Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 décembre 2012, présentée pour M. et Mme C...D..., domiciliés 7, chemin du Letsay à Annecy le Vieux (74940) ;
M. et Mme D...demandent à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0900774 du 12 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge, en droits et intérêts, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2006, et à la restitution des sommes versées, assorties des intérêts moratoires ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et intérêts, de l'imposition contestée et la restitution des sommes versées à tort ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que l'opération du 2 octobre 2006 par laquelle la société Glemac a racheté à M. D...ses propres titres ne peut s'analyser en une distribution de revenus au sens des articles 109, 120, 112 et 161 du code général des impôts ; qu'ils ne sont imposables que dans la catégorie des plus-values de cession dès lors que le rachat des titres n'a pas été suivi d'une réduction de capital sous réserve de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts ; que la proposition de rectification qui leur a été adressée le 5 décembre 2007 est insuffisamment motivée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 2013, présenté pour M. et MmeD..., tendant aux mêmes fins que la requête susvisée par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2013 :
- le rapport de M. Bourrachot, président,
- et les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public ;
1. Considérant que M. et Mme C...D...ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leur déclaration de revenus au titre de l'année 2006 ; que le contrôle a révélé que M. D...était, jusqu'au 2 octobre 2006, l'un des deux cogérants et associés à parts égales avec M. A...B...de la société civile Glemac, société assujettie à l'impôt sur les sociétés, dont le capital social s'établissait alors à un montant de 868 930 euros, divisé en 56 060 parts de 15,50 euros ; que cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période courant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; que, lors de la vérification, il a été constaté que par décision du 26 septembre 2006, l'assemblée générale extraordinaire avait autorisé la société à procéder au rachat des 28 030 parts sociales de M.D..., moyennant le prix de 2 500 000 euros, soit à une valeur unitaire de 89,19 euros ; qu'afin de permettre à la société de procéder au rachat de ses titres, l'assemblée a décidé d'emprunter la somme de 2 000 000 euros auprès de divers établissements bancaires ; que, le 2 octobre 2006, la société Glemac a effectivement racheté à M. D...28 030 de ses propres titres, d'une valeur nominale de 427 177 euros pour un montant de 2 500 000 euros ; que, de ce fait, le capital social de la société civile Glemac se trouvait réparti pour moitié entre elle-même et son associé désormais unique, M.B... ; que, dans leur déclaration de revenus au titre de l'année 2006, M. et Mme D...ont regardé les revenus tirés de cette opération comme une plus-value totalement exonérée d'impôt sur le revenu par application de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts ; que l'administration fiscale a, pour sa part, estimé que l'excédent du prix de rachat sur le montant des apports compris dans la valeur nominale des titres, soit 2 072 823 euros (2 500 000 euros - 427 177 euros) constituait, en application des dispositions des articles 109, 112 et 161 du code général des impôts, un revenu distribué taxable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que le rehaussement correspondant, opéré dans le cadre d'une procédure contradictoire, a été porté à la connaissance de M. D...par une proposition de rectification du 5 décembre 2007 ; qu'en dépit des observations formées par le contribuable le 4 janvier 2008, la rectification a été maintenue dans son principe et dans son montant par lettre du 28 janvier 2008 ; que l'imposition supplémentaire résultant du contrôle, assortie des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts et des majorations pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du même code, a été mise en recouvrement le 30 avril 2008 ; qu'après le rejet de leur réclamation par décision du 17 décembre 2008, M. et Mme D...ont saisi le Tribunal administratif de Grenoble par une demande en décharge enregistrée le 7 février 2009 ; que, par jugement du 12 octobre 2012, le Tribunal, après avoir déchargé les époux D...de la pénalité pour manquement délibéré, a rejeté le surplus de la demande ; que M. et Mme D...interjettent appel de l'article 2 du jugement rejetant le surplus de leur demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'aux termes de l'article R.* 57-1 du livre précité : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions des articles L. 57 et R.* 57-1 du livre des procédures fiscales que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; que l'administration fiscale n'est ainsi, en règle générale, pas tenue de mentionner, dans la proposition de rectification qu'elle adresse au contribuable, les textes dont elle fait application, sauf lorsque cette mention est nécessaire pour éclairer l'intéressé sur les considérations de droit fondant la rectification envisagée et lui permettre de la discuter utilement ; qu'enfin, la régularité d'une proposition de rectification ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;
