Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 et 30 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour l'Office public de l'habitat des Bouches-du-Rhône, dont le siège est 80, rue Albe à Marseille (13234), représenté par son président en exercice ; l'Office public de l'habitat des Bouches-du-Rhône demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1006372 du 2 juillet 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu l'exécution de la délibération du 19 mars 2012 par laquelle son conseil d'administration a mis fin aux fonctions de M. Bernard A en qualité de directeur général de l'établissement, a prononcé son licenciement et a autorisé son président à signer la lettre de licenciement, et lui a enjoint de réintégrer M. A dans ses fonctions dans un délai de quinze jours ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension de M. A ;
3°) de mettre à la charge de M. A le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nadia Bergouniou-Gournay, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de l'Office public de l'habitat des Bouches du Rhône et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Bernard A,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de l'Office public de l'habitat des Bouches du Rhône et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Bernard A ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
2. Considérant que par une ordonnance du 2 juillet 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. Bernard A, d'une part, suspendu, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la délibération du 19 mars 2012 par laquelle le conseil d'administration de l'Office public de l'habitat des Bouches-du-Rhône a mis fin à ses fonctions de directeur général de l'établissement, a prononcé son licenciement et a autorisé son président à signer la lettre de licenciement, et, d'autre part, a enjoint à l'office de réintégrer M. A dans ses fonctions dans un délai de quinze jours ; que l'Office public de l'habitat des Bouches-du-Rhône demande l'annulation de cette ordonnance ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par M. A :
3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 421-16 du code de la construction et de l'habitation: " Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'office, et notamment : (...) 11°) Autorise, selon le cas, le président ou le directeur général à ester en justice, en application des articles R. 421-17 ou R. 421-18 ; toutefois, en cas d'urgence, ou lorsqu'il s'agit d'une action en recouvrement d'une créance, le directeur général peut intenter une action en justice sans cette autorisation. " ; que l'article R. 421-17 du même code dispose que : " Le président du conseil d'administration (...) représente l'office en justice pour les contentieux dans lesquels les administrateurs ou le directeur général sont mis en cause à titre personnel dans le cadre de leurs fonctions. Il doit rendre compte au conseil d'administration des actions en justice qu'il a introduites à la prochaine séance de ce conseil. " ; qu'aux termes de l'article R. 421-18 du même code : " Les fonctions de directeur général sont incompatibles avec celles de membre du conseil d'administration. / Le directeur général (...) représente l'office en justice, sauf dans les cas prévus au cinquième alinéa de l'article R. 421-17. Il doit rendre compte au conseil d'administration des actions en justice qu'il a introduites lors de la plus prochaine séance de ce conseil. (...) " ;
4. Considérant, d'une part, qu'au sens de ces dispositions, la présente instance met en cause M. A à titre personnel et à raison des fonctions qu'il exerçait en sa qualité de directeur général de l'Office public de l'habitat des Bouches-du-Rhône ; qu'il suit de là que le président de l'Office public de l'habitat des Bouches-du-Rhône avait qualité pour représenter cet établissement public dans le cadre de cette instance ;
5. Considérant, d'autre part, qu'en raison tant de la nature même de l'action en référé ouverte par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, qui ne peut être intentée qu'en cas d'urgence, que de la brièveté du délai imparti pour saisir le Conseil d'Etat d'une ordonnance rendue en premier et dernier ressort sur le fondement de ces dispositions, le président d'un office public de l'habitat peut, conformément aux dispositions combinées des articles R. 421-16 et R. 421-17 du code de la construction et de l'habitation, se pourvoir au nom de cet office contre une telle ordonnance sans y avoir été préalablement autorisé par le conseil d'administration de l'office ; qu'il suit de là que le président de l'Office public de l'habitat des Bouches-du-Rhône pouvait régulièrement se pourvoir en cassation contre l'ordonnance du 2 juillet 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille sans l'autorisation du conseil d'administration de l'office ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par M. A doivent être écartées ;
Sur la condition d'urgence :
7. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés et qu'il n'est pas contesté par M. A qu'il a perçu une indemnité de licenciement de 143 583,53 euros ainsi qu'une indemnité compensatrice de congés annuels non pris par lui d'un montant de 22 617 euros et qu'il a droit au versement, différé de cinq mois en raison des indemnités perçues, d'une allocation retour à l'emploi d'un montant estimé de 4 600 euros nets par mois ; que, dans ces conditions, eu égard au montant de ces indemnités, le juge des référés a dénaturé les faits de l'espèce et les pièces du dossier en estimant que compte tenu de l'âge de M. A et de la circonstance qu'il ne pouvait prétendre au versement d'une allocation chômage avant le mois de décembre 2012, l'exécution de la décision de licenciement caractérisait une situation d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Office public de l'habitat des Bouches-du-Rhône qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Office public de l'habitat des Bouches-du-Rhône au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 2 juillet 2012 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : Les conclusions de l'Office public de l'habitat des Bouches-du-Rhône présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office public de l'habitat des Bouches-du-Rhône et à M. Bernard A.