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30/12/2013 | FRANCE | N°363247

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 30 décembre 2013, 363247


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 octobre 2012 et 7 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication, dont le siège est 68, boulevard Saint-Marcel à Paris (75005) ; l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le 1° de l'article 9 du décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 en tant qu'il concerne la presse quotidienne gratuite d'information politique et générale

ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 octobre 2012 et 7 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication, dont le siège est 68, boulevard Saint-Marcel à Paris (75005) ; l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le 1° de l'article 9 du décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 en tant qu'il concerne la presse quotidienne gratuite d'information politique et générale ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur son recours gracieux dirigé contre ces dispositions et, à titre subsidiaire, avant dire droit sur les conclusions de sa requête, de saisir l'Autorité de la concurrence, sur le fondement de l'article L. 462-3 du code de commerce, afin qu'elle examine la situation du secteur de l'imprimerie ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication (UNIC) ;

1. Considérant que le décret du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse et au fonds stratégique pour le développement de la presse a réformé les modalités d'attribution des aides à la presse, en premier lieu, en créant, à la place du fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale et du fonds d'aide au développement des services de presse en ligne, un fonds stratégique pour le développement de la presse comportant trois sections chargées de financer, pour la première, des projets de mutation et de modernisation industrielles bénéficiant à des agences de presse ou à des entreprises de presse éditrices de publications imprimées quotidiennes ou assimilées, pour la deuxième, des projets de développement et d'innovation technologiques des services de presse en ligne et, pour la troisième, des actions innovantes en vue de développer le lectorat des titres ou services de presse en ligne éligibles à l'une ou l'autre des deux premières sections du fonds, en deuxième lieu, en subordonnant l'attribution des aides au titre de ce fonds, au-delà d'un certain montant, à la conclusion avec l'Etat d'une convention cadre de trois ans fixant les engagements respectifs de l'entreprise bénéficiaire et de l'Etat et, en troisième lieu, en ajustant d'autres dispositifs d'aide existants ;

2. Considérant qu'eu égard à l'argumentation qu'elle a développée tant dans ses écritures que lors de l'audience d'instruction tenue par la 3ème sous-section du Conseil d'Etat, l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication, qui regroupe des entreprises du secteur de l'imprimerie et des industries graphiques, doit être regardée comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir du 1° de l'article 9 de ce décret en tant qu'il concerne la presse quotidienne gratuite d'information politique et générale ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur son recours gracieux dirigé contre ces dispositions, lesquelles sont divisibles du reste du décret ;

3. Considérant qu'en vertu du 1° de l'article 9 du décret attaqué, la première section du fonds stratégique pour le développement de la presse a notamment pour objet de contribuer au financement des projets de mutation et de modernisation industrielles qui soit bénéficient aux entreprises de presse éditrices d'au moins une publication quotidienne ou assimilée payante d'information politique et générale ou d'information sportive ou d'un hebdomadaire payant régional ou départemental d'information politique et générale, soit émanent de " la presse quotidienne gratuite d'information politique et générale (...), pour la part des tirages des titres concernés confiée à une imprimerie de presse, cette dernière étant définie en ce qu'elle applique la convention collective des ouvriers des entreprises de presse de la région parisienne, la convention collective de travail des cadres techniques de la presse quotidienne parisienne ou les conventions collectives de la presse quotidienne régionale et de la presse quotidienne départementale " ; qu'en vertu de l'article 13 de ce décret, peuvent notamment bénéficier des aides du fonds les projets permettant d'augmenter la productivité des entreprises de presse, notamment par la réduction des coûts de production, ou d'améliorer et de diversifier la forme rédactionnelle des publications imprimées ;

4. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions attaquées du 1° de l'article 9 du décret attaqué citées au point 3 que les entreprises éditrices d'un quotidien gratuit d'information politique et générale ne sont pas éligibles à des aides au titre de la première section du fonds pour les tirages confiés à des imprimerie dites " de labeur ", par opposition aux imprimeries dites " de presse ", définies comme appliquant la convention collective des ouvriers des entreprises de presse de la région parisienne, la convention collective de travail des cadres techniques de la presse quotidienne parisienne ou les conventions collectives de la presse quotidienne régionale et de la presse quotidienne départementale ; que la différence de traitement ainsi instituée entre les entreprises éditrices d'un quotidien gratuit d'information politique et générale selon qu'elles font appel à des imprimeries de presse ou à des imprimeries de labeur est sans rapport avec l'objet de la première section du fonds, qui est notamment, ainsi qu'il a été dit au point 3, de soutenir financièrement les projets de modernisation des centres d'impression des quotidiens, gratuits ou payants, d'information politique ou générale en vue d'améliorer la productivité des entreprises de presse et de contribuer au développement de la presse ; qu'ainsi, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication est fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir, au 1° de l'article 9 du décret attaqué, des mots : " pour la part des tirages des titres concernés confiée à une imprimerie de presse, cette dernière étant définie en ce qu'elle applique la convention collective des ouvriers des entreprises de presse de la région parisienne, la convention collective de travail des cadres techniques de la presse quotidienne parisienne ou les conventions collectives de la presse quotidienne régionale et de la presse quotidienne départementale ", ainsi que, dans la même mesure, de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur son recours gracieux ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les mots : " pour la part des tirages des titres concernés confiée à une imprimerie de presse, cette dernière étant définie en ce qu'elle applique la convention collective des ouvriers des entreprises de presse de la région parisienne, la convention collective de travail des cadres techniques de la presse quotidienne parisienne ou les conventions collectives de la presse quotidienne régionale et de la presse quotidienne départementale " figurant au 1° de l'article 9 du décret du 13 avril 2012 et, dans la même mesure, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur le recours gracieux de l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale de l'imprimerie, au Premier ministre et à la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 363247
Date de la décision : 30/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - ÉGALITÉ DEVANT LA LOI - FONDS STRATÉGIQUE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRESSE - DISPOSITIONS DU DÉCRET DU 13 AVRIL 2012 INSTITUANT ENTRE LES ENTREPRISES ÉDITRICES D'UN QUOTIDIEN GRATUIT - POUR L'ÉLIGIBILITÉ AUX AIDES DE LA PREMIÈRE SECTION DE CE FONDS - UNE DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT SELON QU'ELLES FONT APPEL À DES IMPRIMERIES DE PRESSE OU À DES IMPRIMERIES DE LABEUR - SANS RAPPORT AVEC L'OBJET DE LA PREMIÈRE SECTION DU FONDS - MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ - CONSÉQUENCE - ANNULATION DU DÉCRET EN TANT SEULEMENT QU'IL SUBORDONNE L'ÉLIGIBILITÉ DE CES QUOTIDIENS À UNE TELLE CONDITION [RJ1].

01-04-03-01 Ayant constaté que les dispositions du 1° de l'article 9 du décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse et au fonds stratégique pour le développement de la presse, qui définissent l'objet des aides de la première section de ce fonds stratégique et prévoient des conditions d'éligibilité à celles-ci, méconnaissent le principe d'égalité en ce qu'elles instituent une différence de traitement entre les entreprises éditrices d'un quotidien gratuit d'information politique et générale selon qu'elles font appel à des imprimeries de presse ou à des imprimeries de labeur, sans rapport avec l'objet de la première section du fonds, qui est notamment de soutenir financièrement les projets de modernisation des centres d'impression des quotidiens, gratuits ou payants, d'information politique ou générale en vue d'améliorer la productivité des entreprises de presse et de contribuer au développement de la presse, le juge de l'excès de pouvoir n'annule pas la totalité des dispositions relatives à la première section du fonds, mais annule ces dispositions en tant seulement qu'elles prévoient que l'éligibilité des entreprises éditrices d'un quotidien gratuit aux aides de cette première section est limitée par une condition tirée du recours à une imprimerie de presse.

53 PRESSE - FONDS STRATÉGIQUE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRESSE - DISPOSITIONS DU DÉCRET DU 13 AVRIL 2012 INSTITUANT ENTRE LES ENTREPRISES ÉDITRICES D'UN QUOTIDIEN GRATUIT - POUR L'ÉLIGIBILITÉ AUX AIDES DE LA PREMIÈRE SECTION DE CE FONDS - UNE DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT SELON QU'ELLES FONT APPEL À DES IMPRIMERIES DE PRESSE OU À DES IMPRIMERIES DE LABEUR - SANS RAPPORT AVEC L'OBJET DE LA PREMIÈRE SECTION DU FONDS - MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ - CONSÉQUENCE - ANNULATION DU DÉCRET EN TANT SEULEMENT QU'IL SUBORDONNE L'ÉLIGIBILITÉ DE CES QUOTIDIENS À UNE TELLE CONDITION [RJ1].

53 Ayant constaté que les dispositions du 1° de l'article 9 du décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse et au fonds stratégique pour le développement de la presse, qui définissent l'objet des aides de la première section de ce fonds stratégique et prévoient des conditions d'éligibilité à celles-ci, méconnaissent le principe d'égalité en ce qu'elles instituent une différence de traitement entre les entreprises éditrices d'un quotidien gratuit d'information politique et générale selon qu'elles font appel à des imprimeries de presse ou à des imprimeries de labeur, sans rapport avec l'objet de la première section du fonds, qui est notamment de soutenir financièrement les projets de modernisation des centres d'impression des quotidiens, gratuits ou payants, d'information politique ou générale en vue d'améliorer la productivité des entreprises de presse et de contribuer au développement de la presse, le juge de l'excès de pouvoir n'annule pas la totalité des dispositions relatives à la première section du fonds, mais annule ces dispositions en tant seulement qu'elles prévoient que l'éligibilité des entreprises éditrices d'un quotidien gratuit aux aides de cette première section est limitée par une condition tirée du recours à une imprimerie de presse.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour une méconnaissance du principe d'égalité conduisant seulement à une annulation partielle de la disposition critiquée, CE, 27 novembre 2013, Syndicat national CFDT des mineurs et assimilés et du personnel du régime minier et autres, n°s 353703 353707 353781, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2013, n° 363247
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:363247.20131230
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