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23/10/2015 | FRANCE | N°361383

France | France, Conseil d'État, 3ème ssjs, 23 octobre 2015, 361383


Vu la procédure suivante :

La société Sodiaal International, qui vient aux droits de la société Sodiaal Industrie, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 juillet 2007 par laquelle l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (Oniep) lui a réclamé le reversement d'une somme de 288 051,14 euros correspondant au montant d'une aide communautaire indûment perçue. Par un jugement n° 0720261 du 11 février 2010, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Par un arrêt du n° 10PA01750 du 29 mai

2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel que l'établi...

Vu la procédure suivante :

La société Sodiaal International, qui vient aux droits de la société Sodiaal Industrie, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 juillet 2007 par laquelle l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (Oniep) lui a réclamé le reversement d'une somme de 288 051,14 euros correspondant au montant d'une aide communautaire indûment perçue. Par un jugement n° 0720261 du 11 février 2010, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Par un arrêt du n° 10PA01750 du 29 mai 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel que l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venant aux droits de l'Oniep, a formé contre ce jugement.

Par une décision du 28 mai 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi enregistré sous le numéro 361383 présenté pour FranceAgriMer et tendant à l'annulation de cet arrêt, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question de savoir si les dispositions du quatrième alinéa de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988/95, en vertu desquelles la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sous réserve du cas de suspension de la procédure administrative conformément à l'article 6, paragraphe 1 de ce règlement, s'appliquent exclusivement dans l'hypothèse où l'autorité compétente n'a prononcé aucune sanction, au sens de l'article 5 du règlement, à l'expiration d'un délai égal au double du délai de prescription, ou si elles s'appliquent aussi dans l'hypothèse de l'absence de mesure administrative, au sens de l'article 4 du règlement, prise dans ce délai.

Par un arrêt n° C-383/14 en date du 3 septembre 2015, la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur cette question.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CEE) n° 2921/90 de la Commission du 10 octobre 1990 ;

- le règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Sodiaal industrie ;

1. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Sodiaal Industrie a bénéficié, au cours de l'année 1998, de l'aide communautaire pour la fabrication de caséinates, dans les conditions prévues par le règlement (CEE) n° 2921/90 de la Commission du 10 octobre 1990. Un contrôle réalisé au cours de l'année 2001 par des agents de l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole ayant révélé des écarts entre les quantités de caséinates pour lesquelles la société a bénéficié de l'aide et les quantités effectivement fabriquées, le directeur de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (Oniep) a demandé à la société Sodiaal Industrie, par une décision du 11 juillet 2007, le reversement d'une somme de 288 051,14 euros correspondant au montant de l'aide indûment perçue. Par un jugement du 11 février 2010, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société Sodiaal International, venue aux droits de la société Sodiaal Industrie, tendant à l'annulation de cette décision et du rejet de son recours gracieux. L'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), qui vient aux droits de l'Oniep, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il a interjeté de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 1er du règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du 18décembre 1995 : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1 (...) / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. / Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans le cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6 paragraphe 1. / (...) 3. Les Etats membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2 ". Aux termes de l'article 4 du même règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : / - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus, / - par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l'appui de la demande d'un avantage octroyé ou lors de la perception d'une avance. / 2. L'application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l'avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d'intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire. / (...) 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " Les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire aux sanctions administratives suivantes : / a) le paiement d'une amende administrative ; / b) le paiement d'un montant excédant les sommes indûment perçues ou éludées, augmentées, le cas échéant, d'intérêts (...) ; / c) la privation totale ou partielle d'un avantage octroyé par la réglementation communautaire (...) ; / d) l'exclusion ou le retrait du bénéfice de l'avantage pour une période postérieure à celle de l'irrégularité ; / e) le retrait temporaire d'un agrément ou d'une reconnaissance nécessaire à la participation à un régime d'aide communautaire ; / f) la perte d'une garantie ou d'un cautionnement constitué aux fins du respect des conditions d'une réglementation ou la reconstitution du montant d'une garantie indûment libérée ; / g) d'autres sanctions à caractère exclusivement économique, de nature et de portée équivalente, prévues dans les réglementations sectorielles (...) ".

3. Dans l'arrêt du 3 septembre 2015 par lequel elle s'est prononcée sur la question dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le délai de prescription " butoir " fixé par l'article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 2988/95, est applicable non seulement aux poursuites d'irrégularités conduisant à l'application de sanctions administratives au sens de l'article 5 de ce règlement, mais aussi aux poursuites conduisant à l'adoption de mesures administratives, au sens de l'article 4 du même règlement. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient FranceAgriMer, la cour administrative d'appel de Paris n'a commis aucune erreur de droit en jugeant que les dispositions du règlement n° 2988/95 relatives au délai de prescription " butoir " trouvaient en l'espèce à s'appliquer à la poursuite par FranceAgriMer de l'irrégularité commise par la société Sodiaal Industrie en vue de l'adoption d'une mesure administrative de reversement de l'aide indûment perçue.

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Sodiaal International qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 3 000 euros à verser à la société Sodiaal International au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de FranceAgriMer est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Sodiaal International sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), à la société Sodiaal International et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement.


Synthèse
Formation : 3ème ssjs
Numéro d'arrêt : 361383
Date de la décision : 23/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2015, n° 361383
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:361383.20151023
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