Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société les Ecoles de Condé SAS, dont le siège est au 23 rue Camille Roy à Lyon (69007) et la société Condé Paris arts appliqués SAS, dont le siège est au 11 rue Biscornet à Paris (75012) demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le Premier ministre rejetant leur demande du 6 mars 2013 tendant à l'abrogation des articles R. 452-10 à R. 452-13 du code du patrimoine.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ;
- le code du patrimoine ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de la société les Écoles de Condé SAS et de la société Condé Paris arts appliqués et métiers d'arts - SAS ;
Considérant ce qui suit :
1. Le décret du 24 mai 2011 relatif à la partie réglementaire du code du patrimoine a introduit dans ce code les articles R. 452-10 à R. 452-13, qui déterminent les conditions dans lesquelles peuvent être reconnues les qualifications professionnelles requises pour procéder à la restauration d'un bien faisant partie des collections des musées de France. La société les Ecoles de Condé SAS et la société Condé Paris arts appliqués et métiers d'art SAS demandent au Conseil d'Etat l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le Premier ministre rejetant leur demande d'abrogation des dispositions de ces articles.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 452-10 du code du patrimoine : " Peuvent procéder à la restauration d'un bien faisant partie des collections des musées de France : / 1° Les personnes titulaires d'un diplôme français à finalité professionnelle dans le domaine de la restauration du patrimoine, délivré après cinq années de formation de l'enseignement supérieur spécialisée dans le même domaine, soit conférant le grade de master, soit répondant à des conditions définies par un arrêté du ministre chargé de la culture. Dans ce second cas, un arrêté du ministre chargé de la culture constate la conformité du diplôme à ces conditions, après avis d'une commission scientifique ; (...) ". La circonstance que l'arrêté d'application prévu par les dispositions de cet article n'a pas encore, à ce jour, été pris par le ministre chargé de la culture est sans influence sur la légalité de celles-ci.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 de la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles : " 1. Lorsque, dans un État membre d'accueil, l'accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession de qualifications professionnelles déterminées, l'autorité compétente de cet État membre accorde l'accès à cette profession et son exercice dans les mêmes conditions que pour les nationaux aux demandeurs qui possèdent l'attestation de compétences ou le titre de formation qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l'y exercer. / Les attestations de compétences ou les titres de formation doivent remplir les conditions suivantes: / a) avoir été délivrés par une autorité compétente dans un État membre, désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet État; b) attester d'un niveau de qualification professionnelle au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui exigé dans l'État membre d'accueil, tel que décrit à l'article 11 (...) ". Aux termes de l'article R. 452-11 du code du patrimoine : " Peuvent également procéder à la restauration d'un bien faisant partie des collections des musées de France, pour des prestations effectuées dans le cadre d'un établissement en France, les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui sont titulaires ou attestent : 1° D'un diplôme sanctionnant une formation de l'enseignement supérieur d'une durée minimale de trois ans, délivré par les autorités compétentes d'un Etat membre ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, autre que la France, qui réglemente l'accès à l'activité de restauration des biens de collections de musées d'intérêt général ou son exercice, et permettant d'exercer légalement cette activité dans cet Etat ; 2° D'un titre de formation délivré par un Etat tiers, qui a été reconnu dans un Etat membre ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen et qui leur a permis d'exercer légalement l'activité de restauration de biens de collections de musées d'intérêt général dans cet Etat pendant une période minimale de trois ans, à condition que cette expérience professionnelle soit certifiée par l'Etat dans lequel elle a été acquise ; (...) / Dans les cas prévus au présent article, l'intéressé adresse au ministre chargé de la culture une demande de reconnaissance de ses qualifications professionnelles. Si, au cours de l'instruction de cette demande, apparaissent des différences substantielles entre sa formation et celle requise en France, le ministre vérifie que les connaissances qu'il a acquises au cours de son expérience professionnelle sont de nature à combler, en tout ou en partie, ces différences. Si tel n'est pas le cas, le ministre peut, après avis de la commission scientifique mentionnée au 1° de l'article R. 452-10, soumettre le demandeur à une mesure de compensation, consistant, au choix de ce dernier, soit en un stage d'adaptation, soit en une épreuve d'aptitude. ". Aux termes de l'article R. 452-13 du même code : " La composition et les modalités de fonctionnement de la commission scientifique mentionnée aux articles R. 452-10 et R. 452-11 sont fixées par voie réglementaire. La procédure d'instruction des demandes visées aux articles R. 452-10 et R. 452-11, le déroulement et le contenu du stage d'adaptation et de l'épreuve d'aptitude visés au cinquième alinéa de l'article R. 452-11 ainsi que le contenu et les modalités de dépôt de la déclaration visée à l'article R. 452-12 sont fixés par arrêté du ministre chargé de la culture " ;
4. D'une part, il résulte de ces dispositions que la mise en place de la procédure de reconnaissance de la qualification professionnelle des ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen est subordonnée à l'édiction d'arrêtés d'application. Le moyen tiré de ce que les articles R. 452-11 et R. 452-12 du code du patrimoine introduiraient une rupture d'égalité au détriment des personnes titulaires d'un diplôme français à finalité professionnelle dans le domaine de la restauration du patrimoine manque donc en fait, dès lors que les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen visés à l'article R. 452-11 du code du patrimoine pourraient exercer en France et procéder à la restauration d'un bien faisant partie des collections des musées de France sans avoir à attendre la publication d'un arrêté d'application. Dès lors, ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
5. D'autre part, les dispositions du 1° de l'article R. 452-11 subordonnent la possibilité pour les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, à titre principal, conformément au a. du 1 de l'article 13 de la directive du 7 septembre 2005, à la condition que ces personnes soient titulaires d'un diplôme délivré par les autorités compétentes d'un Etat membre ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui permettent d'exercer légalement cette activité dans cet Etat, tout en prévoyant, à titre de subsidiaire, conformément au b. du 1 du même article de la directive, qu'un tel diplôme sanctionne une formation de l'enseignement supérieur d'une durée " minimale " de trois ans. Elles n'ont ainsi ni pour objet, ni pour effet d'exiger que la durée de formation requise pour la reconnaissance de la qualification professionnelle aux personnes ayant obtenu un diplôme dans ces Etats soit nécessairement d'une durée moindre que celle de cinq ans prévue pour la délivrance, en France, du diplôme permettant de procéder à la restauration d'un bien faisant partie des collections des musées de France. Il en résulte que le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité ne peut qu'être écarté. Il en va de même de celui tiré de la méconnaissance des règles de la libre concurrence, qui n'est d'ailleurs assorti d'aucune autre précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre de la culture et de la communication, la société les Ecoles de Condé SAS et la société Condé Paris arts appliqués et métiers d'art SAS ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de faire droit à leur demande d'abrogation des dispositions R. 452-10 à R. 452-13 du code du patrimoine.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société les Ecoles de Condé SAS et la société Condé Paris arts appliqués et métiers d'art SAS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société les Ecoles de Condé SAS, à la société Condé Paris arts appliqués et métiers d'art SAS, à la ministre de la culture et de la communication et au Premier ministre.