La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2015 | FRANCE | N°382894

France | France, Conseil d'État, 4ème ssjs, 25 février 2015, 382894


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par un jugement n° 1401453-1401499 du 17 juin 2014, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Pignan (34570) pour l'élection des conseillers municipaux sur protestation présentée par Mme AK...AA...et autres d'une part, et par M. D...AE...et autres, d'autre part.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 juil

let et 20 août 2014 et le 9 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par un jugement n° 1401453-1401499 du 17 juin 2014, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Pignan (34570) pour l'élection des conseillers municipaux sur protestation présentée par Mme AK...AA...et autres d'une part, et par M. D...AE...et autres, d'autre part.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 juillet et 20 août 2014 et le 9 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme AI...O..., M. AN...Y..., Mme AP... AS..., M. H...AQ..., Mme Q...AV..., M. AL...AG..., Mme AR...L..., M. E...B..., Mme Z...P..., M. Q...AC..., Mme AX... AF..., M. AJ... A..., Mme V...AM..., M. AB...AO..., Mme AK...AW..., M. AD... AH..., Mme AI...AU..., M. T...D..., Mme S...K..., M. R...BA..., Mme X...G..., M. U...M..., Mme AY... N..., M. AZ...I..., Mme J...AT..., M. F...C...et Mme Q... W...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1401453-1401499 du 17 juin 2014 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) à titre principal, de rejeter les protestations électorales présentées contre ces opérations électorales, d'une part, par Mme AK...AA...et autres et, d'autre part, par M. AE... et autres ou, à titre subsidiaire, de procéder à la rectification des résultats de ces opérations électorales en établissant le nombre de suffrages obtenus par les listes électorales "Convergences à gauche", "Pignan, continuons ensemble" et "Pignan 2014, une équipe, un projet".

3°) de mettre solidairement à la charge de Mme AA...et autres et de M. AE... et autres, la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment son article 6 ;

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- le code électoral, notamment son article LO 247-1 ;

- la loi organique n° 2013-402 du 17 mai 2013 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 98-400 DC du 20 mai 1998 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-668 DC du 16 mai 2013 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Chaltiel-Terral, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de Mme O...et autres ;

Sur la question prioritaire de constitutionalité :

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article LO 247-1 du code électoral dans sa rédaction issue de la loi organique du 17 mai 2013 : " Dans les communes soumises au mode de scrutin prévu au chapitre III du présent titre, les bulletins de vote imprimés distribués aux électeurs comportent, à peine de nullité, en regard du nom des candidats ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, l'indication de leur nationalité " ;

3. Considérant que Mme O...et autres contestent la conformité de ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution au motif que, leur méconnaissance impliquant, selon l'interprétation qu'en donne le Conseil d'Etat, la nullité des bulletins de vote incriminés et par suite, le cas échéant, l'annulation de l'ensemble des opérations électorales, elles ont pour effet de méconnaître le principe d'égalité devant le suffrage qui découle de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 3 de la Constitution et le principe de clarté de la loi résultant de l'article 34 de la Constitution ;

4. Considérant cependant que, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 46 et du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, ainsi qu'à celles de l'article 17 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 sur le Conseil constitutionnel, ce dernier a examiné, par ses décisions n° 98-400 DC du 20 mai 1998 et n° 2013-668 DC du 16 mai 2013, avant leur promulgation par le Président de la République, la conformité à la Constitution des lois organiques dont est issu l'article LO 247 du code électoral dans sa rédaction applicable à la présente espèce ;

5. Considérant que, lorsqu'il exerce son contrôle sur les lois organiques, le Conseil constitutionnel doit être regardé comme se prononçant sur la conformité à la Constitution de chacune des dispositions de la loi organique qui lui est soumise ; que, dès lors, sauf changement dans les circonstances, les lois organiques promulguées doivent être regardées, dans leur intégralité, comme conformes à la Constitution, alors même que la décision du Conseil Constitutionnel qui les a examinées ne mentionne pas expressément les dispositions critiquées dans ses motifs ; qu'ainsi le Conseil constitutionnel doit être regardé comme ayant déclaré conformes à la Constitution les dispositions contestées de l'article LO 247-1 du code électoral dans les motifs et les dispositifs de ses décisions des 20 mai 1988 et 16 mai 2013 ; qu'en l'espèce, aucun changement dans les circonstances n'est de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ;

6. Considérant que si Mme O...et autres soutiennent également que les droits et libertés qu'ils invoquent sont méconnus par les conséquences que tire le juge administratif de la nullité des bulletins de vote imprimés en méconnaissance des dispositions de l'article LO 247-1 du code électoral, cette circonstance est sans incidence sur la conformité de cet article à la Constitution déclarée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, par le Conseil constitutionnel ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article LO 247-1 du code électoral porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

8. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit, par suite, être écarté ;

9. Considérant que contrairement à ce que soutiennent les requérants, les observations consignées au procès-verbal des opérations électorales par Mme AA...et autres, qui se concluaient par un " refus de la validité du scrutin ", devaient être regardées comme constituant une protestation au sens de l'article R. 119 du code électoral ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ce point doit être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

10. Considérant qu'à la suite des opérations électorales organisées le 23 mars 2014 dans la commune de Pignan pour la désignation des conseillers municipaux, la liste électorale " Pignan, continuons ensemble " conduite par Mme O...a obtenu 1978 suffrages ; que la liste " Convergences à gauche " conduite par Mme AF...a obtenu 378 suffrages ; qu'enfin la liste " Pignan 2014, une équipe, un projet " conduite par M. AE...a obtenu 1383 suffrages, qui ont été comptabilisés comme nuls au motif que les bulletins de vote de cette liste n'indiquaient pas la nationalité des 18ème et 22ème candidates y figurant alors que celles-ci étaient respectivement de nationalité belge et britannique ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que les bulletins de vote de la liste " Pignan 2014, une équipe, un projet " ne mentionnaient pas la nationalité de deux candidates ressortissantes d'Etats membres de l'Union européenne autres que la France ; qu'il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article LO 247-1 du code électoral que l'omission de cette mention sur ces bulletins entachait ceux-ci de nullité ;

12. Considérant que les 1383 voix qui s'étaient portées sur la liste " Pignan 2014, une équipe, un projet " représentaient plus du tiers des suffrages qui s'étaient initialement exprimés ; que, compte tenu du nombre des électeurs qui n'ont pas été ainsi en mesure d'exprimer valablement leur suffrage pour la liste conduite par M.AE..., cette irrégularité entraîne une incertitude tant pour le calcul de la majorité absolue des suffrages exprimés que pour le décompte des voix obtenues par les listes en présence ; que le juge de l'élection étant ainsi dans l'impossibilité de rectifier les résultats du scrutin, Mme O...et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées dans la commune de Pignan le 23 mars 2014 ;

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme AA...et de M. AE...et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. AE...et autres au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme O...et autres.

Article 2 : La requête de Mme O...et autres est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. AE...et autres présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme AI...O..., premier requérant dénommé, les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Fabiani, Luc Thaler Pinatel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat. Elle sera également notifiée à M. D...AE..., à Mme AK...AA...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 4ème ssjs
Numéro d'arrêt : 382894
Date de la décision : 25/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 fév. 2015, n° 382894
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Chaltiel-Terral
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:382894.20150225
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award