promue au 4ème échelon de la catégorie exceptionnelle des contractuels dès le 1er janvier 1990, ces inexactitudes matérielles sont sans incidences sur l'appréciation par la cour de la perte de chance de Mme A...d'être titularisée dès le 1er janvier 1987 et d'accéder au grade d'administrateur civil le 1er septembre 2007 ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'en se fondant, pour apprécier la perte de chance de Mme A...d'être titularisée puis promue, sur les durées moyennes de promotion aux grades d'attaché principal puis d'administrateur civil ainsi que sur la manière de servir de l'intéressée, la cour, qui a porté sur ces circonstances une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en particulier, en relevant les fonctions de chef de bureau occupées par la requérante entre 1992 et 2001, elle n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis desquelles il ressortait qu'elle avait occupé des fonctions de chef de bureau dans d'autres directions dès 1987 ; qu'enfin, elle n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en ne retenant pas que Mme A... aurait pu être promue au grade d'administrateur civil dès 1997 en application de l'article 6 du décret du 30 juin 1972 relatif au statut des administrateurs civils, eu égard au caractère exceptionnel des promotions prévues par ces dispositions ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la cour administrative d'appel de Paris n'était, en tout état de cause, tenue ni de répondre à l'argument de Mme A...au soutien du moyen contestant la reconstitution de sa carrière présentée par l'administration, tiré de ce qu'il était possible de passer au grade d'attachée principale de 1ère classe après seulement deux années d'ancienneté au 7ème échelon du 2ème grade, ni de se fonder sur les statistiques produites par la requérante dont il n'apparait pas au demeurant qu'elle ne les a pas prises en compte ;

Sur les motifs de l'arrêt en ce qu'ils portent sur le préjudice résultant de la minoration du montant de la pension de retraite :

5. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 89 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 que lorsque la durée d'assurance est supérieure au nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum et que le fonctionnaire a atteint l'âge de soixante ans, le nombre de trimestres pris en compte pour calculer le coefficient de majoration est déterminé, s'agissant des trimestres décomptés avant le 1er janvier 2009, en appliquant la règle de l'arrondi à l'entier énoncée dans le troisième alinéa du III de l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite en vigueur jusqu'au 31 décembre 2008 et, s'agissant des trimestres décomptés à partir du 1er janvier 2009, en appliquant la règle des trimestres entiers résultant de la modification introduite à partir de cette date par l'article 89 de la loi du 17 décembre 2008 ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...a atteint l'âge de soixante ans en 2007 et été admise à la retraite le 1er octobre 2011 ; qu'ainsi, en jugeant que le pourcentage de retraite après application du coefficient de majoration auquel avait droit Mme A...était de 84 %, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'arrêt du 19 mars 2013 de la cour administrative d'appel de Paris doit être annulé en tant seulement qu'il rejette les conclusions de Mme A...tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la minoration du montant de sa pension de retraite ;

7. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée ;

8. Considérant que Mme A...perçoit, depuis le 1er octobre 2011, date de son départ à la retraite, une retraite mensuelle globale de 3 723,53 euros brut ; qu'il résulte de l'instruction qu'en retenant, d'une part, l'hypothèse de rémunération la plus favorable pour Mme A..., si elle avait été titularisée au grade d'attaché d'administration le 1er janvier 1987 puis promue au grade d'attaché principal le 1er juillet 1995 et au grade d'administrateur civil le 1er septembre 2007, soit un indice nouveau majoré à 821 correspondant à un traitement brut de 3 801 euros, d'autre part, le pourcentage de pension de retraite après application du coefficient de majoration de 96,75 % dont se prévaut la requérante, celle-ci aurait perçu une pension de retraite d'un montant brut mensuel qui n'aurait pas pu excéder 3 677,47 euros ; que, dans ces conditions, Mme A...n'a, en tout état de cause, subi aucun préjudice au titre de sa retraite ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la minoration du montant de sa pension de retraite ;

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 4 de l'arrêt du 19 mars 2013 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A...tendant à ce qu'elle soit indemnisée du préjudice résultant de la minoration du montant de sa pension de retraite.

Article 2 : Les conclusions de la requête de Mme A...présentées devant la cour administrative d'appel de Paris tendant à ce qu'elle soit indemnisée du préjudice résultant de la minoration du montant de sa pension de retraite sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A...est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A...et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 8ème ssjs
Numéro d'arrêt : 368720
Date de la décision : 02/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 nov. 2015, n° 368720
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Etienne de Lageneste
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:368720.20151102
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