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27/07/2015 | FRANCE | N°385862

France | France, Conseil d'État, 10ème ssjs, 27 juillet 2015, 385862


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a, par une décision du 23 juillet 2014, rejeté le compte de campagne de M. B... A..., élu maire de la commune de Mahina (Polynésie française) à l'issue des élections municipales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014.

Par un jugement n° 1400395 du 21 octobre 2014, le tribunal administratif de la Polynésie française a déclaré M. A...inéligible pour une durée de dix-huit mois et a annulé l'élection de ce dernier en qualité de conseiller munici

pal et de maire de la commune de Mahina.

Par une requête et un mémoire complé...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a, par une décision du 23 juillet 2014, rejeté le compte de campagne de M. B... A..., élu maire de la commune de Mahina (Polynésie française) à l'issue des élections municipales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014.

Par un jugement n° 1400395 du 21 octobre 2014, le tribunal administratif de la Polynésie française a déclaré M. A...inéligible pour une durée de dix-huit mois et a annulé l'élection de ce dernier en qualité de conseiller municipal et de maire de la commune de Mahina.

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 novembre et le 22 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral, notamment ses articles L. 52-8 et L. 118-3 ;

- la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. B...A...;

Considérant ce qui suit :

Sur la méconnaissance de l'article L. 52-8 du code électoral :

1. Aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral : " (...) Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués (...) ". Le troisième alinéa de l'article L. 52-15 du même code dispose que lorsque la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) " [...] a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales [...] ", elle saisit le juge de l'élection.

2. Eu égard à l'objet de la législation relative, d'une part, à la transparence financière de la vie politique, d'autre part, au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assignée un but politique ne peut être regardée comme un " parti ou groupement politique " au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8, 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, ou si elle s'est soumise aux règles fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de ne recueillir des fonds que par l'intermédiaire d'un mandataire qui peut être, soit une personne physique dont le nom est déclaré à la préfecture, soit une association de financement agréée par la CNCCFP.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'association IA TURA O MAHINA, déclarée sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 auprès du haut-commissariat de la République en Polynésie française le 27 juillet 2010 par son président, M.A..., et dont l'objet est, notamment, de " préparer une nouvelle génération d'hommes et de femmes intègres qui auront pour seul intérêt le bien-être des citoyens de Mahina ", ne peut être regardée comme un " parti ou groupement politique " au sens des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral. En effet, d'une part, cette association n'a pas perçu de financement public au titre des articles 8 à 9-1 de la loi du 11 mars 1988. D'autre part, elle n'a pas davantage mandaté une personne physique ou association de financement agréée pour recueillir des fonds, sans que puisse avoir une quelconque incidence la seule circonstance que deux commissaires aux comptes auraient certifié les comptes de l'association arrêtés au 31 décembre 2013.

4. En second lieu, il résulte également de l'instruction que l'association IA TURA O MAHINA a consenti à M.A..., pour le financement de la campagne électorale de la liste éponyme qu'il conduisait lors des élections municipales de 2014, un don de 1 218 500 F CFP qui représente 65 % des recettes déclarées par ce dernier dans son compte de campagne, et 38 % du plafond des dépenses fixé pour le second tour de scrutin dans la commune de Mahina. M. A...a donc méconnu les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral qui font obstacle à ce qu'une personne morale, qui n'est pas un parti ou un groupement politique au sens de ces dispositions, participe au financement de la campagne électorale d'un candidat, entachant son compte d'une irrégularité qui, à elle seule, en justifie le rejet.

Sur l'inéligibilité :

5. L'article L. 118-3 du code électoral dispose en son troisième alinéa qu'en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection prononce l'inéligibilité d'un candidat s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens de ces dispositions, il lui incombe d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré. En cas de manquement aux dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, il lui revient, en outre, de tenir compte de l'importance de l'avantage ou du don irrégulièrement consenti et de rechercher si, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il a été susceptible de porter atteinte, de manière sensible, à l'égalité entre les candidats.

6. Comme il a été dit au point 4., M. A...a bénéficié pour le financement de la campagne électorale de la liste qu'il conduisait, d'un don de 1 218 500 F CFP de la part de l'association IA TURA O MAHINA qui représentait 38 % du plafond des dépenses électorales, contrevenant ainsi, de manière caractérisée, aux dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral qui participent à la transparence et à la régularité du financement des campagnes électorales et présentent un caractère substantiel. Il a ainsi entaché son compte, dans des proportions importantes, d'irrégularité. En sa qualité de président de l'association IA TURA O MAHINA, M.A..., maire sortant candidat tête de liste à sa réélection dans la commune de Mahina, ne pouvait raisonnablement ignorer, ni que cette association ne remplissait pas les conditions posées par l'article L. 52-8 du code électoral pour participer au financement de sa campagne électorale, ni que la circonstance qu'il ait, en tant que candidat, satisfait à l'obligation de désigner un mandataire financier en application de l'article L. 52-4 du même code, était sans incidence sur la mise en oeuvre des dispositions des articles 11 à 11-7 de la loi du 11 mars 1988, ces règles distinctes étant totalement dépourvues d'ambiguïté. Il doit donc être regardé comme ayant commis un manquement délibéré. Compte tenu de l'importance du don irrégulièrement consenti, celui-ci a été de nature à porter atteinte de manière sensible à l'égalité des candidats.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de la Polynésie française l'a déclaré inéligible pour une durée de dix-huit mois et a annulé son élection en qualité de conseiller municipal et de maire de la commune de Mahina.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. A...demande soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, en l'espèce, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête présentée par M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) .

Copie pour information en sera adressée au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 10ème ssjs
Numéro d'arrêt : 385862
Date de la décision : 27/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2015, n° 385862
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Villette
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:385862.20150727
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