Vu la procédure suivante :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 janvier 2008 du préfet des Côtes-d'Armor autorisant le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Pors Clochet à exploiter des terres agricoles situées à Carnoët et Plourac'h. Par un jugement n° 0802809 du 15 mars 2011, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.
Par un arrêt n° 11NT01283 du 15 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Nantes a, à la demande du GAEC de Pors Clochet, annulé ce jugement et rejeté la demande de M.C....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier et 29 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du GAEC de Pors Clochet ;
3°) de mettre à la charge du GAEC de Pors Clochet la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anissia Morel, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. C...et à la SCP Gaschignard, avocat de la société GAEC de Pors Clochet ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 22 octobre 2007, le préfet des Côtes-d'Armor a accordé à M. B...C...l'autorisation d'exploiter 62 hectares 37 ares de terres jusque là mises en valeur par M. A... E..., leur propriétaire, qui prenait sa retraite le 20 novembre 2007 ; que, par une décision du 30 janvier 2008, le préfet des Côtes d'Armor a délivré au GAEC de Pors Clochet l'autorisation d'exploiter 59 hectares 36 ares, soit la quasi-totalité de ces mêmes terres, sous réserve de l'entrée effective de Mme D...E..., épouse de M. A...E..., dans ce groupement en tant qu'associée à part entière ; qu'à la demande de M.C..., le tribunal administratif de Rennes a annulé cette seconde décision par un jugement du 15 mars 2011 ; que, par un arrêt du 15 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à l'appel du GAEC de Pors Clochet, a annulé le jugement et rejeté la demande de M.C... ; que ce dernier se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant que l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à la date de la décision préfectorale litigieuse, prévoit que l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles se prononce " en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande " et qu'elle doit notamment " observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande (...) " ; qu'aux termes de l'article 3A du schéma directeur départemental des structures agricoles des Côtes-d'Armor : " Si les biens disponibles constituent une exploitation viable, l'ordre de priorité est le suivant : -Installation en l'état d'un ou plusieurs jeunes agriculteurs à titre individuel ou en société (...) " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions législatives précitées que le préfet doit, pour statuer sur les demandes d'autorisations d'exploiter des terres agricoles, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles ; qu'ainsi, lorsqu'une autorisation a déjà été délivrée, le préfet saisi d'une nouvelle demande portant les mêmes terres ne peut légalement y faire droit que si l'auteur de cette demande justifie d'une priorité égale ou supérieure à celle de la personne déjà autorisée ;
4. Considérant, d'autre part, qu'un bien " disponible ", au sens des dispositions de l'article 3A du schéma directeur départemental d'orientation des structures agricoles des Côtes-d'Armor, qui fixe l'ordre de priorité applicable lorsqu'un tel bien constitue une exploitation viable, est un bien exploité conformément à la législation sur le contrôle des structures des exploitations agricoles ;
5. Considérant que, pour rejeter la demande d'annulation de M.C..., la cour administrative d'appel a relevé qu'après que M. A...E...avait fait valoir ses droits à la retraite, il avait cessé d'exploiter lui-même les terres lui appartenant et que cette exploitation avait été reprise par son épouse, Mme D...E... ; qu'elle en a déduit que ces terres n'étaient pas des biens " disponibles ", au sens de l'article 3A du schéma directeur départemental des structures agricoles, et qu'ainsi l'ordre des priorités fixé par ce schéma n'était pas opposable à la demande d'autorisation présentée par le GAEC de Pors Clochet ; qu'en s'abstenant toutefois de rechercher si Mme E...avait pu régulièrement reprendre l'exploitation des terres en cause sans solliciter d'autorisation d'exploitation et, dans la négative, si elle détenait une telle autorisation à la date de l'arrêté litigieux, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi de M.C..., son arrêt doit être annulé ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par le GAEC de Pors Clochet soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 15 novembre 2012 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. C...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le GAEC de Pors Clochet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... C..., à Mme D...E..., au GAEC de Pors Clochet et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.