Vu le mémoire, enregistré le 17 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. et Mme A...B..., demeurant..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 12LY03014 en date du 9 juillet 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 109, 112, 120 et 161 et du 8 ter de
l'article 150-0 D du code général des impôts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 1er et 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 ;
Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme B...;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) " ; que l'article 112 du même code, dans sa rédaction, issue de la loi du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, en vigueur lors de l'année d'imposition en litige, énumère les répartitions ou amortissements effectués par une société et qui, par exception à l'article 109, n'ont pas le caractère de revenus distribués, au nombre desquels figurent, au 6° : " Les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions, lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce. (...) " ; que l'article 120 du même code, dans sa rédaction, issue de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, en vigueur lors de l'année d'imposition en litige, énumère les répartitions effectuées par une société ayant son siège social à l'étranger et qui ont le caractère de revenus ; qu'en vertu du 8 ter de l'article 150-0 D du même code, la différence entre le prix de rachat et le prix d'acquisition des titres rachetés, diminuée du montant du revenu distribué imposable à l'impôt sur le revenu au titre du rachat dans les conditions prévues aux articles 109, 112, 120 et 161 a le caractère d'une plus-value de cession de valeurs mobilières ; qu'enfin, aux termes de l'article 161 du même code : " Le boni attribué lors de la liquidation d'une société aux titulaires de droits sociaux en sus de leur apport n'est compris, le cas échéant, dans les bases de l'impôt sur le revenu que jusqu'à concurrence de l'excédent du remboursement des droits sociaux annulés sur le prix d'acquisition de ces droits dans le cas où ce dernier est supérieur au montant de l'apport. (...) / Les dispositions de la première phrase du premier alinéa sont applicables dans le cas où la société rachète au cours de son existence les droits de certains associés, actionnaires ou porteurs de parts bénéficiaires " ;
3. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que les dispositions précitées du code général des impôts méconnaissent les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par l'article 1er de la Constitution ;
4. Considérant que le litige soulevé par M. et Mme B...a trait au régime d'imposition des sommes que M. B...a perçues en 2006 de la société Glemac, dont le siège social est situé en France et dont il était l'un des deux associés et cogérants, en contrepartie du rachat de ses parts dans cette même société ; qu'ainsi, les dispositions du 2° du 1 de l'article 109, du 6° de l'article 112, du 8 ter de l'article 150-0 D et du second alinéa de l'article 161 du code général des impôts sont applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu'en revanche, les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, qui sont relatives aux bénéfices qui ne sont pas réinvestis dans la société, les dispositions de l'article 112 autres que celles de son 6°, qui sont relatives à des répartitions autres que les sommes perçues en remboursement du rachat par une société de ses propres actions, les dispositions de l'article 120, qui concernent les revenus versés par des sociétés dont le siège social est situé à l'étranger, et les dispositions du premier alinéa de l'article 161, qui sont relatives au boni de liquidation d'une société, ne sont pas applicables au litige ;
5. Considérant que les dispositions du 2° du 1 de l'article 109, du 6° de l'article 112, du 8 ter de l'article 150-0 D et du second alinéa de l'article 161 du code général des impôts n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles méconnaissent les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de ces dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du 2° du 1 de l'article 109, du 6° de l'article 112, du 8 ter de l'article 150-0 D et du second alinéa de l'article 161 du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de M. et Mme B...jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution du 1° du 1 de l'article 109, des 1° à 3°, du 5° et du 7° de l'article 112, de l'article 120 et du premier alinéa de l'article 161 du code général des impôts.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au Premier ministre.