Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2005 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0803654 du 19 octobre 2011, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 11NT03219 du 14 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 janvier et 16 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B...demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- la décision du 24 juin 2013 par laquelle le Conseil d'État statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B...;
- la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B...;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. B...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., voyageur représentant placier, salarié de la société Pierre Rolland Acteon Group, a perçu, au titre d'une transaction conclue le 31 janvier 2005 avec son ancien employeur, une indemnité de 105 000 euros en contrepartie de son désistement de l'instance engagée devant le conseil de prud'hommes d'Angers, qu'il avait saisi afin d'obtenir la condamnation de celui-ci au paiement d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la suite de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail intervenue à son initiative, le 31 août 2004 ; que l'administration a réintégré cette indemnité dans le revenu imposable de M.B... ; que celui-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 novembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 octobre 2011 rejetant sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en résultant ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition litigieuse : " Sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81, constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du code du travail, des indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du même code ainsi que de la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel et interprofessionnel ou, à défaut, par la loi. " ;
3. Considérant que, pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité à la Constitution de cette disposition ;
4. Considérant qu'il résulte de la réserve d'interprétation dont la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité à la Constitution du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts que ces dispositions, qui définissent les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail bénéficiant, en raison de leur nature, d'une exonération totale ou partielle d'impôt sur le revenu, ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de l'exonération varie selon que l'indemnité a été allouée en vertu d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une transaction et qu'en particulier, en cas de transaction, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction ; qu'à cet égard, les sommes perçues par un salarié en exécution d'une transaction conclue avec son employeur à la suite d'une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail, devenu l'article L. 1235-3 du même code, que si le salarié apporte la preuve que cette prise d'acte est assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de faits de nature à justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur ; que, dans le cas contraire, la prise d'acte doit être regardée comme constitutive d'une démission et l'indemnité transactionnelle soumise à l'impôt sur le revenu ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que M. B...ne pouvait, au seul motif qu'il avait signé une transaction avec son ancien employeur, bénéficier de l'exonération réservée par les dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts aux indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail, sans rechercher si l'intéressé établissait que l'indemnité transactionnelle litigieuse pouvait être assimilée à une indemnité faisant suite à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 14 novembre 2012 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'État versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.