La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2015 | FRANCE | N°375641

France | France, Conseil d'État, 3ème ssjs, 19 juin 2015, 375641


Vu la procédure suivante :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Etat à réparer les préjudices nés de la décision du 5 juin 2002 du ministre des affaires sociales de ne pas renouveler son contrat d'inspecteur stagiaire des affaires sanitaires et sociales. Par un jugement n° 0903686 du 23 juin 2011, le tribunal administratif de Montreuil, auquel la demande a été transférée, n'a que partiellement fait droit à ces conclusions.

Par un arrêt n° 11VE03130 du 4 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'a

ppel formé par M. B...contre ce jugement en tant qu'il lui était défavorable...

Vu la procédure suivante :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Etat à réparer les préjudices nés de la décision du 5 juin 2002 du ministre des affaires sociales de ne pas renouveler son contrat d'inspecteur stagiaire des affaires sanitaires et sociales. Par un jugement n° 0903686 du 23 juin 2011, le tribunal administratif de Montreuil, auquel la demande a été transférée, n'a que partiellement fait droit à ces conclusions.

Par un arrêt n° 11VE03130 du 4 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement en tant qu'il lui était défavorable.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février 2014 et 20 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et de prononcer la capitalisation des intérêts à compter du 11 août 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Martinel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. B...;

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat du 12 juin 2001, M. B...a été recruté par le ministre de l'emploi et de la solidarité, à compter du 1er mai 2001, pour occuper un emploi d'inspecteur des affaires sanitaires et sociales et mis à la disposition de l'Ecole nationale de la santé publique pour y suivre la formation d'inspecteur des affaires sanitaires et sociales. Par décision du 5 juin 2002, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ont décidé de ne pas renouveler son contrat d'inspecteur stagiaire des affaires sanitaires et sociales. Cette décision a été annulée par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Paris du 1er juillet 2004. Le ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative a implicitement rejeté la demande de M.B..., présentée le 14 novembre 2008, tendant à la réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité de la décision du 5 juin 2002. Le tribunal administratif de Montreuil, par jugement du 23 juin 2011, a condamné l'Etat à verser à M. B...une indemnité correspondant à la différence, durant la période de son éviction illégale, entre la rémunération à laquelle il pouvait prétendre en tant qu'inspecteur des affaires sanitaires et sociales stagiaire, d'une part, et les rémunérations en qualité de secrétaire administratif et les allocations pour perte d'emploi qu'il avait effectivement perçues, d'autre part, ainsi qu'une indemnité de 2000 euros au titre de son préjudice moral, mais a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel et de carrière résultant de sa non titularisation dès le 1er mai 2003, à l'issue de sa seconde année de stage, dans le corps de l'inspection des affaires sanitaires et sociales. La cour administrative d'appel de Versailles a rejeté, par un arrêt du 4 décembre 2013, l'appel formé par M.B... contre ce jugement, en tant qu'il lui était défavorable.

2. M. B...soutient qu'en refusant de reconnaître l'existence d'un préjudice tiré de la perte de chance sérieuse de titularisation à l'issue de son second stage dans le corps de l'inspection des affaires sanitaires et sociales et de réévaluer la somme que lui a allouée le tribunal administratif en réparation du préjudice moral qu'il a subi ainsi qu'en omettant de se prononcer sur ses conclusions tendant à la réparation des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis, la cour administrative d'appel de Versailles a dénaturé ses écritures d'appel et entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation et d'erreurs de droit.

3. Pour écarter les conclusions d'appel de M. B...relatives à l'indemnisation de la perte de chance qu'il aurait subie, la cour a jugé qu'il n'avait pas demandé à être indemnisé de ce chef de préjudice mais seulement du préjudice financier constitué par la perte des revenus qu'il aurait dû percevoir s'il avait été titularisé dès le 1er mai 2003 et qu'au surplus, la décision du 5 juin 2002 était sans lien avec ce préjudice dès lors qu'il ne pouvait se prévaloir d'aucun droit à être titularisé à l'issue de sa seconde année de stage, et qu'ainsi le caractère certain des préjudices patrimoniaux allégués n'était pas établi.

4. Il ressort cependant des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., en appel comme en première instance, soutenait à l'appui de ses conclusions tendant à la réparation du préjudice de carrière qu'il estime avoir subi, qu'il avait perdu, à raison de la décision du 5 juin 2002, une chance sérieuse d'être titularisé dès le 1er mai 2003 dans le corps de l'inspection des affaires sanitaires et sociales. Il en ressort également que, ces conclusions ayant été rejetées en première instance au motif qu'en l'absence de tout document relatif à l'année de stage 2001/2002, il ne résultait pas de l'instruction qu'il aurait été titularisé à l'issue de sa seconde année de stage, M. B...a produit devant la cour de nombreux éléments, et notamment les évaluations et rapports dont il a fait l'objet au cours de cette année de stage, à l'appui de son argumentation selon laquelle ses chances d'être intégré dès le 1er mai 2003 étaient sérieuses. Dans ces conditions, M. B...est fondé à soutenir que la cour a inexactement interprété ses écritures en jugeant qu'il ne demandait pas l'indemnisation de la perte de chance qu'il avait subie.

5. En revanche en jugeant que les premiers juges avaient fait une juste appréciation du préjudice moral subi par le requérant en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits, exempte de dénaturation, et n'a pas omis de statuer sur des conclusions qu'il aurait présentées en vue de la réparation de troubles dans les conditions d'existence qu'il aurait, par ailleurs, subis du fait de l'illégalité de la décision du 5 juin 2002.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant seulement qu'il statue sur ses conclusions à fin d'indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de chance sérieuse d'être titularisé dès le 1er mai 2003 dans le corps de l'inspection des affaires sanitaires et sociales.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros à M.B....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 4 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B...tendant à la réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance sérieuse d'être titularisé dès le 1er mai 2003 dans le corps de l'inspection des affaires sanitaires et sociales.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. B...au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.


Synthèse
Formation : 3ème ssjs
Numéro d'arrêt : 375641
Date de la décision : 19/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2015, n° 375641
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Agnès Martinel
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375641.20150619
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award