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01/06/2015 | FRANCE | N°368335

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème ssr, 01 juin 2015, 368335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Loticis a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 septembre 2007 par lequel le maire de la commune de Mareil-le-Guyon (Yvelines) lui a refusé l'autorisation de lotir un terrain en vue de la réalisation de 19 lots à bâtir à usage d'habitation individuelle. Par un jugement n° 0800446 du 4 avril 2011, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11VE02066 du 24 janvier 2013, la cour administrative d'a

ppel de Versailles a, à la demande de la société Loticis, annulé le jugement du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Loticis a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 septembre 2007 par lequel le maire de la commune de Mareil-le-Guyon (Yvelines) lui a refusé l'autorisation de lotir un terrain en vue de la réalisation de 19 lots à bâtir à usage d'habitation individuelle. Par un jugement n° 0800446 du 4 avril 2011, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11VE02066 du 24 janvier 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a, à la demande de la société Loticis, annulé le jugement du tribunal administratif de Versailles du 4 avril 2011 ainsi que l'arrêté du 11 septembre 2007.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 mai 2013, 7 août 2013 et 24 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Mareil-le-Guyon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Loticis ;

3°) de mettre à la charge de la société Loticis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R. 761-1 du même code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 72-883 du 29 septembre 1972 ;

- le décret n° 74-19 du 8 janvier 1974 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Combettes, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de la commune de Mareil-le-Guyon et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Loticis ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme : " En dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière et de soixante-quinze mètres de part et d'autre de l'axe des autres routes classées à grande circulation " ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du décret du 13 décembre 1952 portant nomenclature des voies à grande circulation, dans leur rédaction applicable à la date de la décision attaquée du 11 septembre 2007, telles qu'elles résultaient notamment du décret du 8 janvier 1974 modifiant et complétant cette nomenclature, publié au Journal officiel de la République française du 13 janvier suivant, la section de la route nationale (RN) 191, de Corbeil-Essonnes à Mantes, comprise entre la RN 10 et la RN 307, était au nombre de celles classées parmi les voies à grande circulation ; qu'il résulte de l'article 1er du décret du 29 septembre 1972 relatif aux voies à grande circulation que le reclassement de la RN 191 dans la voierie départementale par un arrêté du 18 juin 1991 n'a pas eu pour effet d'exclure la section concernée de cette route de la catégorie des voies de grande circulation ;

3. Considérant qu'il appartient au juge administratif de vérifier que les dispositions invoquées devant lui sont applicables au litige qui lui est soumis ; qu'à ce titre, pour l'application de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme, qui dépend notamment de l'existence d'un classement opéré par un acte publié au Journal officiel, il lui incombe de s'assurer, le cas échéant d'office, de l'existence d'un tel classement et d'en tirer les conséquences sur le litige dont il est saisi, après l'avoir soumis, s'agissant d'un acte dépourvu de caractère réglementaire, au débat contradictoire ;

4. Considérant que, pour juger que le maire de la commune de Mareil-le-Guyon n'avait pu légalement se fonder sur la méconnaissance de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme pour refuser de délivrer une autorisation de lotir à la société Loticis, la cour administrative d'appel a relevé que la route départementale n° 191 jouxtant la parcelle d'implantation du projet de lotissement ne figurait pas au nombre des voies à grande circulation mentionnées par le décret du 13 décembre 1952 portant nomenclature des voies à grande circulation, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle la décision attaquée est intervenue ; qu'en statuant ainsi, alors même que la commune de Mareil-le-Guyon n'a produit que postérieurement à la clôture de l'instruction le décret du 8 janvier 1974 classant la section considérée de cette route en voie à grande circulation, la cour a entaché son arrêt d'inexactitude matérielle ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la commune de Mareil-le-Guyon est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la légalité externe de l'arrêté du 11 septembre 2007 :

7. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article R. 315-26 du code de l'urbanisme, applicable à l'arrêté du 11 septembre 2007 refusant l'autorisation de lotir demandée par la société Loticis : " Si la décision comporte rejet de la demande, si elle est assortie de prescriptions ou s'il s'agit d'un sursis à statuer, elle doit être motivée (...) " ;

8. Considérant que l'arrêté attaqué vise les dispositions pertinentes du code de l'urbanisme et le plan d'occupation des sols de la commune et mentionne que, d'une part, l'aménagement du terrain, classé en zone NA-UG du plan d'occupation des sols, ne s'inscrit pas dans le cadre d'un plan d'aménagement d'ensemble et que, d'autre part, toute construction est interdite dans une bande de soixante-quinze mètres le long de la route départementale n° 191, classée voie à grande circulation ; qu'il satisfait ainsi à l'exigence de motivation résultant de l'article R. 315-26 du code de l'urbanisme ;

Sur la légalité interne de l'arrêté du 11 septembre 2007 :

9. Considérant qu'aux termes du I de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction restée applicable aux plans d'occupation des sols approuvés avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains : " Les documents graphiques doivent faire apparaître les zones urbaines et les zones naturelles. Ces zones (...) sont (...) 2. Les zones naturelles (...) Ces zones naturelles comprennent en tant que de besoin : a) les zones d'urbanisation future, dites " Zones NA ", qui peuvent être urbanisées à l'occasion soit d'une modification du plan d'occupation des sol, soit de la création d'une zone d'aménagement concerté ou de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction compatibles avec un aménagement cohérent de la zone tel qu'il est défini par le règlement (...) " ;

10. Considérant qu'aux termes du préambule du règlement de la zone NA UG du plan d'occupation des sols de la commune de Mareil-le-Guyon, celle-ci est définie comme étant " une zone naturelle non équipée ou insuffisamment équipée, urbanisable après approbation d'un plan d'ensemble et réalisation des équipements préalables par l'aménageur " ; qu'aux termes de l'article NA UG 1 II du même règlement : " Sont notamment admises les occupations et utilisations du sol ci-après dans le cadre d'un plan d'ensemble portant sur la totalité du secteur avec prise en charge des équipements nécessaires par l'aménageur : (...) les lotissements à usage d'habitation " ;

11. Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions alors applicables de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme, le règlement du plan d'occupation des sols de la commune pouvait légalement subordonner l'urbanisation de la zone considérée à l'approbation par le conseil municipal d'un plan d'ensemble destiné à assurer un aménagement cohérent de la zone ; que la société Loticis ne peut utilement soutenir que, faute de prévoir la soumission d'un tel plan d'ensemble à une procédure d'enquête publique, ces dispositions méconnaîtraient l'article 7 de la Charte de l'environnement, lequel réserve au législateur le soin de préciser les conditions et les limites dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute personne à participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée n'est pas motivée par l'absence de réalisation des équipements nécessaires par l'aménageur ; que, par suite, la société Loticis ne peut utilement soutenir que le règlement du plan d'occupation des sols de la commune serait illégal en tant qu'il imposerait une telle condition ;

13. Considérant, en troisième lieu, que si l'arrêté mentionne l'absence de " plan d'aménagement d'ensemble ", il ressort des pièces du dossier que le maire de Mareil-le-Guyon a ainsi entendu fonder sa décision sur l'absence du plan d'ensemble prévu par le règlement de la zone NA UG du plan d'occupation des sols de la commune ; qu'il est constant qu'aucun plan d'ensemble n'avait été approuvé par le conseil municipal de Mareil-le Guyon à la date à laquelle le maire a pris la décision attaquée ; que le plan de composition, l'étude d'entrée de ville et le règlement de lotissement produits par la société à l'appui de sa demande d'autorisation de lotir ne pouvaient se substituer à un tel plan ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Mareil-le-Guyon, que la société Loticis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif, après avoir censuré le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme mais estimé que le maire aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de l'absence d'un plan d'ensemble, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Mareil-le-Guyon du 11 septembre 2007 ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Mareil-le-Guyon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Loticis une somme globale de 4 000 euros à verser à la commune de Mareil-le-Guyon, au titre des frais exposés par elle tant en appel qu'en cassation, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'au titre du remboursement de la contribution pour l'aide juridique, mentionnée par l'article R. 761-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date d'introduction du pourvoi ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 24 janvier 2013 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la société Loticis devant cette cour est rejetée.

