La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/01/2014 | FRANCE | N°363559

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 15 janvier 2014, 363559


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2012 et 28 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour La Poste, dont le siège est 44, boulevard de Vaugirard, Paris Cedex 15 (75757) ; La Poste SA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11DA00466 du 31 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, sur la requête de Mme A...B..., d'une part, annulé le jugement n° 0903015 du 12 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation

pour excès de pouvoir de la décision du 10 mars 2009 de la directri...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2012 et 28 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour La Poste, dont le siège est 44, boulevard de Vaugirard, Paris Cedex 15 (75757) ; La Poste SA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11DA00466 du 31 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, sur la requête de Mme A...B..., d'une part, annulé le jugement n° 0903015 du 12 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 10 mars 2009 de la directrice des ressources humaines de la direction opérationnelle territoriale courrier Nord de La Poste infligeant à Mme B...une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an dont neuf mois avec sursis et, d'autre part, annulé pour excès de pouvoir cette décision du 10 mars 2009 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme B...;

3°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 94-130 du 11 février 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tristan Aureau, Auditeur,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de La Poste, et à la SCP Boulloche, avocat de Mme B...;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme B..., agent technique de gestion de La Poste, s'est vu infliger une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an, dont neuf mois avec sursis, par une décision du 10 mars 2009 prise par la directrice des ressources humaines de la direction opérationnelle territoriale courrier Nord de la Poste ; que cette décision de sanction a été adoptée après qu'eut été convoquée la commission administrative paritaire pour une première réunion le 12 février 2009, lors de laquelle le quorum n'a pas été atteint, puis pour une seconde réunion qui s'est tenue le 24 février 2009 ; que la cour administrative d'appel de Douai, par l'arrêt contre lequel La Poste se pourvoit en cassation, s'est fondée sur la circonstance que les représentants du personnel à la commission administrative paritaire n'avaient pas été convoqués en nombre requis par les dispositions réglementaires applicables, pour annuler pour excès de pouvoir la sanction prononcée le 10 mars 2009 ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...avait, à l'appui de sa requête d'appel, fait valoir que la commission administrative paritaire avait été convoquée de façon non paritaire, pour la première comme pour la seconde réunion, un seul représentant du personnel étant appelé à siéger avec trois représentants de l'administration ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Douai n'a pas méconnu la portée des écritures qui lui étaient soumises en interprétant la requête comme soulevant un moyen tiré de que la procédure avait été irrégulière faute pour l'administration d'avoir convoqué le nombre requis de représentants du personnel en veillant, si nécessaire, au remplacement des membres élus qui ne pouvaient plus siéger compte tenu des changements ayant affecté leur situation statutaire ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la cour aurait, ce faisant, relevé d'office un moyen qui n'était pas soulevé et qui n'est pas d'ordre public ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté (...) " ; qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Dans chaque corps de fonctionnaires existent une ou plusieurs commissions administratives paritaires comprenant, en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants du personnel. [...] " ; qu'en vertu de l'article 67 de la même loi, le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination, qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline ;

4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 5 du décret du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de La Poste : " Les commissions administratives paritaires comprennent en nombre égal des représentants de La Poste et des représentants du personnel " ; qu'en vertu de l'article 6 du même décret, le nombre des représentants du personnel est de deux membres titulaires et de deux membres suppléants pour chacun des grades du corps représenté auprès de la commission administrative paritaire ; qu'aux termes de l'article 9 du même décret : " Si, avant l'expiration de son mandat, l'un des représentants du personnel, membre titulaire ou suppléant de la commission, se trouve dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'un des motifs énumérés à l'article 8 ci-dessus, il est remplacé, jusqu'au renouvellement de la commission, dans les conditions définies ci-après. / Lorsqu'un représentant titulaire se trouve dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, son suppléant est nommé titulaire et est remplacé par le premier candidat non élu de la même liste. / Lorsqu'un représentant suppléant se trouve dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, il est remplacé par le premier candidat non élu de la même liste. / Lorsqu'une liste se trouve dans l'impossibilité de pourvoir dans les conditions prévues aux deux alinéas précédents aux sièges de membres titulaires ou de membres suppléants auxquels elle a droit dans un grade, les sièges laissés vacants sont attribués selon la procédure prévue au dernier alinéa du b de l'article 21 lorsque la durée du mandat restant à courir est inférieure ou égale au tiers de la durée prévue au premier alinéa de l'article 7. Lorsque la durée du mandat restant à courir est supérieure au tiers de la durée prévue au premier alinéa de l'article 7, il est procédé au renouvellement de la commission pour la durée du mandat restant à courir. / Lorsqu'un représentant du personnel, membre titulaire ou suppléant de la commission, bénéficie d'une promotion de grade, il continue à représenter le grade au titre duquel il a été désigné " ; qu'aux termes de l'article 35 du même décret : " Lorsque les commissions administratives paritaires siègent en formation restreinte, seuls les membres titulaires et, éventuellement, leurs suppléants représentant le grade auquel appartient le fonctionnaire intéressé et les membres titulaires ou suppléants représentant le grade immédiatement supérieur ainsi qu'un nombre égal de représentants de l'exploitant public sont appelés à délibérer " ;

