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20/05/2015 | FRANCE | N°361865

France | France, Conseil d'État, 8ème ssjs, 20 mai 2015, 361865


Vu la procédure suivante :

Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille de constater, sur le fondement de l'article 2 du titre VII de l'ordonnance de la Marine d'août 1681 dite " de Colbert ", que l'édification de constructions sur le domaine public maritime par Mme A...AD..., M. U...O..., Mme AB...S..., M. I...AC..., M. Q...W..., M. J...X..., M.E..., M. N...AA..., M. I...AA..., M. V...B..., M. D...F..., M. C... G..., M. U...M..., Mme L...K..., M. P...R...et M. H... Z... dans la calanque de Ponteau à Martigues (13), telle que constatée par pro

cès-verbal du 1er septembre 1999, était constitutive d'une co...

Vu la procédure suivante :

Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille de constater, sur le fondement de l'article 2 du titre VII de l'ordonnance de la Marine d'août 1681 dite " de Colbert ", que l'édification de constructions sur le domaine public maritime par Mme A...AD..., M. U...O..., Mme AB...S..., M. I...AC..., M. Q...W..., M. J...X..., M.E..., M. N...AA..., M. I...AA..., M. V...B..., M. D...F..., M. C... G..., M. U...M..., Mme L...K..., M. P...R...et M. H... Z... dans la calanque de Ponteau à Martigues (13), telle que constatée par procès-verbal du 1er septembre 1999, était constitutive d'une contravention de grande voirie, de condamner ces derniers à la démolition de ces constructions et à la restitution des lieux dans leur état initial sous astreinte de 1 500 francs par jour de retard, et d'autoriser l'administration à les démolir aux frais des contrevenants dans un délai de trois mois à compter de la notification des jugements à intervenir.

Par un jugement n°s 0002248, 0002250, 0002251, 0002252, 0002253, 0002255, 0002256, 0002257, 0002258, 0002259, 0002260, 0002261, 0002262, 0006334, 0006335, 0006780 du 27 décembre 2006, le tribunal administratif de Marseille a relaxé Mme AD..., M.O..., MmeS..., M.AC..., M.W..., M.X..., M. E..., M. N...AA..., M. I...AA..., M.B..., M.F..., M.G..., M.M..., MmeK..., M. R...et M. Z...des poursuites diligentées à leur encontre.

Par un arrêt n° 07MA00663 du 20 novembre 2008, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement n°s 0002248, 0002250, 0002251, 0002252, 0002253, 0002255, 0002256, 0002257, 0002258, 0002259, 0002260, 0002261, 0002262, 0006334, 0006335, 0006780 du 27 décembre 2006 du tribunal administratif de Marseille et condamné, dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt, sous astreinte, d'une part, M.AA..., Mme K..., M. F...et M. W...à démolir les installations décrites dans le procès- verbal dressé à leur encontre le 1er septembre 1999, d'autre part, M. E...et M. Del à démolir la partie de leurs constructions situées à la cote 0,90 et en-dessous de cette cote figurant dans le même procès-verbal, enfin, M. O...à démolir la seule terrasse décrite dans le procès-verbal, et, pour tous, à remettre en état les dépendances du domaine public maritime occupées.

Par une décision n° 324360 du 7 avril 2011, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 20 novembre 2008 et a renvoyé l'affaire à cette cour.

Par un second arrêt n° 11MA02074 du 12 juin 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 27 décembre 2006 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a relaxé M.AA..., MmeK..., M. F...et M. W...des poursuites de contravention de grande voirie diligentées à leur encontre, et a condamné les ayants droit de M.AA..., pour le muret du lot n° 2, MmeK..., pour la totalité du lot n° 3, M.F..., pour la totalité du lot n° 22, et M.W..., en ce qui concerne le seul plan incliné du lot n° 25, à démolir ces installations et à remettre les lieux dans leur état initial dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte, en autorisant l'administration à procéder à leur retrait et à la remise en état du domaine public aux frais et risques des contrevenants.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 août et 14 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F...et Mme K... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11MA02074 du 12 juin 2012 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il les a condamnés ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du domaine public de l'Etat ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

- l'ordonnance royale d'août 1681 sur la Marine ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emmanuelle Petitdemange, auditeur,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de Mme K...et de M. F...;

Une note en délibéré, présentée par M. F...et MmeK..., a été enregistrée le 20 avril 2015 ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du titre VII du livre IV de l'ordonnance d'août 1681 dont les dispositions sont reprises à l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sera réputé bord et rivage de la mer tout ce qu'elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes et jusqu'où le grand flot de mars se peut étendre sur les grèves " ; que ces dispositions doivent être entendues comme fixant la limite du domaine public maritime, quel que soit le rivage, au point jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre, en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 1er septembre 1999, des procès-verbaux de contravention de grande voirie ont été dressés à l'encontre de M. F...et Mme K... pour avoir maintenu sans droit ni titre des constructions à usage d'habitation sur plusieurs parcelles du domaine public maritime situées dans la calanque de Ponteau à Martigues ; que, par un jugement avant dire droit du 9 décembre 2003, le tribunal administratif de Marseille, auquel les procès-verbaux avaient été déférés en application des dispositions de l'article L. 13 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel reprises à l'article L. 774-2 du code de justice administrative, a ordonné une expertise visant à déterminer les limites du domaine public maritime au droit de chacune des parcelles en litige ; que le rapport complémentaire d'expertise déposé le 25 septembre 2006, qui concluait que les lots n° 22 de M. F...et n° 3 de Mme K...étaient situés hors du domaine public maritime, comportait, d'une part, un plan général de la calanque de Ponteau situant les différentes constructions par rapport à la ligne des plus hautes eaux par temps fort, évaluée à la cote 0,90, à la ligne des plus hautes eaux par temps normal, située à la cote 0,45 et à la ligne du rivage issue du cadastre de 1968 et, d'autre part, le plan de coupe de chaque construction sur lequel avaient été reportées les lignes correspondant au niveau des plus hautes eaux par temps fort et par temps normal ;