Article 3 : La société Loticis versera à la commune de Mareil-le-Guyon une somme de 4 000 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Loticis présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Mareil-le-Guyon et à la société Loticis.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 368335
Date de la décision : 01/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - DEVOIRS DU JUGE - OBLIGATION DE VÉRIFIER - LE CAS ÉCHÉANT D'OFFICE - L'APPLICABILITÉ DES DISPOSITIONS INVOQUÉES DEVANT LUI - CAS DE L'ARTICLE L - 111-1-4 DU CODE DE L'URBANISME - CONSÉQUENCES - OBLIGATION POUR LE JUGE DE S'ASSURER DE L'EXISTENCE D'UN CLASSEMENT DE LA ROUTE PARMI LES VOIES À GRANDE CIRCULATION - EXISTENCE - OBLIGATION DE SOUMETTRE UN TEL CLASSEMENT AU DÉBAT CONTRADICTOIRE - EXISTENCE [RJ1].

54-07-01-07 Il appartient au juge administratif de vérifier que les dispositions invoquées devant lui sont applicables au litige qui lui est soumis. A ce titre, pour l'application de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme (interdiction des constructions et installations dans une bande de cent mètres de part et d'autre de certains axes routiers en dehors des espaces urbanisés), qui dépend notamment de l'existence d'un classement, opéré par un acte publié au Journal officiel, de la route concernée parmi les voies de grande circulation, il incombe au juge administratif de s'assurer, le cas échéant d'office, de l'existence d'un tel classement et d'en tirer les conséquences sur le litige dont il est saisi, après l'avoir soumis, s'agissant d'un acte dépourvu de caractère réglementaire, au débat contradictoire.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - RÈGLES GÉNÉRALES D'UTILISATION DU SOL - RÈGLES GÉNÉRALES DE L'URBANISME - INTERDICTION DE CONSTRUIRE À PROXIMITÉ DES AXES ROUTIERS (ART - L - 111-1-4 DU CODE DE L'URBANISME) - OBLIGATION POUR LE JUGE DE S'ASSURER - LE CAS ÉCHÉANT D'OFFICE - DE L'EXISTENCE D'UN CLASSEMENT DE LA ROUTE PARMI LES VOIES À GRANDE CIRCULATION - EXISTENCE - OBLIGATION DE SOUMETTRE UN TEL CLASSEMENT AU DÉBAT CONTRADICTOIRE - EXISTENCE [RJ1].

68-001-01 Il appartient au juge administratif de vérifier que les dispositions invoquées devant lui sont applicables au litige qui lui est soumis. A ce titre, pour l'application de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme (interdiction des constructions et installations dans une bande de cent mètres de part et d'autre de certains axes routiers en dehors des espaces urbanisés), qui dépend notamment de l'existence d'un classement, opéré par un acte publié au Journal officiel, de la route concernée parmi les voies de grande circulation, il incombe au juge administratif de s'assurer, le cas échéant d'office, de l'existence d'un tel classement et d'en tirer les conséquences sur le litige dont il est saisi, après l'avoir soumis, s'agissant d'un acte dépourvu de caractère réglementaire, au débat contradictoire.


Références :

[RJ1]

Rappr., sur les deux points, CE, 12 novembre 2014, Commune de Pont-Aven, n° 369147, p. 341.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2015, n° 368335
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Combettes
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:368335.20150601
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