5. Considérant qu'en vertu de ces dispositions combinées, une commission administrative paritaire ne peut valablement délibérer, en formation restreinte comme en formation plénière, qu'à la condition qu'aient été régulièrement convoqués, en nombre égal, les représentants de l'administration et les représentants du personnel, membres de la commission, habilités à siéger dans la formation considérée, et eux seuls, et que le quorum ait été atteint ; que, si la règle de la parité s'impose ainsi pour la composition des commissions administratives paritaires, en revanche, la présence effective en séance d'un nombre égal de représentants du personnel et de représentants de l'administration ne conditionne pas la régularité de la consultation d'une commission administrative paritaire, dès lors que ni les dispositions précitées, ni aucune autre règle, ni enfin aucun principe ne subordonnent la régularité des délibérations des commissions administratives paritaires à la présence en nombre égal de représentants de l'administration et de représentants du personnel ;

6. Considérant que, pour annuler la décision attaquée, la cour administrative d'appel de Douai a jugé que cette décision avait été prise à l'issue d'une procédure entachée d'une irrégularité revêtant un caractère substantiel, faute pour La Poste d'avoir convoqué le nombre requis de représentants du personnel en veillant, si nécessaire, au remplacement des membres élus qui ne pouvaient plus siéger compte tenu des changements ayant affecté leur situation statutaire ;

7. Considérant, d'une part, que la continuité de l'action disciplinaire dans l'intérêt du service, invoquée par La Poste, ne saurait conduire à écarter les dispositions législatives et réglementaires qui régissent la procédure disciplinaire ; que, dès lors, en faisant application des dispositions du décret du 11 février 1994, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

8. Considérant, d'autre part, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

9. Considérant que l'obligation de convoquer régulièrement, en nombre égal, les représentants de l'administration et les représentants du personnel, membres d'une commission administrative paritaire constitue une garantie pour les fonctionnaires dont la situation est soumise à la commission ; que la cour administrative d'appel a souverainement constaté que La Poste n'avait convoqué, à la première comme à la seconde séance de la commission administrative paritaire, s'agissant des représentants du personnel, qu'un membre titulaire et un membre suppléant, soit moins du nombre requis par les dispositions du décret du 11 février 1994 ; que l'absence de convocation, en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants du personnel, membres de la commission administrative paritaire devant être regardé comme ayant, au vu des faits souverainement constatés par la cour et non argués de dénaturation, privé Mme B...d'une garantie, cette irrégularité est de nature à entacher la légalité de la décision de sanction prise le 10 mars 2009 ; que ce motif, qui répond à un moyen invoqué devant eux et dont l'examen n'implique aucune nouvelle appréciation des circonstances de fait, doit être substitué au motif de l'arrêt attaqué retenant le caractère substantiel de l'irrégularité en cause, dont il justifie le dispositif ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros à verser à Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de La Poste est rejeté.

Article 2 : La Poste versera à Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à La Poste et à Mme A...B....


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 363559
Date de la décision : 15/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jan. 2014, n° 363559
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Tristan Aureau
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE ; HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:363559.20140115
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award