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11/03/2013 | FRANCE | N°361582

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 11 mars 2013, 361582


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 31 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100513 du 7 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 février 2011 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1; <

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2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du 25 février 2011 d...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 31 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100513 du 7 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 février 2011 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du 25 février 2011 du ministre de la défense et de le renvoyer devant le ministre de la défense en vue de la liquidation de ses droits ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 ;

Vu le décret n° 59-1193 du 13 octobre 1959 modifié notamment par le décret n° 2011-38 du 10 janvier 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Bouchard, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de M.A...,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Laugier, Caston, avocat de M. A... ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 13 octobre 1959 fixant le régime de l'indemnité pour charges militaires : " L'indemnité représentative de frais dite indemnité pour charges militaires est attribuée aux officiers et militaires non officiers à solde mensuelle, ainsi qu'aux volontaires dans les armées, pour tenir compte des diverses sujétions spécifiquement militaires, et notamment de la fréquence des mutations d'office. (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 3 du même décret, dans sa rédaction antérieure à la publication du décret du 10 janvier 2011 relatif à la prise en compte du pacte civil de solidarité dans le régime indemnitaire des militaires et modifiant diverses dispositions relatives à la délégation de solde des militaires : " Sous réserve du quatrième alinéa du présent article, les militaires mariés ou ayant un ou deux enfants à charge (...) peuvent bénéficier en plus du taux de base d'un taux particulier correspondant à cette situation de famille " ; qu'aux termes de l'article 5 du même texte : " L'indemnité pour charges militaires est soumise aux règles d'allocation de la solde et perçue dans les mêmes conditions. / Elle est payée mensuellement et à terme échu. / L'indemnité se décompte par mois, à raison de la douzième partie de la fixation annuelle, et par jour, à raison de la trois cent soixantième partie de la même fixation " ; que le décret du 10 janvier 2011 a ouvert aux militaires liés par un pacte civil de solidarité, conclu depuis au moins deux ans, le bénéfice de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1 applicable aux militaires mariés ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A..., sergent-chef, a conclu un pacte civil de solidarité le 11 mars 2010 et a demandé, par lettre du 30 août 2010, à bénéficier de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1 applicable aux militaires mariés à compter de la date de conclusion du pacte ; que, par une décision du 25 février 2011, le ministre de la défense et des anciens combattants, après avis de la commission des recours des militaires, a rejeté son recours formé le 23 novembre 2010 contre la décision implicite de rejet opposée à sa demande ; que M. A...se pourvoit en cassation contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Cayenne a refusé de faire droit à sa demande d'annulation de la décision du 25 février 2011 ;

3.Considérant que pour rejeter la demande présentée par M.A..., le tribunal administratif a énoncé qu'à la date de la décision du ministre de la défense et des anciens combattants rejetant sa demande d'attribution de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1, il n'avait pas conclu son pacte civil de solidarité depuis au moins deux ans et ne remplissait pas les conditions posées par l'article 3 du décret du 13 octobre 1959 fixant le régime de l'indemnité pour charges militaires dans sa rédaction issue du décret du 10 janvier 2011 relatif à la prise en compte du pacte civil de solidarité dans le régime indemnitaire des militaires et modifiant diverses dispositions relatives à la délégation de solde des militaires ; qu'en statuant ainsi, alors que les règles régissant l'attribution d'une indemnité versée mensuellement en même temps que la rémunération sont celles en vigueur durant la période au titre de laquelle le versement est demandé et que M. A...avait conclu son pacte civil de solidarité avant l'entrée en vigueur du décret du 10 janvier 2011 précité, le tribunal administratif a, sur ce point, méconnu le champ d'application temporel de ce décret et commis une erreur de droit ; que, par ailleurs, le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la condition d'ancienneté du pacte civil de solidarité posée par le décret précité pour bénéficier de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1 était discriminatoire ; que ce moyen n'était pas inopérant s'agissant de la demande d'attribution de l'indemnité pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de ce décret ; que le tribunal administratif a ainsi insuffisamment motivé sur ce point son jugement ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est par suite fondé à demander l'annulation dans son ensemble du jugement attaqué ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond au titre des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant, en premier lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;

6. Considérant que la différence de traitement instituée par le décret du 10 janvier 2011 précité entre militaires mariés et militaires ayant conclu un pacte civil de solidarité, qui ne constitue pas une discrimination illégale, n'apparaît pas manifestement disproportionnée au regard des différences existant entre le régime juridique du mariage et celui du pacte civil de solidarité ;

7. Considérant cependant, en second lieu, que les règles régissant l'attribution d'une indemnité versée mensuellement en même temps que la rémunération sont celles en vigueur durant la période au titre de laquelle le versement est demandé ; qu'à compter du 11 mars 2010, date de conclusion du pacte civil de solidarité de M. A...et jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 janvier 2011, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 3 du décret du 13 octobre 1959, qui n'avaient pas été modifiées dans un délai raisonnable pour tirer les conséquences de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité étaient devenues illégales et ne pouvaient lui être opposées ; qu'en revanche, à compter de l'entrée en vigueur du décret du 10 janvier 2011, M. A...ne pouvait plus prétendre au versement de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1 qu'à l'issue d'une période de deux ans suivant la date de conclusion de son pacte civil de solidarité ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision du ministre de la défense du 25 février 2011 doit être annulée en tant qu'elle refuse à M. A...le bénéfice de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1 pour la période allant du 11 mars 2010 au 13 janvier 2011 ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du ministre de la défense le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cayenne du 7 juin 2012 est annulé.

Article 2 : La décision du 25 février 2011 du ministre de la défense et des anciens combattants est annulée en tant qu'elle refuse à M. A...le bénéfice de l'indemnité pour charges militaires pour la période allant du 11 mars 2010 au 13 janvier 2011.

Article 3 : Le ministre de la défense versera à M. A...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. A...devant le tribunal administratif de Cayenne est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A...et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 361582
Date de la décision : 11/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mar. 2013, n° 361582
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Stéphane Bouchard
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP LAUGIER, CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:361582.20130311
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