Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société Lozère distribution, dont le siège est Quartier de la Croix Blanche, à Florac (48400), représentée par son président directeur général en exercice ; la société Lozère distribution demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 1906 T du 11 septembre 2013 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société " L'immobilière européenne des Mousquetaires " l'autorisation préalable requise en vue de l'extension d'un ensemble commercial, par création d'un supermarché d'enseigne Intermarché de 1 250 m² et d'une boutique de 150 m², à Florac (Lozère) ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
Vu le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société " L'immobilière européenne des Mousquetaires " ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-21 du code de commerce : " En cas de rejet pour un motif de fond de la demande d'autorisation par la commission nationale susmentionnée, il ne peut être déposé de nouvelle demande par le même pétitionnaire, pour un même projet, sur le même terrain pendant une période d'un an à compter de la date de la décision de la commission nationale " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si, par une décision du 27 juin 2013, la Commission nationale d'aménagement commercial avait refusé à la société " L'immobilière européenne des Mousquetaires " l'autorisation de créer un supermarché " Intermarché " d'une surface de vente de 1 300 m² sur le même site que celui retenu pour le projet autorisé par la décision attaquée, le projet autorisé prévoit la création d'un ensemble commercial composé d'un supermarché " Intermarché " de 1 250 m² et d'une boutique de 150 m² et présente des modifications notables, notamment en matière d'insertion paysagère ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le projet attaqué méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 752-21 du code de commerce au motif qu'il serait identique au projet précédemment refusé ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne les avis des ministres intéressés :
3. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 752-51 du code de commerce : " Le commissaire du gouvernement recueille les avis des ministres intéressés, qu'il présente à la commission nationale " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 752-16 du même code : " Pour les projets d'aménagement commercial, l'instruction des demandes est effectuée conjointement par les services territorialement compétents chargés du commerce ainsi que ceux chargés de l'urbanisme et de l'environnement " ;
4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les ministres intéressés, au sens de l'article R. 752-51 du code de commerce, sont ceux qui ont autorité sur les services chargés d'instruire les demandes, soit les ministres en charge du commerce, de l'urbanisme et de l'environnement ; qu'il ressort des pièces du dossier que les avis de ces ministres ont été présentés à la commission et ont été signés par des personnes dûment habilitées à cet effet ; que, dès lors, les moyens tirés de l'irrégularité de la consultation des ministres intéressés doivent être écartés ;
5. Considérant que si le requérant soutient que les ministres intéressés n'ont pas disposé de l'entier dossier de demande pour se prononcer sur le projet, ces allégations ne sont pas assorties de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
En ce qui concerne l'appréciation de la commission nationale :
6. Considérant qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code ; que l'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs ; que, lorsque l'instruction fait apparaître que, pour satisfaire aux objectifs fixés par le législateur en matière d'aménagement du territoire ou de développement durable, des aménagements sont nécessaires, l'autorisation ne peut être accordée que si la réalisation de tels aménagements à l'ouverture de l'ensemble commercial est suffisamment certaine ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet aura un faible impact sur le trafic routier et que la RN 106 qui dessert la zone d'activités dans laquelle il s'inscrit est suffisamment dimensionnée pour absorber l'augmentation qui en résultera ; que l'accès à l'équipement projeté se fera par un " tourne à gauche " existant et que la création d'un giratoire est prévue de façon suffisamment certaine par des délibérations des instances compétentes ; qu'ainsi, la société Lozère distribution n'est pas fondée à soutenir que la commission nationale aurait méconnu l'objectif d'aménagement du territoire fixé par le législateur ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'instruction, que le risque résultant de la présence d'une partie du terrain d'assiette du projet en zone inondable est suffisamment pris en compte par les aménagements prévus conformément au plan de prévention du risque inondation de Florac ; qu'il ressort également des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'accès au site pour les piétons et les modes de " transport doux " sera sécurisé par des voies protégées et des passages piétons ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce que le projet porterait atteinte à l'objectif de protection des consommateurs doivent être écartés ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la société requérante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Lozère distribution le versement de la somme de 4 000 euros à la société " L'immobilière européenne des Mousquetaires " au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Lozère distribution est rejetée.
Article 2 : La société Lozère distribution versera la somme de 4 000 euros à la société " L'immobilière européenne des Mousquetaires " en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Lozère distribution et à la société " L'immobilière européenne des Mousquetaires ".
Copie en sera adressée pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.