4. Considérant que la proposition de rectification du 5 décembre 2007 comporte la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition, de la base d'imposition et énonce les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile, ce qu'il a d'ailleurs fait le 4 janvier 2008 ; qu'au surplus, les textes légaux applicables étaient visés dans la proposition de rectification, et cités en grande partie, l'administration énonçant les motifs pour lesquels les articles cités, notamment l'article 161 trouvaient à s'appliquer ; que les requérants ne sont pas fondés à reprocher à une telle motivation de ne pas avoir évoqué le cas des " sociétés civiles qui rachèteraient leurs actions " alors qu'il était indiqué que les opérations concernées par les dispositions légales citées s'entendaient de toutes les opérations de rachat effectuées par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés et notamment " des opérations de rachat ou de droits sociaux réalisées par les sociétés qui ne sont pas régies par les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et qui, par construction, ne peuvent pas se prévaloir des régimes spéciaux prévus en cas de rachat en vue d'une attribution aux salariés et de rachat opéré dans le cadre d'un plan de rachat d'actions. " ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) " ; qu'aux termes de l'article 112 du même code : " Ne sont pas considérés comme revenus distribués : (...) 6° Les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions, lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce. Le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est alors applicable (...) " ; qu'aux termes de l'article 161 du même code : " Le boni attribué lors de la liquidation d'une société aux titulaires de droits sociaux en sus de leur apport n'est compris, le cas échéant, dans les bases de l'impôt sur le revenu que jusqu'à concurrence de l'excédent du rachat des droits sociaux sur le prix d'acquisition de ces droits dans le cas où ce dernier est supérieur au montant de l'apport (...) Les dispositions de la première phrase du premier alinéa sont applicables dans le cas où la société rachète au cours de son existence les droits de certains associés, actionnaires ou porteurs de parts bénéficiaires (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une société, même civile, rachète, au cours de son existence, à certains de ses associés ou actionnaires, personnes physiques, les droits sociaux qu'ils détiennent, l'excédent éventuel du remboursement des droits sociaux sur le prix d'acquisition de ceux-ci, dans la mesure où ce prix d'acquisition est supérieur au montant de l'apport remboursable en franchise d'impôt, constitue, sauf dans les hypothèses particulières où le législateur en aurait disposé autrement, non un gain net en capital relevant du régime d'imposition des plus-values de cession, mais un boni de cession qui a la même nature qu'un boni de liquidation, imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que ces dispositions précitées sont applicables, hormis les hypothèses particulières prévues par législateur, aux opérations de rachat de titres non suivies d'une réduction de capital ;
6. Considérant que les dispositions du 6 du II de l'article 150-0 A du code général des impôts en vigueur pour la période litigieuse prévoient la taxation selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux du gain net réalisé par l'associé lors d'un rachat par une société de ses propres titres, que ces opérations soient réalisées par une société établie en France ou à l'étranger ; que les dispositions du 8 ter de l'article 150-0 D précisent, dans leur rédaction applicable aux rachats par une société de ses propres titres réalisés à compter du 1er janvier 2006, que le gain net mentionné au 6 du II de l'article 150-0 A est égal à la différence entre le montant du remboursement et le prix ou la valeur d'acquisition ou de souscription des titres rachetés, diminuée du montant du revenu distribué imposable à l'impôt sur le revenu au titre du rachat dans les conditions prévues aux articles 109, 112 et 161 ; que les dispositions des articles 150-0 A et suivants du code général des impôts n'ont ni pour objet ni pour effet d'exclure l'imposition des revenus distribués sur le fondement des articles 109, 112 et 161 du code général des impôts ;
7. Considérant que la combinaison des dispositions précitées permet d'imposer comme revenu distribué l'excédent du prix de rachat des titres sur le montant des apports compris dans la valeur nominale des titres rachetés et de taxer selon le régime des plus-values l'excédent du montant des apports sur le prix d'acquisition sous réserve de dispositions spéciales prévoyant des exonérations ou abattements ;
8. Considérant que la circonstance que la société Glemac, après avoir racheté ses propres titres, les a inscrits à un compte d'immobilisation en vue de les revendre ne permet pas de faire regarder la cession du 2 octobre 2006 comme une cession à un tiers ;
9. Considérant qu'en raison du caractère civil de la société Glemac, les requérants ne peuvent utilement invoquer le bénéfice de l'exception prévue par les dispositions du 6° de l'article 112 du code général des impôts ;
10. Considérant qu'en raison de l'absence de toute imposition selon le régime des plus-values, les requérants ne peuvent utilement invoquer le bénéfice du dispositif prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts ;
11. Considérant que la circonstance que l'acte de cession des titres de la société Glemac ait été enregistré après application d'un droit de vente de 5 % applicable aux cessions de parts sociales est, en tout état de cause, sans incidence sur la qualification de l'opération et le régime d'imposition des sommes versées au profit de M.D... ;
12. Considérant que le moyen tiré de ce que " l'administration fiscale n'est pas le juge de la validité juridique d'une opération " est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme D... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... D...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2013 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
M. Bourrachot, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 juillet 2013.
''
''
''
''
2
N° 12LY03014
ld