3. Considérant qu'en estimant qu'il résultait clairement de la photographie du 8 décembre 2006 prise par un vent moyen de 24 km/h, corroborée par le plan général annexé au rapport d'expertise, que la terrasse et le cabanon occupés par Mme K...étaient nécessairement atteints par les plus hauts flots en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis à son examen tout d'abord que ce cliché montrait seulement la terrasse du lot n° 3 et non le cabanon édifié sur ce lot, le cabanon figurant sur cette photo étant, comme en attestait un constat d'huissier du 9 décembre 2008, produit le 28 avril 2009, un cabanon voisin distinct de celui de MmeK..., et ensuite que la base de cette construction était située à la cote 0,97 sur le plan de coupe figurant au dossier d'expertise de 2006, la cour administrative d'appel de Marseille a dénaturé les pièces du dossier ;

4. Considérant, de même, qu'en estimant qu'il résultait clairement de la photographie du 23 octobre 2006 prise par un vent moyen de 30 km/h et du plan général annexé au rapport d'expertise que la terrasse et le cabanon occupés par M. F...sur le lot n° 22 étaient nécessairement atteints par les plus hauts flots en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis à son examen, tout d'abord que ce cliché montrait, non le lot n° 22 mais les lots distincts n° 24 et 25, et ensuite que la base de cette construction était située à la cote 1,55 sur le plan de coupe figurant au dossier d'expertise de 2006, la cour a dénaturé les pièces du dossier ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme K...et M. F...sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il concerne leurs propriétés ; que l'affaire faisant l'objet d'un second recours en cassation, il y a lieu, dans cette mesure, de la régler au fond en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la recevabilité de l'appel du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer :

6. Considérant que Mme K...et M. F...soutiennent que la requête d'appel est signée par une autorité incompétente et n'est pas motivée ; que, toutefois, par décision du 22 janvier 2007, publiée au Journal Officiel de la République française du 27 janvier 2007, le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer a habilité Mme Y...U..., chef du bureau du littoral et de l'environnement à signer, tous actes, arrêtés et décisions, en cas d'empêchement du sous-directeur des ports, des voies navigables et du littoral ; que la requête d'appel contient l'exposé des conclusions soumises au juge, assorties de l'exposé de faits et moyens, conformément à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être rejetées ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. Considérant que le tribunal administratif de Marseille a jugé qu'il résultait du rapport de l'expert que les constructions de Mme K...et M. F...se trouvaient entièrement hors du domaine public maritime ; qu'il s'est ainsi abstenu de répondre aux différentes critiques invoquées à l'encontre de ce rapport par le ministre de l'écologie ; que, par suite, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondé à soutenir que le jugement attaqué, qui est insuffisamment motivé, doit être annulé en tant qu'il concerne les propriétés de Mme K...et M. F...;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions du préfet des Bouches-du-Rhône présentées devant le tribunal administratif de Marseille en tant qu'elles concernent Mme K...et M. F...;

9. Considérant, ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 4, que, s'agissant de la propriété de MmeK..., dont il n'est plus contesté qu'elle est propriétaire du lot n° 3, que le plan général et le plan de coupe particulier au lot n° 3 indiquent que la base de la construction à usage d'habitation, en retrait du rivage, se trouve à la cote 0,97 ; que, s'agissant de la propriété de M.F..., le plan général et le plan de coupe particulier au lot n° 22 indiquent que la base de la construction à usage d'habitation se trouve à la cote 1,55 ; que ces cotes excèdent celle de 0,90 correspondant à celle des plus hauts flots en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; que les photographies jointes au dossier ne permettent pas d'attester du contraire ; qu'il en résulte que les propriétés de Mme K...comme de M.F..., qui ne sont pas atteintes par le flot des plus hautes mers, se trouvent hors du domaine public maritime ; que, par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'est pas fondé à solliciter la condamnation de ces derniers à démolir les constructions et à remettre les lieux dans leur état initial ;

10. Considérant que les frais et honoraires d'expertise de première instance ont été taxés et liquidés à la somme de 706,32 euros pour le dossier de Mme K...et pour celui de M.F... ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de ces affaires, de mettre ces frais à la charge de l'Etat ;

11. Considérant qu'en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le juge administratif ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le préfet des Bouches-du-Rhône doivent, dès lors, être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme K...comme à M. F... sur ce même fondement ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 12 juin 2012 et le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 décembre 2006 sont annulés en tant qu'ils concernent les propriétés de Mme K...et M.F....

Article 2 : Mme K...et M, F...sont relaxés des fins de poursuite au titre de la contravention de grande voirie.

Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise exposés en première instance qui s'élèvent à la somme de 1 412,64 euros sont mis à la charge de l'Etat.

Article 4 : L'Etat versera à Mme K...et M. F...la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D...F..., à Mme T...K...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 8ème ssjs
Numéro d'arrêt : 361865
Date de la décision : 20/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mai. 2015, n° 361865
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle Petitdemange
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:361865.20150520
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