Vu les procédures suivantes :
La SCI Casa di Fiori a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Bonifacio à lui verser, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes résultant, d'une part, de la délivrance de renseignements d'urbanisme incomplets et, d'autre part, de l'édiction d'un plan local d'urbanisme et de la délivrance d'un permis de construire illégales, une somme de 2 863 451,61 euros au titre des frais d'acquisition de la parcelle restée à sa charge, une somme de 83 241,60 euros au titre des frais d'architecte, une somme de 204 307,98 euros au titre de travaux et une somme de 17 160,62 euros au titre des travaux mis en oeuvre par un paysagiste. Par un jugement n° 0900573 du 15 juillet 2010, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 10MA03600 du 14 février 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur la requête de la SCI Casa di Fiori, réformé partiellement le jugement du tribunal administratif de Bastia et condamné la commune de Bonifacio à lui verser une indemnité de 222 863,62 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2009, capitalisés à compter du 21 juin 2010, en réparation des préjudices résultant de la délivrance d'un permis de construire illégal, et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
1° Sous le n° 367604, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 11 avril et 9 juillet 2013, la SCI Casa di Fiori demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bonifacio une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 367999, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 22 avril et 24 juillet 2013, la commune de Bonifacio demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 1er de l'arrêt n° 10MA03600 du 14 février 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille ;
2°) de mettre à la charge de la SCI Casa di Fiori une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Delamarre, avocat de la SCI Casa di Fiori et à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Bonifacio ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI Casa di Fiori a acquis, le 19 décembre 2006, un terrain situé sur la commune de Bonifacio comportant une construction individuelle d'une surface de 90 m² à usage d'habitation, inachevée au stade du gros oeuvre ; que, préalablement à cette acquisition, la commune de Bonifacio lui avait délivré, le 1er décembre 2006, une note de renseignement d'urbanisme indiquant que ce terrain était, en vertu du plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 13 juillet 2006, classé en zone NL 2, constructible ; que, par un arrêté du 25 septembre 2007, le maire de la commune de Bonifacio a délivré à la SCI un permis de construire pour la réalisation d'une construction à usage d'habitation d'une surface hors oeuvre nette totale de 804 m² ; que, par un arrêt du 25 juillet 2008, le Conseil d'Etat a suspendu l'exécution de cet arrêté ; que, par un jugement du 9 octobre 2008 devenu définitif, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté, au motif qu'il méconnaissait les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme qui imposent, dans les communes littorales, une extension de l'urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants ou en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ; que, par un arrêt du 21 mai 2010, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé la délibération du 13 juillet 2006 par laquelle la commune de Bonifacio a approuvé son plan local d'urbanisme, notamment en tant que ce plan classe en zone constructible le secteur dans lequel est situé le terrain acquis par la SCI ; que, par un jugement du 15 juillet 2010, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de la SCI tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes de la commune résultant, d'une part, de la délivrance de renseignements d'urbanisme ne mentionnant aucune limitation du droit de construire sur le terrain qu'elle souhaitait acquérir, et, d'autre part, de l'illégalité du plan local d'urbanisme et du permis de construire qui lui avait été délivré ; que, par un arrêt du 14 février 2013 contre lequel la SCI et la commune de Bonifacio se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille, réformant le jugement du tribunal administratif de Bastia, a condamné la commune à verser à la SCI la somme de 222 863,62 euros, au titre des frais et honoraires d'architecte, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de la SCI ;
2. Considérant que les pourvois de la SCI Casa di Fiori et de la commune de Bonifacio sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le terrain acquis par la SCI est situé dans une commune littorale dans laquelle sont applicables, en vertu de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, des restrictions particulières aux droits à construire ; que le terrain, dont le maire de la commune était l'un des vendeurs, avait été rendu constructible par le plan local d'urbanisme approuvé moins de six mois avant la vente ; que le contrat de vente exonérait le vendeur de tout risque en cas d'impossibilité de construire et plaçait l'acquéreur dans l'impossibilité d'agir, le cas échéant, contre le vendeur ; que, dans ces conditions, et eu égard aux éléments d'incertitude affectant la légalité du plan local d'urbanisme et du permis de construire délivré, en estimant que la SCI n'avait commis aucune imprudence susceptible d'exonérer partiellement ou totalement la commune de sa responsabilité dans la survenance des dommages qu'elle a subis, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle soulève, la commune de Bonifacio est dès lors fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant que la note de renseignement d'urbanisme, remise le 1er décembre 2006 à la SCI, indiquait que le plan local d'urbanisme de la commune de Bonifacio avait classé le terrain en zone NL 2 constructible ; qu'eu égard à son objet, un tel document n'avait pas à mentionner l'existence de recours contentieux formés contre le plan local d'urbanisme ; que, dès lors, la SCI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la commune n'avait commis aucune faute en ne mentionnant pas, dans cette note de renseignement, l'existence d'un recours contentieux formé le 22 septembre 2006 contre le plan local d'urbanisme ;
6. Considérant, en revanche, que, par une délibération du 13 juillet 2006 approuvant le plan local d'urbanisme, la commune de Bonifacio a classé le secteur côtier, où se trouvait le terrain litigieux, en zone NL, en méconnaissance des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que, par suite, le permis de construire délivré à la SCI Casa di Fiori le 25 septembre 2007 se trouvait entaché d'illégalité ; que ces deux illégalités, qui ont été respectivement censurées par un arrêt du 21 mai 2010 de la cour administrative de Marseille et un jugement, devenu définitif, du tribunal administratif de Bastia du 9 octobre 2008, constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard des préjudices qu'elles auraient directement causés à la SCI ;
7. Considérant, toutefois, que compte tenu des circonstances rappelées au point 3, il ressort des pièces du dossier que la SCI a fait preuve d'une particulière imprudence dans la réalisation de son projet immobilier, eu égard notamment, au contrat de vente qu'elle a conclu, qui ne comportait aucune clause résolutoire, et à la situation du terrain d'assiette du permis de construire ; que, par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, la conduite de la SCI est de nature à exonérer entièrement la commune de sa responsabilité ; que, dès lors, la SCI Casa di Fiori n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Bonifacio qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Casa di Fiori la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 14 février 2013 est annulé.
Article 2 : La requête de la SCI Casa di Fiori devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.
Article 3: La SCI Casa di Fiori versera à la commune de Bonifacio une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la SCI Casa di Fiori au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SCI Casa di Fiori, à la commune de Bonifacio et à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.