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21/11/2014 | FRANCE | N°369899

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 21 novembre 2014, 369899


Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par les sociétés IMAO et Interatlas, qui ont leur siège 81 rue de l'Aéroport à Limoges (87100), représentées par leur président en exercice ; les sociétés IMAO et Interatlas demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le directeur général de l'aviation civile sur leur demande tendant à l'abrogation de l'information aéronautique AIP France, ENR 1.9-4, en tant qu'elle instaure une

priorité au bénéfice de l'Institut national de l'information géographique et ...

Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par les sociétés IMAO et Interatlas, qui ont leur siège 81 rue de l'Aéroport à Limoges (87100), représentées par leur président en exercice ; les sociétés IMAO et Interatlas demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le directeur général de l'aviation civile sur leur demande tendant à l'abrogation de l'information aéronautique AIP France, ENR 1.9-4, en tant qu'elle instaure une priorité au bénéfice de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) sur les autres missions cartographiques aériennes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à chacune des requérantes, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le code des transports ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 ;

Vu le décret n° 2011-1371 du 27 octobre 2011 ;

Vu le décret n° 2012-772 du 24 mai 2012 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Vassallo-Pasquet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

1. Considérant que, par lettre adressée au directeur général de l'aviation civile le 8 mars 2013, les sociétés IMAO et Interatlas, spécialisées dans la photographie aérienne, ont demandé l'abrogation des dispositions de l'information aéronautique AIP France ENR 1.9-4 selon lesquelles : " Les vols de l'institut géographique national (IGN) qui s'inscrivent dans le cadre de l'article 2 du décret n° 2011-1371 relatif à l'IGN ont la priorité sur les autres missions cartographiques de travail aérien " ; qu'elles demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet, née du silence gardé sur leur demande ;

Sur la compétence du directeur général de l'aviation civile pour prendre l'instruction contestée :

2. Considérant, d'une part, que les dispositions des articles D. 131-1 à D. 131-3 du code de l'aviation civile donnent compétence au ministre chargé de l'aviation civile pour réglementer l'utilisation de l'espace aérien national ; qu'il résulte, d'autre part, des dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que le directeur général de l'aviation civile avait qualité, eu égard aux attributions qui sont les siennes en vertu du décret du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour prendre les dispositions contestées, par délégation de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargée de l'aviation civile par le décret du 24 mai 2012 relatif à ses attributions ;

Sur le respect des règles de concurrence et de la liberté du commerce et de l'industrie :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 27 octobre 2011 relatif à l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), cet établissement public administratif a notamment la charge de " réaliser et renouveler périodiquement la couverture en imagerie aérienne ou satellitaire de l'ensemble du territoire national ", de " constituer et de mettre à jour, sur l'ensemble du territoire national, les bases géographiques et les fonds cartographiques " destinés notamment à l'élaboration du référentiel à grande échelle, de " diffuser les bases de données géographiques et forestières ainsi que les fonds cartographiques qu'il constitue " ; qu'il doit également " constituer et mettre à jour les bases de données relatives aux ressources et aux milieux forestiers " ;

4. Considérant, d'une part, que les dispositions contestées de l'information aéronautique AIP France ENR 1.9-4 assurent aux vols de l'IGN effectués dans le cadre des missions définies à l'article 2 du décret du 27 octobre 2011 non une exclusivité mais une simple priorité en cas de demandes multiples présentées pour les mêmes jours sur les mêmes secteurs géographiques ; que ces dispositions n'ont ainsi pas pour objet d'accorder à cet établissement des droits exclusifs ou de lui conférer une position dominante sur le marché concurrentiel de la cartographie aérienne ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que l'IGN aurait obtenu significativement plus d'autorisations de vol que les sociétés requérantes, ni que ces dernières n'auraient pu effectuer la plupart des missions qu'elles avaient prévues, ni que la baisse récente alléguée de leur chiffre d'affaires trouverait son origine dans l'application des dispositions de l'instruction mise en cause ; que, par suite, les dispositions contestées ne peuvent être regardées comme ayant pour effet d'accorder à l'IGN des droits exclusifs ou de lui conférer une position dominante ; que le directeur général de l'aviation civile pouvait légalement prendre en considération les missions d'intérêt général assignées à l'IGN par l'article 2 du décret du 27 octobre 2011 pour faire bénéficier cet établissement public d'une priorité pour ses vols lorsque sont présentées simultanément, par plusieurs opérateurs, des demandes d'autorisation de vol concurrentes sur le même secteur géographique ; que les moyens tirés de ce que les dispositions litigieuses, par elles-mêmes, mettraient l'IGN en situation d'abuser automatiquement de sa position dominante ou d'un droit exclusif qui lui aurait été accordé ne peuvent, dès lors, qu'être écartés ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que les vols de cartographie aérienne, en raison de leurs exigences particulières, sont concentrés sur un faible nombre de jours de l'année de nature à garantir une durée suffisante d'éclairement, qui sont également des journées de trafic commercial important ; que les vols, et par suite les demandes d'autorisation, ne peuvent être anticipés qu'à échéance d'un faible nombre de jours, compte tenu de leur dépendance aux variations météorologiques ; que l'autorité chargée du contrôle de la circulation aérienne et, en particulier, de sa sécurité a la charge de répartir, en fonction de ces contraintes, les autorisations de vol entre les différents opérateurs de photographie aérienne ; qu'il lui appartient, dans les limites compatibles avec le respect des règles de concurrence et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, de permettre, le cas échéant, aux organismes chargés d'un service public ou d'une mission d'intérêt général d'exercer la mission qui leur a été confiée ;

7. Considérant que l'instruction contestée limite la priorité accordée à l'IGN aux seules missions d'intérêt général que lui attribuent les dispositions précitées du décret du 27 octobre 2011 ; que si les sociétés requérantes soutiennent que l'IGN userait de cette priorité pour des missions autres que celles d'intérêt général, cette circonstance, à la supposer exacte, est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de l'instruction litigieuse qui n'autorise pas une telle utilisation de cette priorité ; que les conditions dans lesquelles l'IGN contracte avec les collectivités territoriales pour vendre des prestations concurrentes de celle des sociétés requérantes sont dépourvues d'incidence sur la légalité de l'instruction litigieuse ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la requête, les sociétés IMAO et Interatlas ne sont pas fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision qu'elles attaquent ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mises à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes demandées par les sociétés requérantes ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête des sociétés IMAO et Interatlas est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée aux sociétés IMAO et Interatlas, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à l'Institut national de l'information géographique et forestière.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 369899
Date de la décision : 21/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2014, n° 369899
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Bénédicte Vassallo-Pasquet
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:369899.20141121
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