Vu la procédure suivante :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité du 26 septembre 2008 autorisant l'Union de groupement des achats publics (UGAP) à procéder à son licenciement. Par un jugement n° 0808736-1 du 18 mars 2011, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 11PA02572 du 4 octobre 2012, la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de MmeB..., annulé ce jugement et cette décision.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 4 décembre 2012, 4 mars 2013 et 12 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'UGAP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme B...;
3°) de mettre à la charge de Mme B...le versement d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative, notamment son article R. 771-2 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de l'Union de groupement des achats publics et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme B...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre d'un projet de licenciement collectif pour motif économique, l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) a élaboré le 28 juillet 2005 un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'à la suite de l'annulation de ce plan, prononcée à la demande du comité d'entreprise de l'UGAP par un jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 19 janvier 2006, et confirmée par un arrêt du 11 janvier 2007 de la cour d'appel de Paris, un protocole transactionnel a été conclu le 28 juin 2007 entre l'employeur et le comité d'entreprise de l'UGAP, prévoyant la renonciation par ce dernier au bénéfice de l'annulation contentieuse en contrepartie d'une modification, par l'employeur, de son plan de sauvegarde de l'emploi afin qu'il intègre les termes d'un accord collectif d'entreprise du 27 juin 2007 ; qu'en application du plan de sauvegarde de l'emploi issu de ce protocole, l'UGAP a demandé à l'autorité administrative l'autorisation de licencier MmeB..., salariée protégée ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de MmeB..., annulé l'autorisation accordée le 26 septembre 2008 par le ministre chargé du travail ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient, notamment, à l'administration de contrôler, le cas échéant, la régularité de la procédure de consultation prévue aux articles L. 2323-15 et L. 1233-30 du code du travail ainsi que celle de la consultation des représentants du personnel sur le licenciement du salarié en cause ;
3. Considérant que, pour annuler la décision litigieuse, la cour administrative d'appel s'est fondée sur l'irrégularité de la procédure de licenciement de MmeB..., au motif que le plan de sauvegarde de l'emploi qui reprenait les termes de l'accord du 27 juin 2007 devait être regardé, non comme une modification apportée au plan initial mais comme un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi et que, dès lors, la procédure de licenciement ayant abouti à la décision attaquée aurait dû être intégralement reprise et faire l'objet d'au moins deux réunions du comité d'entreprise au titre de l'article L. 321-3 du code du travail alors en vigueur, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 1233-30 ;
4. Considérant, toutefois, que tant la question de savoir si le protocole transactionnel du 28 juin 2007 pouvait valablement autoriser l'UGAP à apporter des modifications à un plan de sauvegarde de l'emploi précédemment annulé que, dans le cas d'une réponse affirmative à cette première question, la question de savoir si ces modifications dont le contenu avait été fixé par l'accord collectif du 27 juin 2007 revêtaient effectivement le caractère de simples modifications ou conféraient en réalité au document qui en était issu le caractère d'un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi, soulevaient en l'espèce des contestations sérieuses, relevant de la seule compétence du juge judiciaire ; que ces contestations, qu'aucune jurisprudence établie n'était de nature à permettre de trancher, commandaient la solution du litige soumis à la cour administrative d'appel ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'UGAP est fondée à soutenir qu'en s'abstenant de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si les stipulations du protocole du 27 juin 2007 constituaient, ou non, de simples modifications du plan de sauvegarde de l'emploi du 28 juillet 2005, la cour administrative d'appel a méconnu sa compétence ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
7. Considérant qu'à l'appui de son appel, Mme B...fait appel du jugement du 18 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 septembre 2008 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a autorisé son licenciement ; qu'elle soutient que l'UGAP avait l'obligation de reprendre l'intégralité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement collectif, à la suite de l'annulation contentieuse du plan de sauvegarde de l'emploi par l'arrêt du 11 janvier 2007 de la cour d'appel de Paris ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, l'appréciation du bien-fondé de ce moyen dépend, d'une part, du point de savoir si le protocole transactionnel du 28 juin 2007 a pu valablement modifier le plan de sauvegarde de l'emploi annulé par le juge judiciaire et, d'autre part, dans l'affirmative, du point de savoir si les modifications ainsi introduites, définies dans l'accord collectif du 27 juin 2007, peuvent être effectivement regardées comme de simples modifications de ce plan ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle " ;
9. Considérant que, eu égard au caractère sérieux de la contestation soulevée, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de surseoir à statuer sur la requête de Mme B...tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question préjudicielle ;
10. Considérant qu'il y a également lieu de surseoir à statuer sur les conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 4 octobre 2012 est annulé.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de Mme B...dirigée contre le jugement du 18 mars 2011 du tribunal administratif de Melun et sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Meaux se soit prononcé sur la validité du protocole transactionnel du 28 juin 2007 et, en cas de validité de ce protocole, ait déterminé si l'accord du 27 juin 2007 doit être regardé comme constitutif d'une simple modification du plan de sauvegarde de l'emploi annulé par l'arrêt du 11 janvier 2007 de la cour d'appel de Paris ou comme un plan de sauvegarde de l'emploi entièrement nouveau.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union de groupement des achats publics, à Mme A... B...et au président du tribunal de grande instance de Meaux.
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.