Vu la procédure suivante :
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 boulevard Auguste Gaudin a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner solidairement la société Gaz de France et la commune de Bastia à réparer les préjudices résultant de la destruction de l'immeuble lui appartenant situé 4 boulevard Auguste Gaudin à Bastia lors d'une explosion survenue le 19 mars 2005. Par un jugement n° 1000523 du 9 décembre 2010, le tribunal administratif de Bastia a condamné la société Gaz de France à verser à ce titre au syndicat une indemnité de 23 027,74 euros.
Par un arrêt n° 11MA00597 du 11 mars 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé contre ce jugement par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 boulevard Auguste Gaudin.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mai 2013 et 1er août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 boulevard Auguste Gaudin demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la société Gaz de France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'énergie ;
- la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;
- la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Leïla Derouich, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 boulevard Auguste Gaudin et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société GDF-Suez ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 19 mars 2005, l'immeuble sis au 4 bis boulevard Gaudin à Bastia a été détruit par une explosion due au gaz ; que le syndicat des copropriétaires de cet immeuble a recherché la responsabilité de la société GDF-Suez devant le tribunal administratif de Bastia qui, par un jugement du 9 décembre 2010, a mis à la charge de cette société une indemnité de 23 027,74 euros ; que, pour rejeter l'appel du syndicat des copropriétaires tendant à l'augmentation du montant de cette indemnité, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé d'office le motif tiré de ce que le recours indemnitaire était mal dirigé dès lors que la réparation de l'accident du 19 mars 2005 faisait partie des obligations transférées par la société GDF-Suez à Gaz Réseau Distribution de France (GRDF) à compter du 1er avril 2008 en application des dispositions législatives et du contrat de cession signé pour leur exécution ; que le syndicat se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, dans sa rédaction issue de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, désormais codifié au I de l'article L. 111-57 du code de l'énergie : " La gestion d'un réseau de distribution d'électricité ou de gaz desservant plus de 100 000 clients sur le territoire métropolitain continental est assurée par des personnes morales distinctes de celles qui exercent des activités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz (...) " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que l'obligation de transfert des activités de distribution qu'elles instaurent ne s'applique qu'au territoire métropolitain continental et ne concerne pas le réseau de distribution de gaz en Corse ;
3. Considérant, d'autre part, que le (i) de l'article 2.2, du contrat de cession de l'activité de gestionnaire de réseaux de distribution de gaz naturel conclu le 20 juillet 2007 entre Gaz de France et GDF investissements 26, devenue GRDF, exclut du champ des biens, droits et obligations cédés à GDF investissements 26 l'activité de distribution de gaz en Corse ; qu'en outre, aux termes du (v) de ce paragraphe : " ... ne sont pas cédés au titre de la présente cession : ... (v) Les droits et obligation relatifs aux affaires contentieuses en cours à la Date d'Effet : (...) - pendantes devant les juridictions judiciaires ou au stade de l'instruction pénale, relatives à des accidents attachés à l'Activité, dont une liste au 7 mai 2007 figure en Annexe 9, à l'occasion desquelles la responsabilité pénale du Cédant est recherchée ; - pendantes devant les juridictions judiciaires ou administratives, relatives aux mêmes accidents attachés à l'Activité, dont une liste au 7 mai 2007 figure en Annexe 9, à l'occasion desquelles la responsabilité du Cédant est recherchée sur quelque fondement juridique que ce soit " ; qu'il résulte clairement de ces stipulations que les droits et obligations de caractère civil ou administratif relatifs aux affaires contentieuses au stade de l'instruction pénale à la date d'effet du contrat et mentionnées en son annexe 9 n'ont pas été cédées par la société GDF-Suez à la société GDF Investissement 26, devenu GRDF ; que l'explosion survenue à Bastia le 19 mars 2005 figure dans la liste des accidents liés à l'activité de distribution de gaz visée à cette annexe ;
4. Considérant qu'en jugeant que les conclusions présentées par les requérants contre GDF-Suez étaient mal dirigées en raison du transfert à GRDF des obligations relatives à l'activité de gestionnaire de réseau de distribution de gaz naturel qu'impliquaient les dispositions législatives précitées, mises en oeuvre par ces stipulations contractuelles, la cour administrative d'appel a méconnu le champ d'application de ces dispositions et dénaturé ces stipulations ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 mars 2013 doit être annulé ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de GDF-Suez le versement d'une somme de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 boulevard Auguste Gaudin au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du syndicat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 mars 2013 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : La société GDF-Suez versera au syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 boulevard Auguste Gaudin la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société GDF-Suez au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 boulevard Auguste Gaudin, à la société GDF-Suez et à la société Gaz Réseau Distribution France (GRDF).