Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février et 26 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme B...A..., demeurant... ; M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11PA02972-11PA02973 du 6 décembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur les recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, a annulé le jugement n° 0800020 du 19 avril 2011 du tribunal administratif de Paris et a remis à leur charge l'obligation de payer la somme de 52 183,51 euros procédant de trois avis à tiers détenteur en date du 5 juillet 2007 du trésorier principal du 16ème arrondissement de Paris pour obtenir le paiement des cotisations de taxe foncière, de taxe d'habitation, d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dues au titre des années 1990 à 1994, ainsi que de la majoration de recouvrement de 10 % et des frais de poursuite ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les recours du ministre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maxime Boutron, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de M. et MmeA... ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une réclamation du 3 septembre 2007, M. et Mme A...ont demandé au trésorier du 16ème arrondissement de Paris la décharge de l'obligation de payer la somme de 52 185, 51 euros procédant de trois avis à tiers détenteur du 5 juillet 2007 délivrés à la SARL Régie média communication pour obtenir le paiement de cotisations de taxe foncière, de taxe d'habitation, d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 1990 à 1994 ainsi que de la majoration de recouvrement de 10 % et des frais de poursuite ; que, par un jugement du 19 avril 2011, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de l'obligation de payer cette somme ; que, sur appel du ministre, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement par un arrêt du 6 décembre 2012 et remis à la charge des contribuables l'obligation de payer cette somme ; que M. et Mme A...se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;
Sur l'obligation de payer l'impôt sur le revenu, les contributions sociales, ainsi que la majoration de recouvrement de 10% et les frais de poursuite portant sur ces impositions :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux actes de recouvrement contestés : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription. " ; que des actes de recouvrement adressés en poste restante, qui est un service ouvert aux particuliers, distinct de celui des boîtes postales, par lequel le destinataire n'est pas avisé de la réception des plis qui lui sont adressés, ne sont susceptibles d'interrompre la prescription de l'action en vue du recouvrement d'impositions que lorsqu'il résulte de l'instruction que le contribuable a lui-même sollicité l'envoi ou la réexpédition de son courrier en poste restante en accomplissant les démarches nécessaires à cette fin auprès de l'administration postale ou auprès de l'administration fiscale ; que, dans les autres cas, les actes de recouvrement adressés en poste restante ne peuvent interrompre la prescription de l'action en vue du recouvrement, quelle que soit la mention qui figure sur le courrier retourné à l'administration fiscale ;
3. Considérant, dès lors, qu'en jugeant que trois commandements de payer en date du 2 avril 1999, trois avis à tiers détenteurs en date du 28 mai 2001, deux commandements de payer en date du 28 mai 2001 et quatre commandements de payer en date du 29 avril 2002, adressés le 29 avril 2002 en poste restante au bureau de Gouvion Saint Cyr dans le 17ème arrondissement de Paris et revenus avec la mention " non réclamé retour à l'envoyeur ", avaient régulièrement interrompu la prescription de l'action en vue du recouvrement, sans rechercher si M. et Mme A...avait demandé à bénéficier du service de poste restante, la cour a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler son arrêt, en tant qu'il statue sur l'obligation de payer l'impôt sur le revenu, les contributions sociales, la majoration de recouvrement de 10% ainsi que les frais de poursuite relatifs à ces impositions ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que des commandements de payer ont été délivrés aux contribuables le 23 septembre 2004 à l'adresse qu'ils avaient déclarée ; qu'ainsi, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a pris en compte des commandements de payer du 23 septembre 2002 pour juger que l'action en vue du recouvrement des impositions mises à la charge de M. et Mme A...était prescrite lorsqu'ont été délivrés les avis à tiers détenteur du 5 juillet 2007 ;
6. Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A...dans leur demande présentée devant le tribunal administratif de Paris puis devant la cour administrative d'appel de Paris ;
7. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les commandements de payer délivrés le 23 septembre 2004 comportaient la mention des délais de recours ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'action en recouvrement était prescrite à la date du 23 septembre 2004 peut être invoqué à l'appui de la contestation des actes du 5 juillet 2007 ; que les trois commandements de payer en date du 2 avril 1999, les trois avis à tiers détenteurs en date du 28 mai 2001, les deux commandements de payer en date du 28 mai 2001 et les quatre commandements de payer en date du 29 avril 2002, adressés en poste restante le 29 avril 2002 au bureau de Gouvion-Saint-Cyr dans le 17ème arrondissement de Paris et revenus avec la mention " non réclamé retour à l'envoyeur ", ne peuvent avoir interrompu l'action en vue du recouvrement, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. et Mme A...avaient demandé à bénéficier du service de poste restante ; qu'ainsi, au 23 septembre 2004 et, par suite, lorsqu'ont été délivrés les avis à tiers détenteur le 5 juillet 2007, l'action en vue du recouvrement était prescrite ; que le ministre des finances et des comptes publics n'est, par suite, pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déchargé M. et Mme A...de l'obligation de payer la somme correspondant à l'impôt sur le revenu, aux contributions sociales, ainsi qu'à la majoration de recouvrement de 10 % et aux frais de poursuite relatifs à ces impositions, procédant des trois avis à tiers détenteurs en date du 5 juillet 2007 ;
