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12/06/2013 | FRANCE | N°357648

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 12 juin 2013, 357648


Vu 1°, sous le n° 357648, la requête, enregistrée le 16 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le département d'Eure-et-Loir, représenté par le président du conseil général ; le département d'Eure-et-Loir demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre de la justice et des libertés d'octobre 2011 relative à la répartition des mineurs isolés étrangers arrivés en Seine-Saint-Denis et la note du directeur de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice et des libertés d

u 20 octobre 2011 ayant le même objet ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat l...

Vu 1°, sous le n° 357648, la requête, enregistrée le 16 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le département d'Eure-et-Loir, représenté par le président du conseil général ; le département d'Eure-et-Loir demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre de la justice et des libertés d'octobre 2011 relative à la répartition des mineurs isolés étrangers arrivés en Seine-Saint-Denis et la note du directeur de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice et des libertés du 20 octobre 2011 ayant le même objet ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le n° 360430, la requête, enregistrée le 22 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le département des Hauts-de-Seine, représenté par le président du conseil général ; le département des Hauts-de-Seine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note du directeur de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice et des libertés du 20 octobre 2011 relative à la répartition des mineurs isolés étrangers arrivés en Seine-Saint-Denis ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 72 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat du département d'Eure-et-Loir et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Hauts-de-Seine ;

1. Considérant qu'en vertu des articles 375-3 et 375-5 du code civil et de l'article 1181 du code de procédure civile, le juge des enfants ou, en cas d'urgence et à titre provisoire, le procureur de la République du lieu où a été identifié un mineur isolé étranger peut ordonner son placement dans un service départemental d'aide sociale à l'enfance ; qu'en vertu de l'article 375-7 du code civil, le lieu d'accueil est recherché en considération de l'intérêt du mineur, sans qu'il soit fait obligation de le confier au service d'aide sociale à l'enfance du département dans lequel il a été identifié ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 22 juillet 2011, le président du conseil général de Seine-Saint-Denis a indiqué au ministre de la justice et des libertés ne plus être en mesure de prendre en charge, à compter du 1er septembre 2011, tous les mineurs isolés étrangers identifiés sur le territoire du département et fait part de son intention de les adresser, à compter de cette date, aux services départementaux de la protection judiciaire de la jeunesse ; que, dans un discours prononcé le 20 octobre 2011 devant l'assemblée des départements de France, le ministre de la justice et des libertés a indiqué qu'une solution avait été recherchée pour faire face à cette situation " dans un cadre légal et à titre de solution d'urgence " ; que, par une note du 20 octobre 2011 adressée aux directeurs interrégionaux Centre, Grand-Est, Grand-Nord et Ile-de-France-Outre-mer, le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice et des libertés a, d'une part, présenté la solution envisagée par le ministre et, d'autre part, demandé que soient transmises à la direction interrégionale Ile-de-France-Outre-mer, à charge pour cette dernière de les transmettre au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny, les informations relatives aux établissements d'aide sociale à l'enfance et aux associations susceptibles d'accueillir des mineurs isolés étrangers dans les départements concernés ;

3. Considérant que le département d'Eure-et-Loir et le département des Hauts-de-Seine demandent l'annulation pour excès de pouvoir, le premier, de la " décision " du ministre de la justice et des libertés relative à la répartition des mineurs isolés étrangers identifiés en Seine-Saint-Denis et de la note du directeur de la protection judiciaire de la jeunesse du 20 octobre 2011 et, le second, de la seule note du directeur de la protection judiciaire de la jeunesse ; que ces deux requêtes présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

4. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, il appartient, en application des articles 375-3, 375-5 et 375-7 du code civil, au seul juge des enfants et, en cas d'urgence, au procureur de la République de décider la prise en charge d'un mineur isolé étranger par un service départemental d'aide sociale à l'enfance, en prenant en considération l'intérêt du mineur ; que le ministre de la justice, garde des sceaux ne tient d'aucune disposition, ni d'aucun principe le pouvoir d'imposer à la décision de ces autorités judiciaires le respect de certains critères, notamment en prévoyant une liste limitative de départements susceptibles de prendre en charge les mineurs isolés étrangers identifiés dans un département ;

5. Considérant que la solution présentée par le ministre de la justice et des libertés dans le discours qu'il a prononcé devant l'assemblée des départements de France et la note du directeur de la protection judiciaire de la jeunesse en tant qu'elle la rappelle ne pouvaient avoir pour objet et ne sauraient avoir pour effet de prévoir de telles limitations ; qu'elles ne mentionnent d'ailleurs aucune " instruction " qui aurait été donnée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny ; qu'elles doivent être interprétées comme se bornant à prévoir que des informations sur les capacités d'accueil des services de vingt-et-un départements situés dans le " grand bassin parisien " seront transmises par les directions interrégionales de la protection judiciaire de la jeunesse territorialement compétentes au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny, afin que lui-même et le juge des enfants disposent, dans l'hypothèse où ils ne décideraient pas que l'intérêt du mineur commande qu'il soit pris en charge dans un département situé hors du " grand bassin parisien ", d'informations utiles pour éclairer leur choix ; qu'ainsi la " décision " prise par le ministre n'a pas le caractère d'un acte faisant grief ; que les requêtes sont, sur ce point, irrecevables ;

6. Considérant, par ailleurs, que, contrairement à ce que soutient le ministre en défense, les départements requérants sont recevables à demander l'annulation de la note du directeur de la protection judiciaire de la jeunesse en tant qu'elle donne l'instruction impérative aux services de transmettre des informations relatives aux établissements d'aide sociale à l'enfance et aux associations susceptibles d'accueillir des mineurs isolés étrangers dans ces départements ; que, toutefois, cette note de service, qui n'est entachée d'aucune incompétence et n'est pas contraire aux dispositions de l'article 30 du code de procédure pénale définissant les attributions du garde des sceaux, n'emporte par elle-même, eu égard à son objet, qui n'est pas de transférer de nouvelles compétences aux départements, aucune méconnaissance de l'article 72 de la Constitution, des articles L. 1641-2 et L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, de l'article L. 221-2 du code de l'action sociale et des familles ou encore du principe d'égalité ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes des départements d'Eure-et-Loir et des Hauts-de-Seine doivent être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes des départements d'Eure-et-Loir et des Hauts-de-Seine sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au département d'Eure-et-Loir, au département des Hauts-de-Seine et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 357648
Date de la décision : 12/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2013, n° 357648
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:357648.20130612
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