Vu la procédure suivante :
La société MCE 5 Development a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon de juger que la garantie qu'elle a offerte au comptable public du service des impôts des entreprises de Lyon, 3ème arrondissement, était propre à assurer le recouvrement de la créance d'un montant de 8 034 843 euros détenue par le Trésor et devait être acceptée par le comptable. Par une ordonnance n°1407956 du 4 novembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 14LY03504 du 15 décembre 2014, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société MCE 5 Development contre cette ordonnance.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 décembre 2014, 13 janvier 2015 et 10 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société MCE 5 Development demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Mce 5 Development ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / (...) / Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 279 du même livre : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque les garanties offertes par le contribuable ont été refusées, celui-ci peut, dans les quinze jours de la réception de la lettre recommandée qui lui a été adressée par le comptable, porter la contestation, par simple demande écrite, devant le juge du référé administratif, qui est un membre du tribunal administratif désigné par le président de ce tribunal. / Cette demande n'est recevable que si le redevable a consigné auprès du comptable, à un compte d'attente, une somme égale au dixième des impôts contestés. Une caution bancaire ou la remise de valeurs mobilières cotées en bourse peut tenir lieu de consignation. (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société MCE 5 Development a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés d'un montant de 8 034 843 euros, assorties de pénalités d'un montant de 3 213 937 euros ; qu'elle les a contestées en assortissant sa réclamation d'une demande de sursis de paiement en application des dispositions précitées de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ; que le comptable public ayant, par une décision du 1er octobre 2014, refusé les garanties proposées, la société a, en application de l'article L. 279 précité du livre des procédures fiscales, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lyon ; que celui-ci a, par une ordonnance du 4 novembre 2014, rejeté sa demande comme irrecevable faute qu'elle ait consigné auprès du comptable, à un compte d'attente, une somme égale au dixième des impôts contestés ; que, par l'ordonnance attaquée du 15 décembre 2014, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société contre cette ordonnance ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 244 quater B du code général des impôts, les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel bénéficient d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année ; que le premier alinéa du I de l'article 199 ter B du code général des impôts prévoit que ce crédit d'impôt " est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période " ; que, par dérogation à ces dispositions, le II du même article prévoit que : "La créance mentionnée au premier alinéa du I est immédiatement remboursable lorsqu'elle est constatée par l'une des entreprises suivantes : / (...) / 4° Les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (règlement général d'exemption par catégorie). (...) " ; qu'enfin, aux termes du I de l'article 49 septies M de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application des dispositions des articles 199 ter B, 220 B et 244 quater B du code général des impôts, les entreprises souscrivent une déclaration spéciale conforme à un modèle établi par l'administration. Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés déposent cette déclaration spéciale auprès du service des impôts avec le relevé de solde mentionné à l'article 360. (...) " ;
4. Considérant qu'à l'appui de sa contestation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon, la société MCE 5 Development soutenait qu'elle était titulaire d'une créance sur l'Etat, au titre du crédit d'impôt recherche, d'un montant de 1 890 269 euros et que cette créance valait consignation à hauteur du dixième des impositions contestées, soit 803 484 euros ; que le juge des référés de la cour administrative d'appel a écarté cette argumentation en relevant, notamment, que la société n'alléguait pas être au nombre des entreprises mentionnées au II de l'article 199 ter B du code général des impôts pouvant obtenir le remboursement immédiat de leur créance ;
5. Considérant qu'en statuant ainsi alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, notamment de la déclaration souscrite par la société en application de l'article 49 septies M précité de l'annexe III au code général des impôts et de la lettre accompagnant cette déclaration, d'une part, que la société avait adressé à l'administration, le 29 avril 2014, une demande tendant à la "restitution immédiate" du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2013 et non à la restitution du solde de ce crédit d'impôt à l'expiration du délai de trois ans mentionnée au I du même article et, d'autre part, qu'elle avait expressément indiqué, sur le formulaire de déclaration accompagnant cette demande, qu'elle formait cette demande en tant que " PME au sens du droit communautaire ", catégorie qui renvoie aux entreprises visées au 4° du II de l'article 199 ter B du code général des impôts, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon a dénaturé les pièces du dossier ; que la société requérante est, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque ;
6. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société MCE 5 Development ;
7. Considérant qu'il est constant que la société MCE 5 Development n'a pas consigné auprès du comptable, selon l'une des formes prévues par l'article L. 279 précité du livre des procédures fiscales, une somme égale au dixième des impôts contestés ; que la détention d'une créance sur l'Etat, correspondant à un crédit d'impôt restituable, ne saurait valoir consignation au sens et pour l'application de cet article ; que, par suite, la circonstance, invoquée par la société devant le juge des référés, tirée de ce qu'elle serait titulaire d'une créance sur l'Etat au titre du crédit d'impôt recherche ne pouvait conduire à regarder sa demande comme recevable ; qu'il en résulte que la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande comme irrecevable ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon du 15 décembre 2014 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société MCE 5 Development devant le juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société MCE 5 Development et au ministre des finances et des comptes publics.