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28/12/2012 | FRANCE | N°352316

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 28 décembre 2012, 352316


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août et 21 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. Jean-Louis A, demeurant à ... ; M. A demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT02752 du 23 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n°s 05411-055337 du 7 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'ordre de versement émis à son encontre l

e 22 juin 2004, de la décision rejetant sa demande de décharge de responsa...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août et 21 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. Jean-Louis A, demeurant à ... ; M. A demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT02752 du 23 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n°s 05411-055337 du 7 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'ordre de versement émis à son encontre le 22 juin 2004, de la décision rejetant sa demande de décharge de responsabilité du 15 novembre 2004, de l'arrêté de débet n° 00268 du 15 avril 2005, de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 1er septembre 2005 auprès du ministre délégué au budget et de la décision implicite du trésorier-payeur général de la Gironde du 1er septembre 2005 rejetant son recours gracieux, d'autre part, à l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 64-1022 du 29 septembre 1964 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de M. Jean-louis A,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. Jean-louis A ;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que M. Jean-Louis A a exercé, du 1er août 1988 au 1er janvier 1992, les fonctions de chef de poste de la trésorerie de Belin-Beliet dans le département de la Gironde ; qu'au titre de ses fonctions, il avait notamment la garde de sommes déposées par des personnes privées dans le cadre de la souscription d'un contrat de capitalisation proposé par la Caisse nationale de prévoyance et le Trésor public ; que le détournement par M. A à des fins personnelles des titres souscrits par une de ces personnes a donné lieu à un remboursement d'un montant de 26 371,75 euros par le trésorier-payeur général de Gironde ; qu'un déficit de ce montant a été constaté, le 29 octobre 1993, dans sa comptabilité ; qu'un ordre de versement du même jour ainsi qu'un arrêté pris le 6 novembre 1995 par le ministre chargé du budget ont été annulés par un jugement, devenu définitif, du tribunal administratif de Nantes du 10 avril 1996 ; qu'un nouvel ordre de versement, émis par ce ministre à l'encontre du requérant le 9 juin 1998, a été annulé par un jugement du même tribunal du 5 février 2004 dont il n'a pas été relevé appel ; qu'un ordre de versement a été émis à nouveau par le ministre, le 22 juin 2004, à l'encontre de M. A qui n'a effectué aucun versement pour combler le déficit ainsi constaté ; que ce ministre a constitué l'intéressé débiteur envers l'État de la somme en cause par un arrêté de débet du 15 avril 2005 ; que, par un jugement du 7 octobre 2009, le tribunal administratif a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de l'ordre de versement, émis à son encontre le 22 juin 2004, de la décision rejetant sa demande de décharge de responsabilité du 15 novembre 2004, de l'arrêté de débet du 15 avril 2005, de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 1er septembre 2005 auprès du ministre délégué au budget et de la décision implicite du trésorier-payeur général de la Gironde du 1er septembre 2005 rejetant son recours gracieux ; que par l'arrêt attaqué du 23 juin 2011, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé ce jugement ;

Sur les motifs de l'arrêt relatifs à l'irrecevabilité de conclusions d'appel :

2. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a jugé irrecevables les conclusions d'appel dirigées contre l'article 1er du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes avait décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. A tendant à l'annulation de l'ordre de versement du 22 juin 2004 ; que la cour n'avait, dès lors, pas à se prononcer sur le moyen tiré de l'inexistence de cet ordre de versement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêt attaqué sur ce point ne peut qu'être écarté ;

Sur les motifs de l'arrêt relatifs à la légalité de l'arrêté de débet du 15 avril 2005 et des décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchiques formés contre cette décision :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 de finances pour 1963, dans sa rédaction alors applicable : " I - Quel que soit le lieu où ils exercent leurs fonctions, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés à l'État, aux collectivités locales et aux établissements publics nationaux ou locaux, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. /(...) / IV - La responsabilité pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en deniers ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par la faute du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers. / V. (...) Le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité ne peut plus intervenir au-delà du 31 décembre de la dixième année suivant celle au cours de laquelle le comptable a produit ses comptes au juge des comptes ou, lorsqu'il n'est pas tenu à cette obligation, celle au cours de laquelle il a produit les justifications de ses opérations / VI - Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est engagée ou mise en jeu a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale, soit au montant de la perte de recette subie, de la dépense payée à tort ou de l'indemnité mise, de son fait, à la charge de l'organisme public intéressé, soit, dans le cas où il en tient la comptabilité matière, à la valeur du bien manquant. (...) / VII - Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est engagée ou mise en jeu et qui n'a pas versé la somme prévue au paragraphe VI ci-dessus peut être constitué en débet soit par l'émission à son encontre d'un titre ayant force exécutoire, soit par arrêt du juge des comptes. / (...) " ;

4. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que les fonds ou valeurs qui, bien qu'appartenant à des personnes privées, sont confiés à un comptable public sont assimilés à des deniers publics et relèvent, par suite, du champ d'application de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 ;

5. Considérant, toutefois, que l'annulation contentieuse d'un ordre de versement a pour conséquence qu'il est réputé n'avoir jamais existé et fait, dès lors, obstacle à ce que lui soit attaché un effet interruptif de prescription ; qu'il suit de là qu'en jugeant que le délai de prescription de l'action en recouvrement de la somme dont M. A était débiteur a été valablement interrompu par l'ordre de versement émis le 9 juin 1998 à son encontre, quand bien même cet ordre de versement a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 février 2004, la cour a commis une erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de débet du 15 avril 2005, de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique formé le 1er septembre 2005 auprès du ministre délégué au budget et de la décision implicite du trésorier-payeur général de la Gironde du 1er septembre 2005 ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant que le délai de prescription de l'action en recouvrement de la somme dont M. A était débiteur auprès du trésorier-payeur général de la Gironde a couru à compter du 1er janvier 1994 ; que la prescription était acquise, conformément aux dispositions du IV de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 dans leur rédaction alors applicable, en l'absence de tout acte interruptif, au terme d'un délai de dix ans ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le délai de prescription avait été interrompu par l'émission des ordres de versement annulés de 1993 et 1998 et qu'en conséquence, la créance n'était pas prescrite lorsque l'ordre de versement du 22 juin 2004 et l'arrêté de débet du 15 avril 2005 ont été pris ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de débet du 15 avril 2005, de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique formé le 1er septembre 2005 auprès du ministre délégué au budget et de la décision implicite du trésorier-payeur général de la Gironde du 1er septembre 2005 ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens tant en appel qu'en cassation ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 23 juin 2011 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A à fin d'annulation de l'arrêté de débet du 15 avril 2005, de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique formé le 1er septembre 2005 auprès du ministre délégué au budget et de la décision implicite du trésorier-payeur général de la Gironde du 1er septembre 2005.

Article 2 : L'arrêté de débet du 15 avril 2005, la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par M. A le 1er septembre 2005 auprès du ministre délégué au budget et la décision implicite du trésorier-payeur général de la Gironde du 1er septembre 2005 rejetant son recours gracieux sont annulés.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 octobre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'État versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis A et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 352316
Date de la décision : 28/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2012, n° 352316
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Suzanne Von Coester
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:352316.20121228
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