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10/12/2014 | FRANCE | N°358561

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 10 décembre 2014, 358561


Vu 1°, sous le n° 358561, la requête, enregistrée le 16 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société Anémone Montélimar, dont le siège est 1 rue Emile Augier, à Grenoble (38000), représentée par son gérant en exercice ; la société Anémone Montélimar demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 182 du 23 mars 2012 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique a accordé à la SAS TEV Distribution, à la SARL 3CJP et à la SARL Fils l'autorisation pr

éalable requise pour la création d'un établissement de spectacles cinématogra...

Vu 1°, sous le n° 358561, la requête, enregistrée le 16 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société Anémone Montélimar, dont le siège est 1 rue Emile Augier, à Grenoble (38000), représentée par son gérant en exercice ; la société Anémone Montélimar demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 182 du 23 mars 2012 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique a accordé à la SAS TEV Distribution, à la SARL 3CJP et à la SARL Fils l'autorisation préalable requise pour la création d'un établissement de spectacles cinématographiques de huit salles et de 1 499 places, à l'enseigne " Palace Studio ", à Donzère (Drôme) ;

Vu 2°, sous le n° 361234, la requête, enregistrée le 20 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la commune de Pierrelatte, représentée par son maire ; la commune de Pierrelatte demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision analysée sous le n° 358561 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2014, présentée par les sociétés TEV Distribution et Fils ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code du cinéma et de l'image animée ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;

Vu le décret n° 2009-1393 du 11 novembre 2009 ;

Vu le décret n° 2011-921 du 1er août 2011 ;

Vu l'arrêté du 5 décembre 2008 pris pour l'application du III de l'article R. 752-7 du code de commerce et relatif à la demande portant sur les projets d'aménagement cinématographique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Anémone Montélimar ;

1. Considérant que les requêtes de la société Anémone Montélimar et de la commune de Pierrelatte sont dirigées contre la même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les fins de non recevoir :

2. Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, la requête présentée dans le délai du recours contentieux par la société Anémone Montélimar n'était pas dépourvue de tout moyen, qu'elle contenait le nom et l'adresse de la société requérante et était signée ; que la société requérante s'est acquittée de la contribution juridique alors prévue par l'article 1635 Q bis du code général des impôts ;

3. Considérant, d'autre part, que si les sociétés TEV Distribution et Fils soutiennent que la requête formée par la commune de Pierrelatte est tardive, il ressort des pièces du dossier que la commune de Pierrelatte a reçu notification de la décision attaquée le 21 mai 2012 ; que sa requête tendant à l'annulation de cette décision a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 juillet 2012 et n'a donc pas été présentée tardivement ; que la commune de Pierrelatte, qui avait exercé un recours administratif devant la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique, qui se trouve située dans la zone d'influence du projet et qui a délégué, par contrat d'affermage, la gestion du cinéma implanté sur son territoire, présente un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision attaquée ; que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés TEV Distribution et Fils, la commune requérante s'est acquittée de la contribution juridique alors prévue par l'article 1635 Q bis du code général des impôts ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés TEV Distribution et Fils à l'encontre de chacune des deux requêtes ne peuvent qu'être écartées ;

Sur l'appréciation de la commission nationale :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 30-1 du code de l'industrie cinématographique, résultant de l'article 105 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, depuis lors codifié à l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des oeuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée que la qualité des services offerts " ; qu'aux termes de l'article 30-3 du même code, désormais codifié à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée : " Dans le cadre des principes définis à l'article 30-1, la commission d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement contractés en application de l'article 90 de la loi n° 82-52 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; / c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L'insertion du projet dans son environnement ; / e) La localisation du projet " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique, lorsqu'elles se prononcent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article 30-3 du code de l'industrie cinématographique, désormais codifié à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée, parmi lesquels ne figure plus la densité d'équipements en salles de spectacles cinématographiques dans la zone d'attraction du projet ;

7. Considérant que, pour admettre la conformité de ce projet à l'objectif d'aménagement culturel du territoire malgré les risques élevés, relevés notamment par les services instructeurs, que le projet fait peser sur la pérennité d'une offre cinématographique dans la ville de Montélimar, la commission nationale s'est fondée sur ce que la gérante de la société exploitant le cinéma " Le Palace " - par ailleurs future exploitante du multiplexe projeté - avait, dans un courrier adressé au maire de Montélimar, fait part de son intention de ne pas fermer ce cinéma ; que, toutefois, ce courrier ne contenait aucun engagement précis sur le maintien de l'exploitation du cinéma en cause ; que le contrat d'association établi par les sociétés porteuses du projet de multiplexe ne comportait pas non plus d'engagement relatif à la pérennité de l'exploitation de ce cinéma ; que, par suite, en se fondant sur le seul courrier de la gérante du cinéma " Le Palace " pour retenir que le projet litigieux ne portait pas atteinte à l'objectif d'aménagement culturel du territoire, la commission nationale n'a pas légalement justifié sa décision ;

8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commission nationale aurait pris la même décision si elle ne s'était pas fondée sur ce motif ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la commune et la société requérante sont fondées à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sous le n° 358561, la somme de 1 500 euros à verser à la société Anémone Montélimar et, sous le n° 361234, la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Pierrelatte, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Anémone Montélimar et de la commune de Pierrelatte, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique n° 182 du 23 mars 2012 est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à la société Anémone Montélimar et à la commune de Pierrelatte la somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions des sociétés TEV Distribution et Fils présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Anémone Montélimar, à la commune de Pierrelatte, à la société TEV Distribution, à la SARL 3CPJ, à la SARL Fils et à la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique.

Copie en sera adressée pour information au médiateur du cinéma et à la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 358561
Date de la décision : 10/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 2014, n° 358561
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benjamin de Maillard
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:358561.20141210
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