Sur l'obligation de payer la taxe foncière et la taxe d'habitation ainsi que la majoration de recouvrement et les frais de poursuite portant sur ces impositions :
8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué devant la cour administrative d'appel de Paris : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du rapporteur public, sous réserve de l'application de l'article R. 732-1-1 (...) / 5° Sur les recours relatifs aux taxes syndicales et aux impôts locaux autres que la taxe professionnelle ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 811-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date du jugement attaqué : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, dans les litiges énumérés aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° de l'article R. 222-13 le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsqu'il statue sur un litige de recouvrement relatif à la taxe foncière ou à la taxe d'habitation, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort ; qu'il suit de là que, dès lors que des demandes distinctes relevant de voies de recours différentes ne sauraient présenter entre elles un lien de connexité, la cour a méconnu sa compétence en statuant sur le recours du ministre dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 avril 2011 en tant qu'il porte sur le recouvrement de la taxe foncière, de la taxe d'habitation, de la majoration de recouvrement de 10 % et des frais de poursuite relatifs à ces impositions ; qu'il y a lieu d'annuler son arrêt dans cette mesure ;
9. Considérant que le Conseil d'Etat se trouve saisi, en tant que juge de cassation, des conclusions du ministre dirigées contre le jugement en tant qu'il prononce la décharge de l'obligation de payer la taxe foncière et la taxe d'habitation ainsi que la majoration de recouvrement de 10 % et les frais de poursuite relatifs à ces impositions ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des commandements de payer ont été délivrés aux contribuables le 23 septembre 2004 à l'adresse qu'ils avaient déclarée ; que, par suite, le tribunal administratif de Paris a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en retenant des commandements de payer datés du 23 septembre 2002 pour juger que la prescription de l'action en recouvrement prévue par les dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales était acquise au 5 juillet 2007 ; que son jugement doit par suite être annulé en tant qu'il statue sur l'obligation de payer la taxe foncière et la taxe d'habitation ainsi que la majoration de recouvrement de 10 % et les frais de poursuite relatifs à ces impositions ;
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
12. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, les trois commandements de payer en date du 2 avril 1999, les trois avis à tiers détenteurs en date du 28 mai 2001, les deux commandements de payer en date du 28 mai 2001 et les quatre commandements de payer en date du 29 avril 2002 adressés en poste restante au bureau de Gouvion Saint-Cyr dans le 17ème arrondissement de Paris et revenus avec la mention " non réclamé retour à l'envoyeur " ne peuvent avoir interrompu l'action en vue du recouvrement, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. et Mme A...avaient demandé à bénéficier du service de poste restante ; qu'ainsi le délai de recouvrement était expiré à la date du 9 juillet 2007 à laquelle ont été délivrés les avis à tiers détenteurs litigieux ; que M. et Mme A...sont par suite fondés à demander la décharge de l'obligation de payer les cotisations de taxe foncière et de taxe d'habitation ainsi que la majoration de recouvrement de 10% et les frais de poursuite relatifs à ces impositions, procédant des avis à tiers détenteurs du 5 juillet 2007 ;
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A...d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 décembre 2012 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 avril 2011 est annulé en tant qu'il statue sur l'obligation de payer les cotisations de taxe foncière et de taxe d'habitation ainsi que la majoration de recouvrement de 10 % et les frais relatifs à ces impositions, procédant des avis à tiers détenteurs du 5 juillet 2007.
Article 3 : L'appel du ministre dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 avril 2011 en tant qu'il statue sur l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu, les contributions sociales, ainsi que la majoration de recouvrement de 10 % et les frais de poursuite relatifs à ces impositions, procédant des avis à tiers détenteurs du 5 juillet 2007, est rejeté.
Article 4 : M. et Mme A...sont déchargés de l'obligation de payer les cotisations de taxe foncière, de taxe d'habitation et la majoration de recouvrement de 10 % et les frais relatifs à ces impositions, procédant des avis à tiers détenteurs du 5 juillet 2007.
Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.