Vu l'ordonnance n° 12DA00079 du 23 février 2012, enregistrée le 27 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par la commune de Dieudonné ;
Vu le pourvoi, enregistré le 17 janvier 2012 au greffe de la cour administrative de Douai, et le nouveau mémoire, enregistré le 5 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Dieudonné, représentée par son maire ; la commune de Dieudonné demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 0901930 du 15 novembre 2011 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il l'a condamnée à verser une indemnité de 5 000 euros à M. et Mme A..., de 3 100 euros à M. et MmeE..., de 3 000 euros à M. et Mme H...et de 200 euros à M. et MmeC..., avec intérêts de droit, en réparation des préjudices ayant résulté pour eux du dysfonctionnement de la station d'épuration du lotissement '"La Résidence du Château", et mis à sa charge les frais d'expertise, fixés à 6 741,57 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les demandes dirigées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de M. et MmeH..., M. et MmeE..., M. et Mme C... et M. et Mme A...le versement d'une somme de 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que le remboursement de la contribution pour l'aide juridique au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Charles Touboul, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de la commune de Dieudonné et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de l'association " Les cris de Dieudonné ", de M. et Mme D...H..., de M. et Mme B...E..., de M. et Mme G...C..., de M. et Mme F...A...et de l'association " Regroupement des organisations de sauvegarde de l'Oise ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, lors de la réalisation en 1983 d'un lotissement dénommé " La résidence du Château " sur le territoire de la commune de Dieudonné (Oise), une station d'épuration a été édifiée afin de traiter les eaux usées avant leur rejet dans un fossé destiné à recueillir les eaux pluviales ; qu'en raison d'une capacité insuffisante, cette station a connu dès sa mise en service d'importants dysfonctionnements, conduisant au déversement des eaux usées dans le fossé sans traitement préalable ; que les consortsH..., E..., C...etA..., propriétaires de biens immobiliers situés au voisinage du lotissement, ainsi que l'association " Les cris de Dieudonné " et l'association " Regroupement des organisations de sauvegarde de l'Oise " (ROSO), ont recherché la responsabilité de la commune à raison des nuisances engendrées par ce dysfonctionnement ; que, par un jugement en date du 15 novembre 2011, le tribunal administratif d'Amiens a fait partiellement droit aux conclusions des propriétaires requérants en retenant que si aucune faute ne pouvait être reprochée au maire dans l'usage de ses pouvoirs de police la responsabilité sans faute de la commune de Dieudonné était engagée à leur égard au titre des préjudices ayant résulté pour eux du fonctionnement de la station d'épuration ; que le tribunal a, en revanche, rejeté les conclusions des associations au motif qu'elles n'avaient subi aucun préjudice ; que la commune se pourvoit en cassation contre le jugement en tant qu'il la condamne à verser diverses sommes aux propriétaires et met à sa charge les frais d'expertise ; que les propriétaires et les associations demandent, par la voie du pourvoi incident, que le jugement soit annulé en tant qu'il ne fait pas intégralement droit à leurs demandes ;
Sur le pourvoi principal :
2. Considérant que pour condamner la commune de Dieudonné à indemniser les propriétaires requérants au titre de sa responsabilité sans faute, le tribunal administratif, après avoir relevé que la station d'épuration du lotissement avait cessé de fonctionner correctement à compter de 1983 en raison d'une capacité insuffisante, ce qui avait entraîné le déversement des eaux usées du lotissement, sans traitement préalable, directement dans le fossé des eaux pluviales traversant ou longeant les terrains des propriétaires requérants, a estimé que les intéressés avaient subi des nuisances olfactives et visuelles importantes et répétées excédant les inconvénients que doivent normalement supporter dans l'intérêt général les propriétaires de fonds voisins de tels ouvrages ; qu'en condamnant ainsi la commune à réparer les dommages causés par la station d'épuration sans caractériser la nature de cet ouvrage, le tribunal n'a pas légalement justifié sa décision ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi principal, son jugement doit être annulé en tant qu'il statue sur la responsabilité de la commune de Dieudonné à l'égard des consortsH..., E..., C...etA... ;
Sur le pourvoi incident :
En ce qui concerne le pourvoi incident en tant qu'il émane des propriétaires :
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions des consortsH..., E..., C...et A...ont perdu leur objet en tant qu'elles sont dirigées contre la partie du jugement qui statue sur leur demande ;
En ce qui concerne le pourvoi incident en tant qu'il émane des associations :
4. Considérant qu'en tant qu'il émane des associations, dont les premiers juges ont rejeté les conclusions, relatives à des préjudices distincts de ceux en cause dans le pourvoi principal et dont la réparation était demandée sur un fondement différent, le pourvoi incident soulève un litige distinct de celui qui fait l'objet du pourvoi principal de la commune de Dieudonné ; que les conclusions des associations sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées ;
5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Dieudonné au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Dieudonné qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 15 novembre 2011 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il statue sur la responsabilité de la commune de Dieudonné à l'égard de M. et Mme H..., M. et MmeE..., M. et Mme C...et M. et MmeA....
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif d'Amiens.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Dieudonné au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et MmeH..., M. et Mme E..., M. et Mme C...et M. et Mme A...tendant à l'annulation du jugement du 15 novembre 2011 en tant qu'il statue sur la responsabilité de la commune de Dieudonné à leur égard.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. et MmeH..., M. et MmeE..., M. et Mme C...et M. et Mme A...et les conclusions de l'association " Les cris de Dieudonné " et de l'association " Regroupement des organisations de sauvegarde de l'Oise " sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Dieudonné, à l'association " Les cris de Dieudonné ", à M. et Mme D...H..., à M. et Mme B...E..., à M. et Mme G...C..., à M. et Mme F...A..., et à l'association " Regroupement des organisations de sauvegarde de l'Oise ".