La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/02/2015 | FRANCE | N°385305

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 27 février 2015, 385305


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 29 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société Celtipharm demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre des affaires sociales et de la santé a refusé d'abroger l'arrêté du 19 juillet 2013 relatif à la mise en oeuvre du Système national d'information interrégimes de l'assurance maladie, de renvoyer au Conseil constitutionnel la

question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constit...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 29 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société Celtipharm demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre des affaires sociales et de la santé a refusé d'abroger l'arrêté du 19 juillet 2013 relatif à la mise en oeuvre du Système national d'information interrégimes de l'assurance maladie, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du troisième alinéa de l'article L. 161-28-1 du code de la sécurité sociale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment ses articles 34 et 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Celtipharm.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L'article L. 161-28-1 du code de la sécurité sociale prévoit que : " Il est créé un système national d'information interrégimes de l'assurance maladie qui contribue : / 1° A la connaissance des dépenses de l'ensemble des régimes d'assurance maladie par circonscription géographique, par nature de dépenses, par catégorie de professionnels responsables de ces dépenses et par professionnel ou établissement ; / 2° A la transmission en retour aux prestataires de soins d'informations pertinentes relatives à leur activité et leurs recettes, et s'il y a lieu à leurs prescriptions ; / 3° A la définition, à la mise en oeuvre et à l'évaluation de politiques de santé publique. / Le système national d'information interrégimes est mis en place par les organismes gérant un régime de base d'assurance maladie. Ces derniers transmettent au système national d'information interrégimes de l'assurance maladie les données nécessaires. / Les modalités de gestion et de renseignement du système national d'information interrégimes de l'assurance maladie, définies conjointement par protocole passé entre au moins la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse centrale de mutualité sociale agricole et la Caisse nationale du régime social des indépendants, sont approuvées par un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. / Cet arrêté est pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. / Les données reçues et traitées par le système national d'information interrégimes de l'assurance maladie préservent l'anonymat des personnes ayant bénéficié des prestations de soins ".

3. La société Celtipharm soutient qu'en permettant au pouvoir réglementaire de définir lui-même les personnes pouvant accéder aux données que ce système contient et les conditions de cet accès, le législateur a méconnu les dispositions de l'article 34 de la Constitution qui réservent à la loi la fixation des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques et a ainsi affecté la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté d'entreprendre et la liberté de communication.

4. Toutefois, par les dispositions critiquées, le législateur n'a pas entendu permettre au ministre chargé de la sécurité sociale, agissant par arrêté pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, de déroger aux dispositions législatives régissant l'accès aux données à caractère personnel faisant l'objet d'un traitement automatisé, qui, à la date de l'arrêté litigieux, résultent notamment, en ce qui concerne les traitements de données de santé à caractère personnel à des fins d'évaluation ou d'analyse des pratiques et des activités de soins et de prévention, du chapitre X de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Le législateur ne peut, dès lors, être regardé comme ayant méconnu l'étendue de sa compétence en ne prenant pas des dispositions particulières pour encadrer les conditions dans lesquelles des tiers peuvent accéder aux données du système national d'information interrégimes de l'assurance maladie. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'article L. 161-28-1 du code de la sécurité sociale porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Celtipharm.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Celtipharm et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1ère ssjs
Numéro d'arrêt : 385305
Date de la décision : 27/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 fév. 2015, n° 385305
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Puigserver
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:385305.20150227
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award